IdT – Les idées du théâtre


 

Dédicace

Tragédie d’Euripide nommée Hecuba, traduite de grec en rime française, dédiée au Roi

Bochetel, Guillaume

Éditeur scientifique : Lardon, Sabine

Description

Auteur du paratexteBochetel, Guillaume

Auteur de la pièceBochetel, Guillaume

Titre de la pièceTragédie d’Euripide nommée Hecuba, traduite de grec en rime française, dédiée au Roi

Titre du paratexteAu Roi mon souverain seigneur

Genre du texteDédicace

Genre de la pièceTragédie

Date1544

LangueFrançais

ÉditionParis, Robert Étienne, 1550, in-8°

Éditeur scientifiqueLardon, Sabine

Nombre de pages3

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k122863w.r

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Bochetel-Hecuba-Dedicace.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Bochetel-Hecuba-Dedicace.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Bochetel-Hecuba-Dedicace.odt

Mise à jour2013-06-26

Mots-clés

Mots-clés français

GenreTragédie

SourcesEuripide, Hecuba

SujetMisère des grands ; arguments fabuleux ; illusion de la fiction

Personnage(s)Nobles personnages ; princes

FinalitéMorale ; plaisir ; instruire les grands ; connaissance des vices et des vertus

ExpressionStyle élevé ; sublime ; graves sentences ; traduction en français

AutrePoètes

Mots-clés italiens

GenereTragedia

FontiEuripide, Ecuba

ArgomentoMiseria dei Grandi ; argomenti favolosi ; illusione della finzione

Personaggio(i)Noblili personaggi ; principi

FinalitàMorale ; diletto ; istruire i Grandi ; conoscenza dei vizi e delle virtù

EspressioneStile alto ; sublime ; sentenze gravi ; traduzione in francese

AltriPoeti

Mots-clés espagnols

GéneroTragedia

FuentesEurípides, Hécuba

TemaMiseria de los grandes ; argumentos fabulosos ; ilusión de la ficción

Personaje(s)Personajes nobles ; príncipes

FinalidadMoral ; placer ; instruir a los grandes ; conocimiento de los vicios y de las virtudes

ExpresiónEstilo elevado ; sublime ; sentencias graves ; traducción al francés

OtrasPoetas

Présentation

Présentation en français

Parmi les premiers à traduire des tragédies antiques, Guillaume Bochetel1, comme avant lui Lazare de Baïf pour la tragédie et Charles Estienne pour la comédie, accompagne sa traduction d’une définition du genre2. Celle-ci est tout d’abord empruntée aux anciens, en l’occurrence à Gorgias Léontin3 : « la tragédie est une tromperie et déception, par laquelle celui qui trompe est plus juste que celui qui ne trompe pas ; et celui qui est trompé, plus sage que celui qui n’est point trompé ». G. Bochetel va éclairer ce paradoxe point par point, expliquant que la tromperie consiste à faire passer pour véritables les « arguments fabuleux » dont elle traite et que cette « fiction » permet de distinguer le bien du mal. C’est là le propre des poètes, de cacher la vérité sous le voile de la fiction et de la fable. Suivant le principe d’Horace4, la tragédie mêle donc le plaisir et l’enseignement, joignant l’utile à l’agréable. Une fois posés le fonctionnement principal de la tragédie et sa double portée, G. Bochetel en donne deux critères de définition. Le premier est stylistique : la tragédie se caractérise par le style sublime du genus gravis, surpassant tous les autres genres « en hauteur de style, grandeur d’arguments et gravité de sentences » ; le second est thématique : la tragédie traite de grands malheurs survenus à de hauts personnages, comme c’est le cas dans l’Hecuba d’Euripide que l’auteur-traducteur présente ensuite. C’est pourquoi elle possède une portée éducative, tout spécialement pour les princes (cette épître dédicatoire est d’ailleurs adressée au roi François Ier). G. Bochetel semble imiter ici la « définition de tragédie » proposée par son prédécesseur Lazare de Baïf, adoptant une énumération ternaire pour rendre l’intensité des malheurs tragiques : « grandes calamités, meurtres et adversités » (Lazare de Baïf, Electra de Sophocle)5 / « grands inconvénients, misères et calamités » (Guillaume Bochetel, Hecuba d’Euripide)6. L’insistance sur le style, sublime et orné de graves sentences, lui est propre en revanche, et l’on en trouvera un écho dans l’avis au lecteur que l’imprimeur Gilles Corrozet insère en tête de la Sophonisba de Saint-Gelais7. Les premiers traducteurs de tragédies antiques en langue vernaculaire ont donc codifié le genre, en même temps qu’ils l’ont mis en lumière, imposant tout à la fois un modèle théâtral et son méta-discours théorique.

