Préface
Le Prince déguisé
Scudéry, Georges de
Éditeur scientifique : Fenin, Coralie
Description
Auteur du paratexteScudéry, Georges de
Auteur de la pièceScudéry, Georges de
Titre de la pièceLe Prince déguisé
Titre du paratexteAu Lecteur
Genre du textePréface
Genre de la pièceTragi-comédie
Date1636
LangueFrançais
ÉditionParis : A. Courbé, 1636, in-8°
Éditeur scientifiqueFenin, Coralie
Nombre de pages5
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5620674c.r=le+prince+d%C3%A9guis%C3%A9.langFR
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Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Scudery-Prince-deguise-Preface.html
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Mise à jour2012-12-04
Mots-clés
Mots-clés français
DramaturgieTexte / représentation ; théâtre / peinture
ScenographieMagnificence ; changement de décor
RéceptionSuccès grâce au spectacle de la scène
Relations professionnellesJeu des acteurs
AutreMétaphore picturale
Mots-clés italiens
DrammaturgiaTesto / rappresentazione ; teatro / pittura
ScenografiaMagnificenza ; cambiamenti di scene
RicezioneSuccesso per via dello spettacolo scenico
Rapporti professionaliRecitazione attoriale
AltriMetafora pittorica
Mots-clés espagnols
DramaturgiaTexto / representación ; teatro / pintura
EscenografiaMagnificencia ; cambio de decorado
RecepciónÉxito gracias al espectáculo de la escena
Relaciones profesionalesActuación de los actores
OtrasMetáfora pictórica
Présentation
Présentation en français
Texte
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AU LECTEUR
[NP1] Il est certains tableaux, dont le coloris est si vif et si riant, qu’il surprend agréablement la vue de tous ceux qui les regardent1, trompe la connaissance des plus savants en portraiture2, et fait passer d’abord pour fort beau, ce qui [NP2] ne l’est point du tout. Mais lorsque cette douce illusion est dissipée, qu’on s’aperçoit de la tromperie qu’elle a faite au sens3, et qu’enfin le jugement recouvre la liberté de ses fonctions, on ne voit plus ce qu’on croyait voir : on se moque de cet ouvrage, et de soi-même ; et cette estime si mal fondée se change en un juste mépris. Je ne sais, Lecteur, si cette peinture parlante4 que je t’offre, n’aura point le même destin ; et je doute, si cette approbation universelle qu’elle a reçue5, est un effet de ses beautés ou de son bonheur6. Le superbe appareil7 de la scène, la face du théâtre, qui change cinq ou six fois entièrement8, à la représentation de ce poème9, la magnificence des habits10, l’excellence des co[NP3]médiens, de qui l’action farde les paroles11, et la voix qui n’est qu’un son qui meurt en naissant12 ; tout cela, dis-je, étant joint ensemble, est capable de donner des grâces à ce qui n’en a point, d’éblouir par cet éclat les yeux des plus clairvoyants, et de décevoir13 l’oreille la plus juste, et la plus sensible au discernement des bonnes ou des mauvaises choses14. Mais comme Alexandre dit autrefois à quelqu’un qui lui conseillait d’attaquer ses ennemis la nuit, qu’il ne voulait point dérober la victoire15 , je t’assure de même que je ne veux point dérober la réputation d’esprit, ni la devoir à ce qui n’est pas de moi. C’est ce qui m’oblige à t’exposer cet ouvrage, dépouillé de tous autres ornements, que16 de [NP4] ceux qui lui sont naturels, afin que ta raison ne soit point surprise, et qu’elle ne lui donne que ce qu’il mérite avoir17. Sache donc qu’en te le montrant, je me suis caché le pinceau dans la main, derrière les rideaux comme Appelle18, résolu de corriger mes défauts par ta connaissance, et de me défaire de cet amour-propre qui nous fait croire beau tout ce que nous faisons, et ce qui bien souvent ne l’est pas19. Mais de grâce, sois juge équitable, fais que ta censure sois fille de la Charité, et non pas de l’Envie20 ; et surtout examine-toi pour m’examiner ; juge-toi pour me juger ; connais tes forces pour voir ma faiblesse, et ne te mêle que de ce que tu fais bien : autrement je me montrerai com[NP5]me ce fameux Peintre, pour te dire :
Ne sutor ultra crepidam21
Si tu es de la Cour, pardonne-moi ce mot de latin, que je n’ai pu retenir : c’est une faute que je n’ai jamais commise en écrivant, et que je ne commettrai peut-être jamais : le peu que j’en sais ne me permettant pas d’en être prodigue, ni d’en faire profusion22, Adieu.