Dédicace
Rhodogune, tragi-comédie
Gilbert, Gabriel
Éditeur scientifique : Blondet, Sandrine
Description
Auteur du paratexteGilbert, Gabriel
Auteur de la pièceGilbert, Gabriel
Titre de la pièceRhodogune, tragi-comédie
Titre du paratexteÀ son Altesse Royale, Monseigneur le duc d’Orléans
Genre du texteDédicace
Genre de la pièceTragi-comédie
Date1646
LangueFrançais
ÉditionParis, Augustin Courbé, 1646, in-4°
Éditeur scientifiqueBlondet, Sandrine
Nombre de pages4
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71491w/f2
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Gilbert-Rhodogune-Dedicace.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Gilbert-Rhodogune-Dedicace.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Gilbert-Rhodogune-Dedicace.odt
Mise à jour2013-06-06
Mots-clés
Mots-clés français
Personnage(s)Rhodogune ; son fils [Darie]
DédicataireDemande de protection, justifiée par la vertu de Rhodogune ; comparaison de Darie et de Gaston ; supériorité du dédicataire, et de son père Henri IV
ActualitéRécentes victoires de Gaston d’Orléans
Mots-clés italiens
Personaggio(i)Rhodoguna ; suo figlio [Dario]
Dedicatario e PersonaggioRichiesta di protezione, giustificata dalla virtù di Rhodoguna ; paragone tra Dario e Gastone ; superiorità del dedicatario e di suo padre, Enrico IV°
AttualitàRecenti vittorie di Gastone di Orléans
Mots-clés espagnols
Personaje(s)Rhodoguna ; su hijo [Darío]
Dedicatario y personajeSolicitud de protección, justificada por la virtud de Rhodoguna ; comparación entre Darío y Gastón ; superioridad del dedicatario y de su padre Enrique IV
ActualidadVictorias recientes de Gastón de Orléans
Présentation
Présentation en français
La présentation de cette « illustre princesse » est l’occasion d’une première modification des faits historiques que relate la Rodogune de Corneille. L’héroïne de Gilbert, qui, contrairement à la reine cornélienne, n’a pas la barbarie de faire mourir son fils, proteste en effet de son innocence et de sa vertu. Si Corneille n’avait pas hésité à mettre sur scène cette « seconde Médée »4, Gilbert édulcore ainsi le sujet choisi, l’infanticide, privilégiant la vraisemblance bienséante sur la vérité historique. Simultanément, il revendique « l’erreur » qu’il commet en donnant le nom de Rhodogune à celle que Corneille, après ses sources, avait appelée Cléopâtre (de Syrie)5. Le choix de Gilbert de faire sien le titre de Corneille en dépit de la redistribution onomastique qu’il opère, et qu’il affiche ici, s’expliquerait alors par le défi que cette identité de titre supporte, et qui constitue l’un des rares éléments de sa carrière dont la postérité aura conservé le souvenir.
La mention du fils de Rhodogune lance ensuite le portrait du héros parfait, bien plus développé que celui de la reine : c’est qu’il permet de revenir aux récents glorieux faits d’armes de Gaston d’Orléans et d’affirmer sa supériorité sur le personnage de Darie, selon un autre topos des dédicaces de Gilbert, topos ici redoublé du fait que les dernières lignes de la dédicace distribuent les éloges entre son Altesse Royale et son père, Henri IV. Ce faisant, il semble que Gilbert étende la concurrence qui l’oppose à Corneille sur un autre plan, politique. De fait, Corneille devait dédier sa propre Rodogune6 au prince de Condé, dont il détaillerait longuement les hauts faits militaires. Parce qu’il mentionne « le Brabant, l’Artois et la Flandre […] et leurs plus fortes places » conquises par Gaston d’Orléans, c’est ici Gilbert qui paraît montrer la voie dédicatoire à Corneille. Tous ces éléments accréditent l’hypothèse formulée au XIXe siècle : la tragi-comédie de Gilbert résulterait d’une commande de Gaston d’Orléans, précisément, dédicataire de la pièce7. Cette commande trahirait à son tour une rivalité princière dont la concurrence dramatique serait le reflet. On précisera toutefois que, conformément à la pratique habituelle au sein de la guerre des théâtres, la Troupe Royale constituait une autre partie intéressée à la composition d’une Rhodogune rivale de celle de Corneille, créée (comme toutes ses pièces jusqu’en 1647) par la compagnie du Marais.