Texte

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Au Roi mon souverain Seigneur    

{3 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k122863w/f3} Gorgias Léontin, homme de grand nom entre les anciens qui ont été célébrés par leurs lettres et savoir, disait que la tragédie est une tromperie et déception, par laquelle celui qui trompe est plus juste que celui qui ne trompe pas ; et celui qui est trompé, plus sage que celui qui n’est point trompé8. Chose qui semble contre raison, et toutefois est véritable. Car la tragédie nous trompe et déçoit en ce que bien souvent elle traite arguments fabuleux si sagement controuvés9 que nous cuidons10 qu’ils soient véritables. Or celui qui trompe un autre, et par cette tromperie lui montre et enseigne ce qu’il11 lui est profitable ou nuisible, bon ou mauvais, honnête ou déshonnête, est sans doute plus juste que celui qui n’a pouvoir ou vouloir de ce faire. Car il n’y a point d’acte plus vertueux ne12 tant convenable à l’homme que de bien mérir13 et profiter à la communauté des autres. D’autre part celui à qui par la fiction de la tragédie demeure la connaissance de vice et de vertu, et de bien et de mal, est beaucoup plus sage et avisé en tous ses affaires14 que celui qui, pour n’avoir été si heureusement trompé, n’a cette connaissance. Et comme l’on voit, la coutume des poètes, premiers auteurs et inventeurs de la philosophie, a toujours été de couvrir et cacher sous le voile des fables la vérité des choses qu’ils voulaient enseigner, ou bien mêler le plaisir qu’on a de leur ingénieuse fiction avec bons et profitables documents. Et pour ce, dit Horace que le poète apprend aux hommes à honnêtement parler, instruit l’en{4 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k122863w/f4}tendement de bons enseignements, reprend les vices et loue la vertu15. Et outre plus, nous donne connaissance de l’avenir par exemples du passé et en adversité et affliction console notre esprit troublé. Mais entre tous, il semble que les tragiques, ainsi qu’ils surpassent tous autres écrits en hauteur de style, grandeur d’arguments et gravité de sentences, aussi ont-ils plus amené de profit aux hommes, d’autant qu’ils ont pris16 à instruire et enseigner les plus grands et ceux-là que fortune a plus hautement élevés, comme princes et rois, dont ils ont amené grand profit à la postérité, laissant mêmement par écrit monuments de si grande utilité, comme l’instruction d’un bon prince, laquelle se peut tirer des tragédies, car à ces fins ont-elles été premièrement inventées pour remontrer17 aux rois et grands seigneurs l’incertitude et lubrique18 instabilité des choses temporelles, afin qu’ils n’aient confiance qu’en la seule vertu. Ce qu’ils peuvent voir et entendre par les grands inconvénients, misères et calamités qui autrefois sont advenues19 à ceux qui ont été en fortune semblable, car ce sont les propres arguments des tragédies, comme montra Euripide, lequel étant en Macédoine le roi Archelaüs pria d’écrire une tragédie de lui, et le poète lui refusa, priant aux dieux que jamais chose ne lui advînt qui pût être bon argument d’écrire une tragédie, pour ce que ce ne sont que pleurs, captivités, ruines et désolations de grands princes, et quelquefois des plus vertueux. Ce qui sert aux successeurs, afin qu’en prospérité ils ne s’élèvent par trop et provoquent malheur en abusant de leur fortune20, et aussi en adversité n’aient le cœur abaissé ni failli, à l’exemple de plusieurs vertueux princes qui {5 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k122863w/f5} jamais, pour quelque envie que fortune ait porté21 à leur gloire et pour quelque affliction qu’ils aient soutenue, n’ont aucunement22 fléchi, laissant preuve à la postérité que la vertu peut bien être affligée, mais non vaincue, comme, Sire, on le peut véritablement et sans flatterie dire de vous. Or est-il, Sire, que quelques jours passés me retrouvant en ma petite maison, mes enfants, tant pour me faire apparoir23 du labeur de leur étude, que pour me donner plaisir et récréation, m’apportaient chacun jour la lecture qui leur était faite par leur précepteur de la tragédie d’Euripide, dénommée Hecuba, me la rendant de mot à mot de Grec en Latin. Laquelle pour la sublimité du style et gravité des sentences que j’y trouvai, il me prit envie, Sire, de la mettre en notre langue française, seulement pour occuper ce peu de temps de repos à quelque honnête exercice. Et depuis vous voyant, Sire, travaillé de maladie, pour vous donner quelque récréation, je pris la hardiesse de vous lire le commencement que j’en avais tourné, que bénignement24 vous ouîtes et me commandâtes l’achever. Ce que j’ai fait, non tant pour l’assurance que j’ai eue de le savoir bien faire, connaissant ma faible puissance, que pour le désir de vous obéir. Car trop plus25 m’a aidé l’efficace26 de votre commandement, que ne m’a empêché la connaissance de mon infirmité au parachèvement de la traduction de cette tragédie. Laquelle, Sire, très humblement je vous présente, en espérance que de votre accoutumée bonté et bénignité prendrez en gré le service de celui qui n’a en cet œuvre27 prétendu autre louange ni loyer, fors28 seulement de vous donner contentement et plaisir.