IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Élomire hypocondre, ou les Médecins vengés

Le Boulanger de Chalussay

Éditeur scientifique : Bottarelli, Alice

Description

Auteur du paratexteLe Boulanger de Chalussay

Auteur de la pièceLe Boulanger de Chalussay

Titre de la pièceÉlomire hypocondre, ou les Médecins vengés

Titre du paratextePréface

Genre du textePréface

Genre de la pièceComédie

Date1670

LangueFrançais

ÉditionParis, Charles de Sercy, 1670, in-12°

Éditeur scientifiqueBottarelli, Alice

Nombre de pages3

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k725964

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/BoulangerChalussay-Elomire-Preface1670.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/BoulangerChalussay-Elomire-Preface1670.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/BoulangerChalussay-Elomire-Preface1670.odt

Mise à jour2015-05-02

Mots-clés

Mots-clés français

Sources« Original perdu »

SujetPortrait

Personnage(s)Élomire (Molière)

ComédiensPeu de comédiens pour de nombreux personnages

FinalitéSatisfaction des attentes du public

Relations professionnellesRelations à Molière (Le Boulanger en spectateur admiratif et auteur concurrent)

Mots-clés italiens

Fonti« Originale perduto »

ArgomentoRitratto

Personaggio(i)Élomire (Molière)

RappresentazionePoci comici per molti personaggi

FinalitàSoddisfazione delle aspettative del pubblico

Rapporti professionaliRelazioni con Molière (Le Boulanger spettatore ammiratore e autore concorrente)

Mots-clés espagnols

Fuentes« Original perdido »

TemaRetrato

Personaje(s)Élomire (Molière)

Actor(es)Pocos actores por muchos personajes

FinalidadSatisfacción de lo que espera el público

Relaciones profesionalesRelaciones con Molière (espectador admirativo y autor competidor)

Présentation

Présentation en français

La préface du Boulanger de Chalussay (dont on ne connaît que des bribes biographiques) repose sur la présomption d’une attente déçue du public des « curieux », que lui-même se propose de satisfaire. À l’en croire, Molière aurait promis, écrit, puis effacé un autoportrait comique, pourtant ardemment souhaité de ses spectateurs. Le Boulanger, se déclarant pour sa part désagréablement surpris et dépité, se propose alors de rectifier ce manque par une pièce qui, en s’inscrivant dans la continuité lointaine de la querelle de L’École des femmes, reprendra l’ensemble des caricatures topiques qui tournent autour de Molière et de ses avatars scéniques. C’est ainsi, en se plaçant dans la lignée d’un hypothétique projet de Molière en personne, qu’il légitime par avance l’intrusion sur la scène d’éléments de satire parfois mordants à propos de celui-ci : il en fera un hypocondriaque, un cocu imaginaire, un avare et un dupe, un mauvais comédien, un directeur de troupe tyrannique, bref un condensé de tous les stéréotypes que le célèbre dramaturge du Palais-Royal a mis en scène au fil de sa carrière. Cette préface se veut en somme un justificatif préalable de la démarche, encore jamais vraiment menée à bien, de « portraiturisation » de Molière, et une incitation lancée à la ronde à mettre en scène cette comédie-portrait.

Molière est de fait l’un des premiers dramaturges à faire l’objet d’attaques ad hominem scéniques et publiques, ce qui lui vaut dans les années 1660 une notoriété accrue. Dès 1663, année de la querelle de L’École des femmes, il devient une figure de comédie, mais qui n’apparaît que de loin, à travers les propos des autres personnages, dans les pièces qui le mettent en scène. Malgré les tentatives de ses concurrents pour le caricaturer et se moquer de lui dans leurs répliques, aucun ne fait le pas de l’incarner véritablement – si ce n’est lui-même, qui joue son propre rôle dans L’Impromptu de Versailles. Mais c’est alors un rôle plutôt sérieux qu’il adopte, celui du dramaturge légitimement blessé par les attaques injustifiées de ses pairs (en l’occurrence, il répond aux accusations formulées par Boursault dans Le Portrait du Peintre). Jamais donc ne ressort, ni sous sa plume ni sous aucune autre, un portrait comique de sa personne développé dans une action assez ample pour le rendre complexe, drôle, à la fois fin et truculent. Dès lors, en s’indignant que Molière n’ait pas encore offert au public cet autoportrait tant attendu, Le Boulanger se donne des motifs d’écriture qui ont pour effet d’atténuer ce que sa critique ad hominem pourrait avoir d’inconvenant, puisqu’il se dédit de toute volonté de provocation à l’encontre de Molière en affirmant au contraire acquitter sa dette.

