IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Gabinie. Tragédie chrétienne

Desbordes, Jacques (?)

Éditeur scientifique : Selmeci Castioni, Barbara

Description

Auteur du paratexteDesbordes, Jacques (?)

Auteur de la pièceBrueys, David-Augustin de

Titre de la pièceGabinie. Tragédie chrétienne

Titre du paratexteAvis au Lecteur

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragédie chrétienne

Date1700

LangueFrançais

ÉditionAmsterdam : J. Desbordes, 1700, in-24°. (Numérisation en cours)

Éditeur scientifiqueSelmeci Castioni, Barbara

Nombre de pages4

Adresse source

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Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Brueys-Gabinie-Preface2.html

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Mise à jour2013-05-21

Mots-clés

Mots-clés français

SujetMartyrologique (persécutions)

TempsRapport temps de l’action / temps de la réception

ReprésentationVille

RéceptionDiscernement du public ; succès public ; échec devant le roi

FinalitéPolitique (défense des protestants et rappel de leur loyalisme)

ActualitéPersécutions ; Huguenots (loyalisme) ; édits anti-protestants ; Bossuet ; Ossat

Mots-clés italiens

ArgomentoMartirologico (persecuzioni)

TempoRapporto tempo dell’azione / tempo della ricezione

Personaggio(i).

ScenografiaCittà

RappresentazioneIntelligenza del pubblico ; successo pubblico ; insuccesso davanti al re

RicezionePolitica (difesa dei protestanti e richiamo della loro lealtà)

AttualitàPersecuzioni ; ugonotti (lealtà) ; editti contro I protestanti ; Bossuet ; Ossat

Mots-clés espagnols

TemaMartiriológico (persecuciones)

TiempoRelación tiempo de la acción / tiempo de la recepción

RepresentaciónCiudad

RecepciónDiscernimiento del público ; éxito público ; fracaso ante el rey

FinalidadPolítica (defensa de los protestantes y evocación de su lealtad)

ActualidadPersecuciones ; Hugonotes (lealtad) ; edictos antiprotestantes ; Bossuet ; Ossat

Présentation

Présentation en français

Inséré en 1700, dès l’année suivant la publication de Gabinie1, dans une édition-pirate hollandaise, cet Avis au Lecteur offre de la tragédie de David-Augustin de Brueys, protestant converti au catholicisme en 1682 et défenseur engagé de sa nouvelle religion, une interprétation originale, car paradoxalement favorable aux protestants. Sans doute écrit par le libraire-imprimeur protestant Jacques Desbordes, ce texte propose une lecture politique de la pièce inscrite dans le contexte consécutif à la Révocation de l’Édit de Nantes. Une lecture détachée cependant de toute sympathie envers un auteur qui « eut la lâcheté de trahir la vérité et ses sentiments », mais auquel l’imprimeur protestant prête toutefois une bienveillance, peut-être inconsciente (« malgré lui »), à l’égard des réformés « qu’il regarde encore peut-être comme ses frères ».

Intéressant du point de vue de la poétique de la tragédie à martyre, dont Brueys offre avec Gabinie l’une des ultimes réalisations françaises, l’Avis au Lecteur de 1700 interroge de front la portée axiologique du sujet martyrologique, à travers son inscription dans un contexte politique et religieux particulier. Il invite à se demander s’il est possible de porter sur la scène publique, dans la France du XVIIe siècle, un sujet fondé sur la persécution d’une minorité religieuse dans le seul rapport de référence à l’Église primitive, et indépendamment de toute analogie, même indirecte, avec les persécutions dont les Huguenots font l’objet depuis la seconde moitié du XVIe siècle en France.

