IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

La Comédie de Chansons

Beys, Charles de (auteur présumé)

Éditeur scientifique : Fenin, Coralie

Description

Auteur du paratexteBeys, Charles de (auteur présumé)

Auteur de la pièceBeys, Charles de (auteur présumé)

Titre de la pièceLa Comédie de Chansons

Titre du paratexteAvertissement aux lecteurs sur la Comédie de Chansons

Genre du textePréface

Genre de la pièceComédie de chansons

Date1640

LangueFrançais

ÉditionParis, Toussaint Quinet, 1640, in-12°.

Éditeur scientifiqueFenin, Coralie

Nombre de pages8

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k718496/f3.

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Beys-ComedieChansons-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Beys-ComedieChansons-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Beys-ComedieChansons-Preface.odt

Mise à jour2015-08-30

Mots-clés

Mots-clés français

GenreComédie de chansons ; centon

SujetSimple et peu développé

DramaturgieInsertion musicale

ActionContrainte par les vers des chansons

Personnage(s)Diversement nommés (en fonction des chansons employées)

FinalitéDivertissement

ExpressionParoles de chansons ; enchevêtrement du registre bas et élevé

AutreAir de cour / vaudeville

Mots-clés italiens

GenereCommedia con canzoni ; centone

ArgomentoSemplice e poco sviluppato

DrammaturgiaInserimento di musica

AzioneCostrizioni causate dai versi e dalle canzoni

Personaggio(i)Chiamati diversamente (secondo le canzoni utilizzate)

FinalitàDivertimento

EspressioneParole di canzoni ; registri alto e basso misti

AltriAria di corte / vaudeville

Mots-clés espagnols

GéneroComedia de canciones ; centón

TemaSencillo y poco desarrollado

DramaturgiaInserción musical

AcciónEn función de los versos de las canciones

Personaje(s)Con diferentes nombres (en función de las canciones empleadas)

FinalidadEntretenimiento

ExpresiónLetras de canciones ; mezcla del registro bajo y alto

OtrasCanciones de corte / vaudeville

Présentation

Présentation en français

L’« Avertissement aux Lecteurs » de la Comédie de Chansons, s’il présente les caractéristiques d’un véritable manifeste, tant par la défense du genre nouvellement créé que par l’énonciation des principes qui ont présidé à son élaboration, ne fait état d’aucune volonté fondatrice. Il participe cependant de l’histoire du théâtre et, comme tant d’autres productions à insertions musicales avec lui, de l’histoire de l’opéra. L’attribution de cette comédie à Charles de Beys est incertaine même si elle est aujourd’hui communément admise. La pièce fut en tout cas publiée de façon anonyme. Dans ce texte, l’auteur présente l’originalité d’une pièce composée d’innombrables chansons qui ne valent pourtant pas pour elles-mêmes mais bien davantage pour l’habileté de leur enchevêtrement. À cette audace créatrice s’ajoute la diversité des registres, bas et élevé, et des strates temporelles, chansons anciennes et nouvelles. Ce jeu littéraire libertin s’adresse à une élite intellectuelle qui prendra plaisir à reconnaître une pratique ancienne, celle du centon qui légitime cette comédie d’un nouveau genre. La fin de l’avertissement justifie la minceur de l’intrigue car elle est telle qu’on peut l’extraire de quelques chansons notables si l’on a le souci de ne rien soustraire ni ajouter aux parties musicales qui composent la comédie. Enfin, l’argument de la pièce est exposé avant que l’auteur ne rappelle que la prouesse relève, non pas du sujet lui-même, mais de sa capacité à le faire comprendre dans un environnement musical complexe.

Texte

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Avertissement aux lecteurs, sur la Comédie de Chansons.

