Dédicace en prose et en vers
Phaéton
Boursault, Edme
Éditeur scientifique : Souchier, Marine
Description
Auteur du paratexteBoursault, Edme
Auteur de la pièceBoursault, Edme
Titre de la piècePhaéton
Titre du paratexteÀ Messieurs les comédiens ordinaires du Roi
Genre du texteDédicace en prose et en vers
Genre de la pièceComédie
Date1694
LangueFrançais
ÉditionParis, Jean Guignard, 1694, in-12°
Éditeur scientifiqueSouchier, Marine
Nombre de pages12
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k859427
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Boursault-Phaeton-Dedicace.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Boursault-Phaeton-Dedicace.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Boursault-Phaeton-Dedicace.odt
Mise à jour2013-02-17
Mots-clés
Mots-clés français
ComédiensRoscius ; Comédiens-Français ; remerciement aux comédiens ; dédicace aux comédiens ; rapports comédiens italiens / français
RéceptionSuccès / échec ; cabale ; ligue ; prévention / plaisir ; réception par les comédiens
FinalitéPlaisir
Relations professionnellesRelations auteur dramatique / comédiens ; rivalité entre les auteurs ; auteurs et protecteurs
Mots-clés italiens
AttoriRoscius ; Comédiens-Français ; ringraziamenti ai comici ; dedica ai comici ; rapporti comici italiani / comici francesi
RicezioneSuccesso/ insuccesso ; cabala ; lega ; prevenzione / diletto ; ricezione dai comici
FinalitàDiletto
Rapporti professionaliRelazioni tra autore drammatico / comici ; rivalità tra gli autori ; autori e protettori
Mots-clés espagnols
Actor(es)Roscius ; actores de la Comédie-Française ; agradecimientos a los actores ; dedicatoria a los actores ; relaciones actores italianos / franceses
RecepciónÉxito / fracaso ; cábala ; liga ; prevención / placer ; recepción por los actores
FinalidadPlacer
Relaciones profesionalesRelaciones dramaturgo / actores ; rivalidad entre los dramaturgos ; dramaturgos y protectores
Présentation
Présentation en français
Avec Phaéton, créé en 1691 et publié en 1694, le dramaturge donne sa treizième pièce. Contrairement à Ésope à la ville, joué l’année précédente, elle n’a guère de succès : l’affluence du public, sans être catastrophique, reste modeste. Or la mise en scène nécessite un fort investissement que le nombre d’entrées ne suffit pas à compenser. Les comédiens abandonnent cette pièce trop peu rentable au bout de neuf représentations1.
En remerciant la troupe du Roi d’avoir accepté sa comédie, l’auteur, sous couvert de justifier leur choix, se défend contre les attaques dont son œuvre a été victime. Il allègue comme cause de sa chute la « cabale » qui s’est déchaînée contre elle. La source de cette cabale réside selon lui dans la jalousie de ses concurrents. À ses yeux, le ressort des « ligues » qu’ils ont formées n’est autre que la « prévention » : ils ont fait circuler le bruit que la pièce était mauvaise, si bien que les spectateurs étaient déjà persuadés de sa faiblesse avant même la représentation. Suit une variation sur l’histoire du comédien Roscius, qui démontre que la prévention a existé de tous temps et va de pair avec l’ignorance, l’apologue permettant de tourner en ridicule l’attitude des détracteurs de Boursault. L’auteur termine sa dédicace en évoquant les jugements favorables sur sa pièce donnés cette fois de manière impartiale par des hommes de lettres avisés et un spectateur anonyme. Il substitue ainsi au public qui a chahuté Phaéton un public bienveillant qui aurait su, par une lecture ou une écoute objective, l’accueillir comme elle le méritait.
