Préface
Crispin musicien
Noël Lebreton, dit Hauteroche
Éditeur scientifique : Piot, Coline
Description
Auteur du paratexteNoël Lebreton, dit Hauteroche
Auteur de la pièceNoël Lebreton, dit Hauteroche
Titre de la pièceCrispin musicien
Titre du paratextePréface
Genre du textePréface
Genre de la pièceComédie
Date1674
LangueFrançais
ÉditionParis, Pierre Promé, sur le quai des Grands Augustins, à la Charité, 1674, in 8°. (Numérisation en cours)
Éditeur scientifiquePiot, Coline
Nombre de pages3
Adresse source
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Hauteroche-Crispinmusien-Preface.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Hauteroche-Crispinmusien-Preface.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Hauteroche-Crispinmusien-Preface.odt
Mise à jour2015-07-27
Mots-clés
Mots-clés français
SujetSujet mince
DramaturgieAction secondaire ; personnages secondaires
RéceptionSuccès ; public comme juge ; public composé de tout Paris, beau monde ; critiques ; effets comiques de la représentation
FinalitéPlaisir
AutreHéritage spirituel : Plaute, Térence, Molière
Mots-clés italiens
ArgomentoArgomento futile
DrammaturgiaAzione secondaria / personaggi secondari
RicezioneSuccesso : pubblico come giudice ; pubblico composto di tutta Parigi, pubblico scelto ; critiche ; effetti comici della rappresentazione
FinalitàDiletto
AltriEredità spirituale : Plauto, Terenzio, Molière
Mots-clés espagnols
TemaTema escueto
DramaturgiaAcción secundaria ; personaje secundarios
RecepciónÉxito ; público como juez ; público compuesto por todo París, público selecto ; críticos ; efectos cómicos de la representación
FinalidadPlacer
OtrasHerencia espiritual : Plauto, Terencio, Molière
Présentation
Présentation en français
À cette argumentation bien menée s’ajoute un positionnement stratégique topique des préfaces : le dénigrement systématique des critiques. En effet, après avoir rappelé le poncif du public promu seul juge légitime de la qualité d’un ouvrage, Hauteroche peint un tableau très manichéen du public avec d’un côté le « beau monde » et le « tout Paris », de l’autre « ces messieurs les critiques » caractérisés par « la malignité de leur humeur critiquante ». C’est là sans doute une façon habile de rappeler à son futur lectorat que le plus grand nombre a reçu favorablement la comédie et que la désapprouver serait d’une certaine manière porter le masque peu flatteur du critique professionnel.
La préface s’achève par une sorte d’éloge paradoxal de la licence poétique. Tout en rappelant que les règles sont nécessaires pour réussir une comédie, Hauteroche évoque les écarts heureux des plus grands dramaturges. C’est pour lui l’occasion de se placer dans la lignée de Térence, Plaute et Molière, et de bénéficier du prestige des modèles, suivant à son tour les « traces » de ceux qui incarnent l’excellence comique. L’allusion à une réplique célèbre du Dorante de La Critique de L’École des femmes à la fin du texte achève de donner à cet argumentaire une tonalité moliéresque. Pourtant, si l’on s’en tient à ce que le dramaturge formule de manière explicite, et sur le ton de la démonstration théorique, Hauteroche affirme sa fidélité à la doxa poétique des théoriciens. Avec subtilité, il suggère son affiliation à Molière sans offenser les théoriciens du théâtre, utilisant de manière originale le genre de la préface pour marquer sa propre place dans le monde du théâtre.