[NP1] Après avoir vu tant de comédies de vers faits exprès, ce sera un contentement à plusieurs d’en voir une de pièces rapportées1. Voici un chef-d’œuvre de cet art. Nous avons ici un ouvrage aussi ingénieux que l’on le saurait souhaiter. C’est une comédie où il n’y a pas un mot qui ne soit un vers ou un couplet de chanson2. Il en faut estimer l’agréable invention et le subtil artifice d’y avoir si bien entremêlé les choses, qu’une chanson ridicule répond souvent à une des plus sérieuses, et une vieille à une nouvelle ; et quoique tout le sujet ne soit que bouffonnerie, il faut admirer ces rapports et ces [NP2] rencontres, où l’on trouve souvent ce que l’on n’attendait pas3. Ne savons-nous point qu’avec de la simple paille l’on fait aujourd’hui des corbeilles, des vases, des guirlandes et d’autres gentillesses4 qui sont plus estimées pour leur artifice que pour leur étoffe ? Qui nous empêchera de croire que de même ayant ingénieusement entrelacé des discours bas et populaires, cet agréable enchaînement les rend de beaucoup plus estimables ? Puisque les plus beaux airs de cour sont aussi mêlés en ce lieu avec les vaudevilles5, c’est comme si l’on avait mêlé l’or et la soie à la paille pour rendre un ouvrage plus exquis. Cela doit donc être agréable aux plus sages et aux plus critiques6 pour les réjouir après d’autres occupations plus sérieuses. Il n’y a que l’ignorant vulgaire qui puisse priser ceci moins qu’il ne vaut, ne le considérant que comme des simples chansons, au lieu qu’il en faut faire état à cause de la rencontre industrieuse de tant de divers couplets. Il n’y saurait avoir que des esprits rustiques et grossiers qui en oyant ceci puissent dire : « Que voilà de belles nouveautés ! » ; qu’ils ont cent fois ouï dire ces chansons-là à leurs valets et à leurs servantes. Ceux qui parleront ainsi méritent bien que pour punition ils servent de [NP3] risée aux autres, de ne savoir pas la grâce de l’application et de la liaison des choses qui les fait valoir, toutes basses qu’elles puissent être. Les bons mots de la cour, pour la plupart, ne sont composés que de cela7. Une façon de parler commune est appliquée à quelque autre, et un couplet de quelque chanson n’y sera pas moins propre8. C’est là dessus qu’on a fondé le dessein de faire une comédie de couplets de chansons dont les rencontres doivent être fort récréatives à chacun, mais spécialement à ceux qui savent les chansons anciennes et modernes, pour être davantage surpris de cette liaison. L’on a fait des centons de divers poèmes grecs et latins, leur faisant dire tout ce que l’on a voulu au plus loin de la pensée des auteurs9. C’est une chose agréable de ne faire cela qu’avec des chansons. Elles n’ont été composées que pour entretenir la joie des hommes, tellement que l’on continue de les faire servir à leurs fins. Vous verrez si l’on y a bien réussi en cette comédie. Plusieurs croient que l’on a grand sujet de l’estimer rare et unique, d’autant qu’il serait impossible d’en faire encore une autre différente en chansons françaises10, pource que les reprises des chansons les plus connues sont ici employées11 ; et si l’on fai[NP4]sait une autre comédie sans les y mettre, toute la grâce en serait perdue. Que si l’on les y mettait, je ne sais en quel autre meilleur ordre l’on se pourrait persuader de les placer. Si quelqu’un pense faire mieux, nous ne savons pas comment il s’y pourra prendre, et nous en voudrions bien voir l’effet. Quand il aurait un esprit de démon12, il ne pourrait faire autre chose que ce que nous voyons déjà : il ne saurait pas faire dire autre chose aux chansons que ce qu’elles disent, tellement que nous avons raison d’appeler notre pièce La Comédie de chansons, comme étant unique en son espèce13. Si les chansons y sont démembrées diversement, cela les rend plus artificieuses14, et c’est le meilleur quand l’on ne dit qu’un vers de chacune. Que s’il y en a dont l’on n’a pas mis seulement des couplets entiers, mais deux, voire trois ou quatre et davantage, c’est qu’elles venaient15 parfaitement au sujet, et c’est pour diversifier la méthode16. En d’autres lieux il y a de longues traites17 qui ne sont que du ramas18 de couplets de chansons différentes, ce que l’on reconnaît assez19. Mais s’il y a des chansons entières ou presque entières en quelques lieux, l’on dira que cela est trop aisé à faire, au lieu qu’il faudrait que ce [NP5] ne fût que des rencontres de vers ou de couplets ; mais l’on peut si l’on veut retrancher quelques stances, sans que la comédie en soit moins bonne, quoique l’on n’y ait rien laissé qui ne soit fort agréable. Au reste, si l’on trouve étrange que les personnages soient nommés diversement, comme Léandre, Thyrcis, Cloris, Phillis et autres, l’on peut dire que les poètes donnent ainsi les noms indifféremment, spécialement à leurs maîtresses ; et d’ailleurs, cela ne peut être d’autre sorte si l’on fait état de laisser les paroles de chansons en leur naïveté20... Si quelques mots ont été changés, ils n’en diminuent point l’invention, et sont en fort petit nombre, n’ayant été corrigés que pour ne point désobliger quelques personnes qui sont nommées dans les chansons ordinaires. Nous considérerons encore que cette comédie n’a qu’un sujet fort simple, lequel l’on a de la peine à remarquer sans les actions jointes aux paroles, mais il faut prendre garde qu’il n’est pas permis d’ajouter ni oui ni non, ni aucuns mots21 qui servent au sujet. Il faut tout prendre des chansons qui ne sauraient fournir à toute sorte de discours22 ; Voilà pourquoi c’est beaucoup d’avoir fait seulement reconnaître qu’un tel est amoureux d’une telle. Et quoique [NP6] l’on ait mis quelques petites annotations23 pour faire comprendre quelle doit être l’action, il faut que le lecteur imaginatif en supplée encore davantage s’il lui plaît ; et pour savoir le prix de ceci, il faut qu’il croie qu’un tel ouvrage est plus malaisé que l’on ne pense. L’on a fait une comédie de proverbes24, et une autre en langage de l’Orateur français25 : mais cela n’est point difficile comme ceci, d’autant que l’on y peut tourner les périodes selon son désir, mettant les verbes au présent, au prétérit ou au futur, et y ajoutant telles conjonctions que l’on veut. Mais en ceci l’on ne peut pas ajouter un mot, pource que ce ne serait pas les mêmes chansons.