Texte
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À son Altesse Royale, Monseigneur le duc d’Orléans
Monseigneur,
[NP1] Il y a longtemps que je vous aurais consacré ma plume, si je n’avais craint de faire voir ma témérité en voulant faire paraître mon zèle. Mais je sais qu’il ne faut rien dire que de grand d’un grand prince, et que je ne dois pas entretenir de pensées communes un esprit8 sur les soins duquel le premier roi de l’Europe se repose des intérêts de sa gloire9 et du salut de son peuple. Aussi, Mon[NP2]seigneur, ce n’est pas moi qui prends la liberté de parler à votre Altesse Royale. C’est une illustre princesse qui vient du bout du monde rendre hommage à votre vertu ; c’est la généreuse Rhodogune, femme et mère des deux plus grands monarques de l’Asie ; c’est cette reine magnanime qui, non contente des perfections de son sexe, se fit connaître aussi vaillante que belle, et conquit toute la terre par la douceur de ses yeux et par la force de son bras10. Cette héroïne, Monseigneur, qui demande aujourd’hui votre protection, est celle-là même dont les héros venaient jadis implorer la grâce. Pour vous persuader de lui accorder la faveur qu’elle vous demande, elle vous assure qu’elle n’a jamais eu la pensée de tremper ses mains dans le sang de son mari, ni dans celui de son fils ; que si elle eût eu des sentiments si barbares, et si contraires aux inclinations de votre Altesse Royale, elle n’eût jamais osé se présenter devant elle, et n’eût pas eu assez d’audace pour demander à la Vertu la protection du vice11. Cette auguste mère vous présente aussi le roi son fils. C’est pour l’amour de vous, Monseigneur, qu’il voit une seconde fois la lumière, et qu’il ressuscite après trois mille ans12. Ce digne successeur du Grand Cyrus [NP3] eut toutes les rares qualités qui font les héros. Il se montra courageux, doux et clément ; il fut courtois à tout le monde, pieux envers sa mère, et fidèle à son épouse. Les commencements de sa vie furent traversés13 ; mais la suite en fut heureuse, et sa constance fut enfin victorieuse de la Fortune. La ressemblance de ses mœurs et de sa destinée avec celles de votre Altesse Royale lui en font espérer un favorable accueil. S’il a le bonheur de lui plaire, il le14 préférera à la magnificence des ses triomphes ; et quelque splendeur qu’ait eue sa première vie, il la croira moins glorieuse que la seconde. Quoiqu’il ait eu quelques unes de vos vertus, Monseigneur, il avoue qu’elles n’ont pas été si éclatantes ; qu’encore qu’il vous ait devancé, il n’a pas eu l’honneur de vo[u]s servir d’exemple, puisque vous en avez trouvé un plus parfait dans votre illustre race, en la personne d’Henri le Grand, dont les actions héroïques ont été au delà de la vérité des historiens et de la fiction des poètes15. Il n’a point terni la qualité de grand capitaine par celle d’usurpateur ; il a fait paraître sa justice en même temps que sa vaillance, et s’est rendu le vainqueur de ses sujets, et le conquérant de son propre État. C’est sur les pas de ce grand roi que marche votre Al[NP4]tesse Royale, en portant ses armes victorieuses dans des provinces qui dépendaient de cette couronne et qui ne la reconnaissaient pas. Le Brabant, l’Artois et la Flandre, que ses exploits ont fait trembler, et leurs plus fortes places qu’elle a emportées à la face des plus grandes armées des ennemis, en la présence de leurs plus fiers soldats, et de leurs plus fameux capitaines, sont des preuves éternelles de sa valeur et de sa conduite. Ce qui rend vos conquêtes16 plus dignes de louange, Monseigneur, c’est que vous n’en tirez point d’autre avantage que l’honneur de les avoir faites. La renommée, pour rendre votre nom célèbre, publiera ces vérités parmi toutes les nations, mais quelque gloire qu’elle vous puisse acquérir, elle sera toujours au dessous de celle qui vous est due, et de celle que souhaite
Monseigneur,
à votre Altesse Royale,
son très humble, très obéissant et très fidèle serviteur,
Gilbert.