IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Gabinie. Tragédie chrétienne.

Brueys, David-Augustin de

Éditeur scientifique : Selmeci Castioni, Barbara

Description

Auteur du paratexteBrueys, David-Augustin de

Auteur de la pièceBrueys, David-Augustin de

Titre de la pièceGabinie. Tragédie chrétienne.

Titre du paratextePréface

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragédie chrétienne

Date1699

LangueFrançais

ÉditionParis: Pierre Ribou, 1699, in-12°. (Numérisation en cours)

Éditeur scientifiqueSelmeci Castioni, Barbara

Nombre de pages4

Adresse source

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Mise à jour2013-05-21

Mots-clés

Mots-clés français

SourcesAdrien Jourdan ; Zonare ; traitement des sources modernes

SujetEdifiant ; martyrologique ; altération de l’Histoire

DramaturgieTravail de disposition

TempsResserrement de l’action

Personnage(s)Onomastique (Susanne / Gabinie)

ReprésentationVille ; cour

RéceptionSuccès peuple / doctes / cabale d’auteurs

Relations professionnellesRacine ; Palaprat

AutreHorace

Mots-clés italiens

FontiAdrien Jourdan ; Zonare ; trattamento delle fonti moderne

ArgomentoEdificante ; martyrologico ; alterazione della Storia

DrammaturgiaLavoro di disposizione

TempoContrazione dell’azione

Personaggio(i)Onomastico (Susanna / Gabinie)

RappresentazioneCittà ; corte

RicezioneSuccesso popolo / dotti / cabala di autori

Rapporti professionaliRacine ; Palaprat

AltriOrazio

Mots-clés espagnols

FuentesAdrien Jourdan ; Zonare ; tratamiento de las fuentes modernas

TemaEdificante ; martiriológico ; alteración de la Historia

DramaturgiaLabor de disposición

TiempoLimitación de la acción

Personaje(s)Onomástica (Susanne / Gabinie)

RepresentaciónCiudad ; corte

RecepciónÉxito pueblo / doctos ; maquinación de autores

Relaciones profesionalesRacine ; Palaprat

OtrasHoracio

Présentation

Présentation en français

La Préface de Gabinie est intéressante par le témoignage qu’elle offre de la fabrique et, dans une moindre mesure, de la réception parisienne d’une tragédie à martyre à la toute fin du Grand Siècle, c’est-à-dire bien après la brève vogue qu’a connue ce genre paradoxal dans les années 1640. David-Augustin de Brueys consacre l’essentiel de son texte à justifier ses choix dramaturgiques dans l’adaptation de ses sources. Cette attitude s’explique en particulier par la nature religieuse du sujet, laquelle implique, sinon une stricte rigueur doctrinale, du moins une vigilance singulière de la part du dramaturge. Or, à l’instar de Corneille (voir notamment les textes préfaciels de Polyeucte), il traite la matière hagiographique à l’égal de la matière historique. Et s’il affiche respectueusement ses sources, il n’en souligne pas moins l’originalité de son adaptation sur plusieurs plans. Il prétend d’abord se démarquer de sa source principale, la pièce du jésuite Adrien Jourdan, Susanna (1654), par l’extension ambitieuse de la représentation d’un martyre individuel à celle de l’établissement de la religion chrétienne. Il revendique divers retranchements et ajouts touchant les personnages, les situations et le dénouement, notamment la modification onomastique qu’il fait subir à l’héroïne, qui de Susanne devient sous sa plume Gabinie1. Il assume enfin l’exercice de sa licence poétique sur le plan de la composition de la pièce : là encore, l’exigence classique de régularité l’emporte sur le déroulement chronologique des événements, fussent-ils religieux. A plusieurs reprises il revendique l’originalité de son « dessein » (il a « traité autrement » et donné « un autre tour » au martyre de sainte Susanne). En somme, et malgré ses gages d’orthodoxie, sa démarche suggère que les exigences poétiques et dramaturgiques priment sur la rigueur historique et religieuse.

Au terme de ces considérations dramaturgiques, David-Augustin de Brueys place subrepticement sa pièce sous l’égide du grand Racine, tout en exhortant le lecteur à l’indulgence envers une œuvre qui constitue le premier essai de l’auteur en matière de tragédie.

La fin de la Préface de Gabinie renseigne enfin le lecteur sur la réception de la pièce, marquée par une cabale qui aurait perturbé sa première représentation.

Texte

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PREFACE        

{NP1} Je dois avertir le lecteur que j’ai tiré le sujet de cette pièce2 d’une tragédie latine intitulée Susanna, faite par Adrian Jourdain (sic), Jésuite, imprimée à Paris par Marbre Cramoisy en 16543.