Sujet de la Comédie de Chansons26

Pour ce qui est du sujet de la comédie présente, vous verrez donc au premier acte, qu’Alidor aime Silvie, qu’elle est enlevée par la Roze, qui en ayant tiré quelques faveurs la laisse pour aller à la guerre. Jodelet prend les armes avec lui, mais les quitte bientôt pour retourner à son premier maître. Alidor, ayant retrouvé Silvie au II[e] acte, continue ses poursuites dont elle se rit, et la Roze, revenant de la guerre, fait la débauche avec Matthieu et Jodelet. Au troisième, Silvie et Jeanne content leurs aventures. Jodelet arrivant veut parler [NP7] d’amour à Silvie qui le méprise et le quitte, mais Jeanne devient amoureuse de lui, et lui découvre sa passion. Sa confidente revient, qui la détourne de cet amour. La Roze et Jodelet s’entretiennent après fort plaisamment de leurs aventures amoureuses. Au quatrième acte, Silvie se plaint à Jeanne de ce qu’un de ses serviteurs l’a laissée, de sorte qu’Alidor arrivant, la trouve un peu plus disposée à lui vouloir du bien qu’à l’ordinaire. Il lui donne une sérénade, et ils prennent heure27 pour se voir cette nuit. Il y retourne seul, et la quitte après avoir passé la nuit avec elle. Depuis28, la Roze, la pensant aborder, elle le méprise. Alidor la vient revoir ; ils s’entretiennent amoureusement, ce qui fait le commencement du Ve acte. Là-dessus, Matthieu, la Roze et Jodelet entrent, et sont en humeur de rire. Matthieu demande qu’on lui aille quérir sa femme ; la Roze fait l’officieux, et va quérir Jeanne. En l’amenant, il la veut caresser29, mais elle le repousse. Matthieu ravi de la voir, veut que chacun participe à un pareil contentement. Il ne parle que de danse, de baisers et de mariage. La Roze, voyant bien qu’il n’y a rien là pour lui, déclare qu’il veut vivre en liberté sans se marier ; et l’on marie Alidor à Silvie, qui ne doit pas beaucoup faire la [NP8] difficile, puisqu’elle n’apprendra rien de nouveau le jour de ses noces. La comédie finit là, avec l’allégresse de tous les personnages, excepté de la Roze, qui a de la peine à cacher son mécontentement30.

Voilà tout le sujet que l’on a pu représenter dans ces amas de chansons, car d’y mêler des intrigues, cela n’est aucunement possible, outre qu’un sujet se fait mieux remarquer quand il est simple parmi la contrainte d’un dessein comme celui-ci, où il n’est pas permis d’inventer aucunes paroles31.