IdT – Les idées du théâtre


 

Dédicace

La Jalouse d’elle-même

Boisrobert, François Le Métel de

Éditeur scientifique : Ding, Ruoting

Description

Auteur du paratexteBoisrobert, François Le Métel de

Auteur de la pièceBoisrobert, François Le Métel de

Titre de la pièceLa Jalouse d’elle-même

Titre du paratexteÀ monsieur le marquis de Richelieu

Genre du texteDédicace

Genre de la pièceComédie

Date1650

LangueFrançais

ÉditionParis, Auguste Courbé, 1650, in-4°

Éditeur scientifiqueDing, Ruoting

Nombre de pages4

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71580h.r=La+Jalouse+d%27elle-mesme.langFR

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Mise à jour2017-07-19

Mots-clés

Mots-clés français

SourcesTirso de Molina

RéceptionSuccès

FinalitéDivertissement

AutreHommage à Richelieu

Mots-clés italiens

Mots-clés espagnols

Présentation

Présentation en français

La Jalouse d’elle-même fut la première pièce de Boisrobert après la reprise de ses activités d’auteur dramatique qu’il avait interrompues à la mort de son puissant patron, le cardinal de Richelieu1. La dédicace adressée au petit-neveu de son ancien protecteur fut une occasion de rappeler les bienfaits qu’il avait reçus du cardinal et la finalité de ses activités théâtrales : rendre service à son patron en le divertissant. L’auteur suggère ensuite que c’est toujours ce dévouement au service de la famille de Richelieu qui l’a décidé à publier La Jalouse d’elle-même sous son propre nom, après le succès des premières représentations, annoncées vraisemblablement sous un nom d’emprunt.

L’hommage rendu à Richelieu relève de la « logique du service » propre au clientélisme2. Boisrobert y affirme implicitement l’utilité politique du théâtre, malgré son caractère fondamentalement divertissant. Si l’accent mis sur l’attachement de sa fortune individuelle à la grande famille atteste l’efficacité de sa stratégie d’ascension sociale auprès de Richelieu, cette insistance traduit également la difficulté d’obtenir cette protection.

Texte

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À Monsieur le marquis de Richelieu3            

Monsieur,

{NP 1} Comme je dois toute ma fortune au nom illustre que vous portez4, je crois lui devoir encore tous mes {NP 2} projets, toutes mes inclinations et mes pensées, et que je ne dois désormais plus regarder que ce grand nom dans le monde, par qui j’ai vu fonder avec le salut et la gloire de la France, mon honneur, mon loisir, et mon repos. Ne trouvez donc pas étrange si j’ose vous dédier ce petit ouvrage comique, qui semble être aussi peu digne de ce nom illustre, qu’il paraît peu convenable à ma profession5. Je confesse, Monsieur, que l’un et l’autre devaient attendre de ma Muse un début plus noble et plus sérieux. Mais après avoir consulté quelques amis sages, j’ai trouvé par leur avis que je pouvais sans blesser la bienséance chercher, en l’âge où vous êtes6, quelque matière à votre divertissement, en attendant que vous m’en7 fournissiez vous-même pour votre gloire. Ce petit début ne me sera point inutile, si par lui je trouve l’art de vous plaire que je cherche avec passion il y a longtemps. Le grand Cardinal de Richelieu, dont nous prévoyons que vous allez dignement soutenir le nom glorieux, souffrait quelquefois avec plaisir que j’eusse l’honneur de lui donner des divertissements de cette nature, et quand il m’était arrivé de délasser un moment ce grand esprit par les jeux innocents du mien, je croyais avoir rendu à l’État un service très considérable8. Comme je sentais bien qu’il me serait malaisé de me pouvoir élever devant ce divin génie qui embrassait tout l’Univers, et qui avait pour le Ciel des pensées si nobles et {NP 3} si sublimes, je confesse que j’avais borné toute mon ambition à le divertir, voyant que je ne lui pouvais plaire plus noblement, et que des esprits infiniment plus éclairés que le mien confessaient ingénument devant moi qu’ils ne pouvaient être utiles à l’accroissement de sa gloire. Vous vous étonnerez sans doute9, Monsieur, de ce que, n’ayant pu souffrir jusque ici par la modestie de ma profession que ma Jalouse d’elle-même fût annoncée sous mon nom sur le théâtre10, je me sois émancipé tout d’un coup de la donner au public ; mais vous vous étonnerez bien davantage si je vous dis, sans toutefois vous obliger à le croire, que je ne l’ai publiée que par la seule jalousie que j’ai de l’honneur de votre amitié. Comme j’ai senti que la pièce était fort jolie, – ce que je puis dire sans vanité puisqu’un autre en est l’inventeur11 –, qu’elle plaisait aux honnêtes gens comme au peuple, et qu’enfin elle était aimée partout, j’ai pensé qu’il arriverait peut-être qu’elle serait encore assez heureuse pour être aimée de vous sans en être connue, et cela m’a fait craindre avec raison que ma Muse ainsi caressée12 de vous sous un autre nom que le mien ne devînt aussi jalouse d’elle-même que celle13 qu’elle représente14. J’ai donc perdu toute honte pour vous présenter cette Jalouse à visage découvert, et je m’assure, Monsieur, que vous la défendrez contre les critiques injustes si vous la jugez digne, toute simple et tou-{NP 4}te naïve qu’elle est, d’une protection aussi glorieuse que la vôtre ; que si véritablement elle ne mérite pas que vous la considériez15 ni pour l’amour d’elle-même ni pour le respect du fameux auteur espagnol qui en a presque fourni toute l’invention16, j’espère tout au moins que vous serez assez généreux pour considérer17 le zèle et la passion d’un homme qui doit tout à votre maison, et qui est avec une entière reconnaissance,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Bois-Robert, Abbé de Châtillon.