J’ai cru qu’il me pouvait être permis de me servir d’un ouvrage latin, fait depuis près de cinquante ans, à peu près comme on se sert de ceux des Anciens, quand on veut les mettre sur notre théâtre.

C’est-à-dire que je l’ai traité autrement ; que même mon dessein est différent de celui de cet auteur. Car il ne s’attache qu’au martyre de Susanne, et je me suis principalement proposé de représenter dans ma tragédie la religion chrétienne, s’établissant miraculeusement sans aucun secours humain, malgré les efforts et la rage de Dioclétien que tout le monde sait avoir été le plus grand persécuteur des Chrétiens4.

Ainsi quoique j’aie imité les endroits qui m’ont paru les plus beaux dans cette pièce, en leur donnant un autre tour, j’en ai retranché plusieurs personnages, et beaucoup de choses qui ne me paraissaient pas convenables à nos spectacles, et j’en ai ajouté {NP2} d’autres qui convenaient à mon dessein, et qui m’ont fourni de nouvelles situations, et une catastrophe différente5.

Au reste, je n’expose aux yeux des spectateurs que ce que la religion chrétienne a de grand et de merveilleux, fondé sur des faits certains, connus de tout le monde, dont les historiens mêmes profanes font mention, et que par conséquent les libertins ne sauraient s’empêcher d’avouer.

J’ai donné à mon héroïne le nom de Gabinie, que j’ai tiré de celui de son père ; parce qu’il m’a semblé que celui de Susanne, que l’histoire de nos saints martyrs lui donne, n’avait pas assez de noblesse pour le théâtre6.

J’ai suivi l’histoire sainte et profane avec assez de fidélité : il est certain que Galérius fut associé à l’empire par Dioclétien7 ; que Séréna femme de Dioclétien était secrètement chrétienne ; que Galérius fut amoureux de la fille de Gabinius, laquelle était chrétienne, et mourut martyre à Rome ; que la Légion Thébaine se convertit à la foi avec Maurice qui en était le chef ; que cette Légion souffrit le martyre, et y fut exhortée par le pape saint Marcellin8 ; que Dioclétien, après 20 ans de règne, abandonna l’Empire, et se retira à Salone en Dalmatie environ l’an 296, à cause, dit Zonare9, que le christianisme qui s’établis{NP3}sait malgré lui, lui suscitait trop d’affaires.

Enfin il est certain, que ce fut peu de temps après que le grand Constantin, qui avait appris le métier de la guerre sous Galérius, fut le premier empereur chrétien, sous qui l’Église jouit d’une grande tranquillité, et commença à établir à Rome avec éclat le siège de l’empire de Jésus-Christ : Constantin ayant donné au pape saint Melchiade, pour sa demeure, une maison impériale qui s’appelait le Palais de Latran10, avec un domaine et des revenus convenables pour soutenir honorablement la suprême dignité de chef visible de l’Église.

Je n’ai pris d’autre licence, que de rapprocher un peu de l’action théâtrale certains événements qui sont pourtant arrivés sous le règne de Dioclétien, et presque au temps que la fille de Gabinius souffrit le martyre11.

Je souhaiterais, pour la satisfaction du public, qu’un si beau sujet eût été traité par celui de nos poètes tragiques qui a abandonné le théâtre pour une occupation plus digne de lui, et dont les écrits m’ont souvent fait tomber la plume de la main, lorsque je les lisais pour tâcher de les imiter12 ; mais enfin j’y ai employé tout le soin, et tout l’art dont je suis capable ; j’ai consul{NP4}té suivant le précepte d’Horace13, des gens éclairés, sincères et désintéressés ; et j’ai suivi exactement leurs avis. Si après cela on y trouve encore des défauts que je n’ai pas connus, j’ose espérer que le public voudra bien m’accorder un peu de cette indulgence qu’il ne refuse guère aux premiers ouvrages de ceux qui ne travaillent que dans le dessein de lui plaire14.

Avant que de finir cette préface, je dois dire encore au lecteur, que si j’ai consenti qu’on ait mis ici l’épigramme qu’un de mes amis15 a faite sur Gabinie, c’est qu’il est certain que le jour de sa première représentation on vit dans le parterre deux ou trois auteurs, qu’on ne connaîtrait pas quand même je les nommerais, qui cabalaient ouvertement de tous côtés pour faire tomber cette tragédie, et qui en disaient tout haut eux seuls, ce que le public a dit de leurs ouvrages, qu’on ne revoit plus sur le théâtre16.