Texte
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À Messieurs les comédiens ordinaires du Roi 2
Messieurs,
[NP1]Si vous vous souvenez aussi bien du plaisir que je [NP2] vous donnai, que je me souviens de celui que j’eus lorsque je vous lus l’ouvrage que je vous dédie, je me flatte que vous vous ferez un plaisir nouveau de le recevoir, comme je m’en fais un de vous l’offrir. Les applaudissements que vous lui donnâtes à la lecture que je vous en fis méritent la reconnaissance que je vous en témoigne ; et je le mets tout exprès au jour pour faire connaître à ceux qui ne l’ont pu voir représenter qu’il y eut autant d’équité dans vos suffrages, que de passion dans ceux qui me refusèrent le leur3. [NP3] Il ne s’est jamais vu tant de cabales4 qu’il y en eut contre cette pièce : je ne sais combien de petits auteurs5, chagrins du succès qu’avait eu Ésope6, et qui vous entendaient publier que Phaéton en aurait encore un plus grand, firent ligue offensive et défensive contre moi ; et du bas du Parnasse, où Apollon a l’indulgence de les souffrir, ils cherchèrent à me faire tomber d’une place qui, toute médiocre qu’elle est, leur semble élevée par rapport à celle qu’ils y occupent. Comme il y en a quelques-uns à qui le bonheur a fait trouver des asiles [NP4] favorables, et qui ont l’avantage de n’être pas inutiles aux plaisirs des Grands7, ils eurent tant de facilité à les prévenir8, et ceux qui étaient prévenus à en prévenir encore d’autres, que ma comédie était condamnée avant que d’être vue ; et tout son crime était un peu trop de réputation. Ce n’est ni d’aujourd’hui ni contre moi seul que la prévention a fait voir qu’elle est inséparable de l’ignorance ; il ne faut guère feuilleter l’Histoire pour en trouver des exemples. L’affranchi d’Auguste9 en fit jadis une fable, dont j’ai [NP5] pris le sujet sans m’attacher servilement à la lettre ; et comme il n’y a point d’exemple dans l’Antiquité qui fasse mieux connaître l’injustice de la prévention, j’ai cru la devoir mettre ici en ces termes.
La Prévention.
Fable.
Ne croyez pas, Messieurs, que ce soit par un entêtement si ordinaire aux auteurs, et dont je suis peut-être autant susceptible qu’un autre, que je trouve de la prévention dans le jugement tumultueux que l’on fit de mon ouvrage. J’ai fait comme fit,[NP8] il y a quelque temps, un plaideur qui perdit une bonne cause : son procès jugé, il en porta les pièces à sept ou huit des plus fameux avocats, qui après un sérieux examen dirent que le gain en devait être infaillible. J’ai montré ma pièce, depuis le jugement qu’on en a fait, à des gens qui sont sur la cime du Parnasse, et qui ne voient qu’Apollon au-dessus d’eux ; et la plus solide louange que je puisse vous donner est qu’ils ont été de même sentiment que vous. Si je ne craignais d’être soupçonné d’un peu d’amour propre, j’ajoute[NP9]rais ici une approbation qui m’a été donnée je ne sais par qui. Comme je sortais un soir de la comédie, un de vos gardes13 me donna un billet cacheté, où quelqu’un, assez généreux pour me consoler d’une disgrâce qu’il crut apparemment que je ne méritais pas, avait eu la bonté de me mettre ces quatre vers :
Je ne les mets point ici par une vanité ridicule, je les y mets par une juste reconnaissance. Je répète (et c’est la vérité) que je ne sais à qui {NP10 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k859427/f11} je suis redevable de cette grâce ; mais à qui que ce soit, j’y dois être assez sensible pour ne pas garder un silence ingrat dans une conjoncture où tout l’honneur est pour celui qui m’en a voulu faire. Son approbation ne déshonore pas la vôtre ; et vous ne serez pas fâchés de voir de votre parti un homme qui sait dire tant de choses en si peu de mots. Puisque vous avez fait plus que vous ne deviez pour moi, il est bien juste que je fasse ce que je dois pour vous ; et que j’associe à vos suffrages tout ce qu’il y a de gens éclairés qui {NP11 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k859427/f12} jugent des ouvrages d’esprit par le plaisir qu’ils y prennent, et non par le rapport qu’on leur en fait. C’est, Messieurs, dans cette vue que je donne Phaéton au public. Il vous a plu ; il a plu à des personnes d’un mérite au-dessus de l’expression ; sans compter l’applaudissement anonyme, qui n’est point d’un médiocre génie : j’en tire une conséquence qu’il faut de nécessité qu’il plaise à d’autres ; et je le souhaite, moins parce que je l’ai fait, que parce que vous l’avez approuvé. Je ne puis reconnaître l’obligation que je vous ai que {NP12 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k859427/f13} par cette voie ; et par la protestation que je vous fais d’être toute ma vie,
Messieurs,
Votre très humble, et obéissant serviteur,
Boursault.