La lecture de Jacques Desbordes dépasse ainsi le cadre du commentaire isolé pour offrir peut-être une clef de lecture éclairant rétrospectivement les difficultés en général, et la rapide désaffection en particulier, que connut sur la scène professionnelle, au cœur du siècle, la tragédie à martyre2. Porté à la scène par des auteurs soucieux, à l’instar de Corneille, de concilier le Parnasse et la Muse chrétienne, le martyre rappellerait « malgré lui » la persécution des protestants avant, mais également après la promulgation de l’Édit de Nantes qui confina durant un siècle le protestantisme dans une position subalterne par rapport au catholicisme. Le sujet martyrologique ne serait in fine pas récupérable sur la scène professionnelle, dans un contexte où domine, politiquement et idéologiquement, le catholicisme, a fortiori donc au lendemain de la Révocation de l’Édit de Nantes.

Texte

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Avis au Lecteur

{NP 1}Cette tragédie a été représentée3 dans une ville d’où partent tous les édits contre les protestants de France persécutés4, et comme l’Esprit et le Discernement y règnent autant qu’en aucun autre lieu du monde, on ne doute point que la plupart de ceux qui ont assisté aux représentations qu’on en a faites, n’aient bien su appliquer à qui il appartenait certains endroits de cette pièce assez forts et assez bien peints5, et Gabinie aurait eu tout le succès que l’auteur en pouvait espérer, si elle avait été honorée de la présence de Louis XIV qui n’a jamais voulu assister à sa représenta{NP2}tion6. Cependant, elle a paru plusieurs fois sur le théâtre, et ensuite elle a été défendue7. La raison en est facile à pénétrer : l’auteur a été autrefois protestant et s’appelle Mr. Brueys8, ci-devant avocat à Montpellier qui, après avoir défendu avec succès la religion réformée contre un fameux prélat de l’Église romaine9, eut la lâcheté de trahir la vérité et ses sentiments, et d’écrire contre son propre livre, lequel avait été généralement goûté, tant du parti persécuteur que du persécuté. Mais quelques efforts qu’il ait faits, il n’a jamais pu détruire ce qu’il avait si fortement prouvé contre le prélat le plus habile à farder les superstitions de l’Église romaine10. Ainsi il n’est pas impossible que cet auteur n’ayant pu éteindre absolument la vérité dans son cœur, il ait été comme entraîné malgré lui à composer une tragédie dans laquelle sous d’autres noms, et dans un siècle éloigné, il dépeint l’horrible persécution qu’on a faite, et qu’on fait encore actuellement souffrir dans le nôtre aux Prote{NP3}stants de France, qu’il regarde peut-être encore comme ses frères11. En effet, Dioclétien, tout Dioclétien qu’il était, n’a rien imaginé de plus cruel contre les Chrétiens de son temps, que ce que l’on exerce aujourd’hui contre ces pauvres gens, qui ont toujours eu une fidélité inviolable pour leurs rois, et qui durant les dernières guerres civiles, tandis que les catholiques tâchaient d’introduire l’Étranger dans le royaume pour le ruiner, ont exposé leurs biens et leurs vies, pour affermir la couronne sur la tête d’un prince, qui est si malheureusement prévenu contre eux, et si animé à leur perte12. Voilà le crime de ces Innocents malheureux, qu’on traite néanmoins avec autant de cruauté que si les Clément, les Châtel et les Ravaillac13 fussent sortis du milieu d’eux pour assassiner leurs rois. Cependant c’est ce que leurs ennemis ne sauraient leur reprocher, et pour preuve de cela, je me contenterai de rapporter en finissant le témoignage authentique de fidélité que leur a rendu le prélat le plus intègre que{NP4} l’Église romaine ait jamais eu, c’est l’illustre cardinal d’Ossat14, ambassadeur à Rome pour le roi Henri IV, lequel, au sujet de l’assassinat commis en la personne de ce Prince par Jean Châtel, écolier des Jésuites, dit dans la 25e de ses Lettres, réimprimées à Paris en 1698 avec privilège en 2 vols in-4° : « S’il y avait aucun lieu à de tels assassinats, ce serait aux Hérétiques de les pourchasser ou exécuter, eux que le roi a quittés et abandonnés, et qui avaient à se craindre de lui ; et toutefois ils n’ont rien attenté de tel, ni contre lui, ni contre aucun des cinq rois ses prédécesseurs, quelques boucheries que leurs Majestés aient faites des dits Huguenots »15.