Texte
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Préface
{NP1} Si l’on doit juger d’une comédie par sa réussite, j’ai lieu de croire que celle-ci n’est pas des plus méchantes. Quarante représentations de suite dans la plus mauvaise saison de l’année2 me persuadent aisément qu’elle n’est pas sans mérite ; et à parler de bonne foi, je pense qu’un autre en ma place aurait peine à ne pas se laisser aller à cette persuasion. Le public, qui décide ordinairement de ces sortes d’ouvrages, a paru fort content de celui-ci : mais parmi tant de beau monde qui l’est venu voir en foule, il s’est rencontré de ces critiques à outrance, qui ne lui ont pas été si favorables. Ils ont, suivant leur chagrin3 naturel, condamné plusieurs endroits de cette comédie ; mais le succès qu’elle a eu m’a vengé pleinement de la malignité de leur humeur critiquante. J’ai le plaisir de voir malgré eux que, sans cabale et sans aucune brigue4, cette pièce s’est d’elle-même attiré l’estime de tout Paris, et que je n’en suis obligé qu’à l’équité du public, et au soin de mes camarades. Ces Messieurs les critiques5 ont cru donner une grande atteinte à cette comédie en faisant remarquer qu’il y a peu de sujet ; mais je ne vois pas que ce soit un grand défaut, ni que cette remarque me soit désavantageuse. Je sais comme eux qu’on y trouvera une duplicité d’action ; mais je sais bien aussi que l’action {NP2} épisodique6 est moindre que la principale, que cette duplicité n’est pas sans liaison, et qu’il est aisé de connaître que c’est par les personnages épisodiques que le dénouement s’en fait7. On dit qu’ils m’ont fait la grâce de passer légèrement sur la conduite8 ; mais qu’ils ont blâmé fortement quelques personnages, qui selon leur censure pouvaient être retranchés sans rien altérer au sujet. J’avoue qu’il y en a quelques-uns que possible9 j’aurais pu retrancher ; mais j’ose dire qu’ils ont produit un trop bon effet dans la pièce pour croire que je me repente jamais de les y avoir laissés : outre qu’à considérer la chose avec un peu de réflexion, on verra que ces personnages ne sont pas si détachés que ces Messieurs ont voulu se l’imaginer. Le musicien attendu par les filles de Dorame inspire la pensée à Toinon de faire Crispin maître de musique pour se tirer de l’embarras où ils sont ; et cette adresse dont elle se sert en cette rencontre donne lieu à des incidents fort agréables, qui aident beaucoup au dénouement. Le Breton qui vient au quatrième acte pour faire un message à Phélonte de la part de Mélante son maître ne rompt point le fil de l’action : il était de la prudence de Mélante, en cette occasion, d’envoyer avertir Phélonte de sa venue, afin de ne pas exposer la personne qu’il aime à la vue des gens que le hasard pouvait faire rencontrer au logis de Phélonte. Pour prévenir cet inconvénient, {NP3} Mélante y envoie son valet, et n’en n’ayant point de réponse, il y vient lui-même : ainsi on peut conclure que la scène du Breton n’est pas tout à fait inutile10, et que son personnage est en quelque façon attaché à la pièce11. À la vérité, Mélante y pouvait venir d’abord12 ; mais en de pareilles occurrences un amant n’abandonne guère sa maîtresse, particulièrement lorsqu’il a un valet sur lequel il peut se reposer. Sans m’arrêter à répondre à toutes les chicanes des critiques, je dirai en passant que nous avons quantité d’exemples de ces personnages, que ces Messieurs trouvent étrangers au sujet, qui souvent ont fait naître au théâtre des plaisanteries fort spirituelles. Plaute et Térence n’ont point fait de difficulté de s’en servir ; et l’illustre Molière, ayant suivi leurs traces, ne s’en est pas mal trouvé. Ce n’est pas que je veuille dire par là que ces exemples soient toujours bons à suivre ; au contraire je tiens que l’Art13 est un chemin bien plus certain, et que ses préceptes conduisent plus sûrement à la perfection, que ne font ces sortes de libertés, quoiqu’elles aient été fort heureuses. Il est constant qu’on ne peut jamais déplaire avec l’Art, et qu’il est dangereux de s’écarter de ses règles ; mais je crois qu’on n’est pas tout à fait condamnable quand, en le faisant, on réussit et qu’on trouve le moyen de plaire, qui est le but de ce grand Art14.