IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Le Prince déguisé

Scudéry, Georges de

Éditeur scientifique : Fenin, Coralie

Description

Auteur du paratexteScudéry, Georges de

Auteur de la pièceScudéry, Georges de

Titre de la pièceLe Prince déguisé

Titre du paratexteAu Lecteur

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragi-comédie

Date1636

LangueFrançais

ÉditionParis : A. Courbé, 1636, in-8°

Éditeur scientifiqueFenin, Coralie

Nombre de pages5

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5620674c.r=le+prince+d%C3%A9guis%C3%A9.langFR

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Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Scudery-Prince-deguise-Preface.html

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Mise à jour2012-12-04

Mots-clés

Mots-clés français

DramaturgieTexte / représentation ; théâtre / peinture

ScenographieMagnificence ; changement de décor

RéceptionSuccès grâce au spectacle de la scène

Relations professionnellesJeu des acteurs

AutreMétaphore picturale

Mots-clés italiens

DrammaturgiaTesto / rappresentazione ; teatro / pittura

ScenografiaMagnificenza ; cambiamenti di scene

RicezioneSuccesso per via dello spettacolo scenico

Rapporti professionaliRecitazione attoriale

AltriMetafora pittorica

Mots-clés espagnols

DramaturgiaTexto / representación ; teatro / pintura

EscenografiaMagnificencia ; cambio de decorado

RecepciónÉxito gracias al espectáculo de la escena

Relaciones profesionalesActuación de los actores

OtrasMetáfora pictórica

Présentation

Présentation en français

La préface du Prince déguisé vient nourrir la production théorique déjà substantielle qui s’efforce de penser le théâtre en fonction de la peinture. Ce paradigme pictural qui prend sa source chez les Anciens renouvelle les structures de la pensée dramatique et se voit annexer par les réguliers, au premier rang desquels Chapelain, pour asseoir la légitimité de la règle de l’unité de temps et au-delà le principe de vraisemblance. C’est cependant dans une perspective différente que Georges de Scudéry l’utilise. La comparaison du théâtre et de la peinture et la louange accordée aux magnificences visuelles du spectacle étoffent en effet une réflexion originale qui distingue le mérite du dramaturge qui compose le texte et celui des professionnels de la scène qui lui donnent vie. Georges de Scudéry s’adresse alors au lecteur qui saura estimer le texte de cette tragi-comédie qu’on lui offre vierge des ornementations scéniques susceptibles de fausser son jugement. Le dramaturge, figure dans laquelle se dessine en filigrane celle du peintre, questionne ainsi la rhétorique qui a toujours guidé la poétique théâtrale et élabore une pensée du spectacle dans tout ce qu’il a de fulgurance visuelle.

Texte

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AU LECTEUR

[NP1] Il est certains tableaux, dont le coloris est si vif et si riant, qu’il surprend agréablement la vue de tous ceux qui les regardent1, trompe la connaissance des plus savants en portraiture2, et fait passer d’abord pour fort beau, ce qui [NP2] ne l’est point du tout. Mais lorsque cette douce illusion est dissipée, qu’on s’aperçoit de la tromperie qu’elle a faite au sens3, et qu’enfin le jugement recouvre la liberté de ses fonctions, on ne voit plus ce qu’on croyait voir : on se moque de cet ouvrage, et de soi-même ; et cette estime si mal fondée se change en un juste mépris. Je ne sais, Lecteur, si cette peinture parlante4 que je t’offre, n’aura point le même destin ; et je doute, si cette approbation universelle qu’elle a reçue5, est un effet de ses beautés ou de son bonheur6. Le superbe appareil7 de la scène, la face du théâtre, qui change cinq ou six fois entièrement8, à la représentation de ce poème9, la magnificence des habits10, l’excellence des co[NP3]médiens, de qui l’action farde les paroles11, et la voix qui n’est qu’un son qui meurt en naissant12 ; tout cela, dis-je, étant joint ensemble, est capable de donner des grâces à ce qui n’en a point, d’éblouir par cet éclat les yeux des plus clairvoyants, et de décevoir13 l’oreille la plus juste, et la plus sensible au discernement des bonnes ou des mauvaises choses14. Mais comme Alexandre dit autrefois à quelqu’un qui lui conseillait d’attaquer ses ennemis la nuit, qu’il ne voulait point dérober la victoire15 , je t’assure de même que je ne veux point dérober la réputation d’esprit, ni la devoir à ce qui n’est pas de moi. C’est ce qui m’oblige à t’exposer cet ouvrage, dépouillé de tous autres ornements, que16 de [NP4] ceux qui lui sont naturels, afin que ta raison ne soit point surprise, et qu’elle ne lui donne que ce qu’il mérite avoir17. Sache donc qu’en te le montrant, je me suis caché le pinceau dans la main, derrière les rideaux comme Appelle18, résolu de corriger mes défauts par ta connaissance, et de me défaire de cet amour-propre qui nous fait croire beau tout ce que nous faisons, et ce qui bien souvent ne l’est pas19. Mais de grâce, sois juge équitable, fais que ta censure sois fille de la Charité, et non pas de l’Envie20 ; et surtout examine-toi pour m’examiner ; juge-toi pour me juger ; connais tes forces pour voir ma faiblesse, et ne te mêle que de ce que tu fais bien : autrement je me montrerai com[NP5]me ce fameux Peintre, pour te dire :

Ne sutor ultra crepidam21

Si tu es de la Cour, pardonne-moi ce mot de latin, que je n’ai pu retenir : c’est une faute que je n’ai jamais commise en écrivant, et que je ne commettrai peut-être jamais : le peu que j’en sais ne me permettant pas d’en être prodigue, ni d’en faire profusion22, Adieu.