Préface
Attila roi des Huns
Corneille, Pierre
Éditeur scientifique : Thouret, Clotilde
Description
Auteur du paratexteCorneille, Pierre
Auteur de la pièceCorneille, Pierre
Titre de la pièceAttila roi des Huns
Titre du paratexteAu Lecteur
Genre du textePréface
Genre de la pièceTragédie
Date1668
LangueFrançais
ÉditionParis, Guillaume de Luyne, in-12°
Éditeur scientifiqueThouret, Clotilde
Nombre de pages3
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70404w
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Corneille-Attila-Preface.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Corneille-Attila-Preface.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Corneille-Attila-Preface.odt
Mise à jour2014-11-27
Mots-clés
Mots-clés français
GenreTragédie / comédie
SourcesHistoriens (Marcellin)
SujetHistorique ; fidélité à l’Histoire / invention ; altération de l’Histoire ; amour malheureux / amour content ; sujet du Cid
DramaturgieCaractère ; bienséance des caractères
FinalitéCatharsis, purgation des passions
ActualitéPolémique sur la moralité du théâtre
AutreLe Cid
Mots-clés italiens
GenereTragedia / commedia
FontiStorici (Marcellin)
ArgomentoStorico ; fedeltà alla Storia / invenzione ; alterazione dellaSstoria ; amore sfortunato / amore contento ; argomento del Cid
DrammaturgiaCarattere ; decoro dei caratteri
FinalitàCatarsi, purgazione delle passioni
AttualitàPolemica sulla moralità del teatro
AltriIl Cid
Mots-clés espagnols
GéneroTragedia / comedia
FuentesHistoriadores (Marcellin)
TemaHistórico ; fidelidad a la Historia / invención ; alteración de la Historia ; amor dedichado / amour contento ; sujeto del Cid
DramaturgiaCarácter ; decoro de los carácteres
FinalidadCatarsis, purgación de las pasiones
ActualidadPolémica sobre la moralidad del teatro
OtrasEl Cid
Présentation
Présentation en français
Texte
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Au Lecteur3
[NP1] Le nom d’Attila est assez connu, mais tout le monde n’en connaît pas tout le caractère4. Il était plus homme de tête que de main5, tâchait à diviser ses ennemis, ravageait les peuples indéfendus pour donner de la terreur aux autres et tirer tribut de leur épouvante, et s’était fait un tel empire sur les rois qui l’accompagnaient que, quand même il leur eût commandé des parricides, ils n’eussent osé lui désobéir. Il est malaisé de savoir quelle était sa religion ; le surnom de « Fléau de Dieu »6 qu’il prenait lui-même montre qu’il n’en croyait pas plusieurs. Je l’estimerais arien comme les Ostrogoths de son armée7, n’était la pluralité des femmes, que je lui ai retranchée ici8. Il croyait fort aux devins ; et c’était peut-être tout ce qu’il croyait. Il envoya demander par deux fois à l’empereur Valentinian9 sa sœur Honorie avec de grandes menaces, et en l’attendant il épousa [NP2] Ildione10 dont tous les historiens marquent la beauté, sans parler de sa naissance. C’est ce qui m’a enhardi à la faire sœur d’un de nos premiers rois, afin d’opposer la France naissante au déclin de l’Empire11. Il est constant12 qu’il mourut la première nuit de son mariage avec elle. Marcellin13 dit qu’elle le tua elle-même et je lui en ai voulu donner l’idée, quoique sans effet. Tous les autres rapportent qu’il avait accoutumé de saigner du nez, et que les vapeurs du vin et des viandes dont il se chargea fermèrent le passage à ce sang qui, après l’avoir étouffé, sortit avec violence par tous les conduits. Je les ai suivis sur la manière de sa mort, mais j’ai cru plus à propos d’en attribuer la cause à un excès de colère qu’à un excès d’intempérance14.
Au reste, on m’a pressé de répondre ici par occasion15 aux invectives qu’on a publiées depuis quelque temps contre la comédie16, mais je me contenterai d’en dire deux choses pour fermer la bouche à ces ennemis d’un divertissement si honnête et si utile. L’une, que je soumets tout ce que j’ai fait et ferai à l’avenir à la censure17 des puissances, tant ecclésiastiques que séculières, sous lesquelles Dieu me fait vivre ; je ne sais s’ils en voudraient faire autant18. L’autre, que la comédie est assez justifiée par cette célèbre [NP3] traduction de la moitié de celles de Térence que des personnes d’une piété exemplaire et rigide19 ont donnée au public, et ne l’auraient jamais fait si elles n’eussent jugé qu’on peut innocemment mettre sur la scène des filles engrossées par leurs amants et des marchands d’esclaves à prostituer20. La nôtre ne souffre point de tels ornements. L’amour en est l’âme pour l’ordinaire ; mais l’amour dans le malheur n’excite que la pitié, et est plus capable de purger en nous cette passion que de nous en faire envie21.
Il n’y a point d’homme au sortir de la représentation du Cid22 qui voulût avoir tué comme lui le père de sa maîtresse pour en recevoir de pareilles douceurs, ni de fille qui souhaitât que son amant eût tué son père pour avoir la joie de l’aimer en poursuivant sa mort23. Les tendresses de l’amour content sont d’une autre nature, et c’est ce qui m’oblige à les éviter. J’espère un jour traiter cette matière plus au long, et faire voir quelle erreur c’est de dire qu’on peut faire parler sur le théâtre toutes sortes de gens selon toute l’étendue de leurs caractères24.