Texte

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Préface

[NP1] Tous les curieux savent qu’Élomire1,voulant exceller dans le comique et surpasser tous les plus habiles en ce genre d’écrire, a eu dessein d’imiter cet Amour de la fable, qui, ayant inutilement décoché toutes ses flèches et lancé tous ses traits dans le cœur d’une belle difficile à vaincre, s’y lança enfin lui-même pour n’y plus trouver de résistance. Car il est constant que2 tous ces portraits3 qu’il a exposés en vue à toute la France, n’ayant pas eu une approbation générale comme il pensait, et au contraire, ceux qu’il estimait le plus ayant été frondés4 en bien des choses par la plupart des plus habiles, dont5 il a rejeté la cause sur les originaux6 qu’il avait copiés, il s’est enfin résolu de faire le sien et de l’exposer en public, ne doutant point qu’un tel chef-d’œuvre ne dût charmer toute la terre. Il a donc fait son portrait, cet illustre peintre7, et il a même promis plus d’une fois de l’exposer en vue, et sur le même théâtre où il avait exposé les autres8 ; car il y [NP2] a longtemps qu’il a dit en particulier et en public qu’il s’allait jouer lui-même et que ce serait là que l’on verrait un coup de maître de sa façon. J’attendais avec impatience et comme les autres curieux un spectacle si extraordinaire et si souhaité, lorsque j’ai appris que pour des raisons qui ne me sont pas connues, mais que je pourrais deviner9, ce fameux peintre a passé l’éponge sur ce tableau, qu’il en a effacé tous les admirables traits10, et qu’on n’attend plus la vue de ce portrait qu’inutilement. J’avoue que cette nouvelle m’a surpris et qu’elle m’a été sensible ; car je m’étais formé une si agréable idée de ce portrait fait d’après nature11, et par un si grand ouvrier, que j’en espérais beaucoup de plaisir12. Mais enfin j’ai fait comme les autres, je me suis consolé d’une si grande perte, et afin de le faire plus aisément, j’ai ramassé toutes ces idées, dont j’avais formé ce portait dans mon imagination, et j’en ai fait celui que je donne au public. Si Élomire le trouve trop au-dessous de celui qu’il avait fait, et qu’une telle copie défigure par trop un si grand original13, il lui sera facile de tirer raison de ma témérité, puisqu’il n’aura qu’à refaire ce portrait effacé et à le mettre au jour. S’il le [NP3] fait ainsi, le public m’aura beaucoup d’obligation par le plaisir que je lui aurai procuré : et s’il ne le fait pas, il ne laissera pas de m’en avoir un peu puisque la copie d’un merveilleux original perdu n’est pas une chose peu curieuse. Au reste, qu’on ne croie pas que le grand nombre d’acteurs puisse empêcher la représentation de cette comédie ; car outre que la plupart de ceux qui paraissent au commencement ne paraissent point dans la suite, et par conséquent, qu’ils puissent faire plus d’un personnage chacun, il est encore à observer que les deux tiers ne parlent point ou fort peu, que ce sont des personnages muets qui ne servent qu’à l’embellissement de la scène et à l’explication du sujet, et qu’on a de ces sortes d’acteurs tant qu’on veut et partout14.