IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Andromire

Scudéry, Georges de

Éditeur scientifique : Baby, Hélène

Description

Auteur du paratexteScudéry, Georges de

Auteur de la pièceScudéry, Georges de

Titre de la pièceAndromire

Titre du paratexteAu Lecteur

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragi-comédie

Date1641

LangueFrançais

ÉditionParis, Antoine de Sommaville, 1641, in-4°.

Éditeur scientifiqueBaby, Hélène

Nombre de pages3

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k727464.r

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Scudery-Andromire-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Scudery-Andromire-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Scudery-Andromire-Preface.odt

Mise à jour2012-12-04

Mots-clés

Mots-clés français

GenreTragi-comédie / tragédie

ActionNécessité des épisodes

RéceptionSuccès remporté par le genre

FinalitéAgrément ; beauté

AutreThéâtre et peinture ; théâtre et architecture ; composite ; Poussin

Mots-clés italiens

GenereTragicommedia / tragedia

AzioneNecessità degli episodi

RicezioneSuccesso del genere

FinalitàPiacere ; bellezza

AltriTeatro e pittura ; teatro e architettura ; composito ; Poussin

Mots-clés espagnols

GéneroTragicomedia / tragedia

AcciónEpisodios imprescindibles

RecepciónÉxito del género

FinalidadPlacer ; belleza

OtrasTeatro y pintura ; teatro y arquitectura ; belleza de lo compuesto ; Poussin

Présentation

Présentation en français

L’avis Au Lecteur d’Andromire a pour fonction et enjeu en 1641 de défendre le genre tragi-comique qui, après plus de dix années d’une éclatante suprématie, se voit menacé dans son existence même par la renaissance d’un genre tragique conforme aux souhaits d’une nouvelle modernité régulière. Scudéry y revendique la suprématie de la tragi-comédie sur les autres genres, en particulier sur la tragédie et la comédie, et s’applique pour cela à répondre aux détracteurs de ce genre moderne que Jean Mairet avait défini en 1631 dans la préface de sa Silvanire comme « une composition de la tragédie et de la comédie ». Aussi, et alors même que les Réguliers lui opposent l’impératif de la pureté générique, Scudéry choisit ici de réhabiliter la notion de mixité et de mélange en répondant nettement aux attaques que Sarasin avait formulées en 1639 dans son Discours sur la Tragédie, placé en tête de L’Amour tyrannique. Alors que Sarasin reprochait aux Modernes d’avoir « allié deux choses toutes contraires, [et] fait un monstre de deux natures excellentes », Scudéry soutient la beauté du composite par la métaphore des cinq ordres de l’art architectural, et par la référence au milieu idéal qu’Horace appelait l’aurea mediocritas, équilibre fragile et précieux. Excellent par sa médiocrité même, ce type de poème dramatique traduit la perfection de toutes les choses et vaut ainsi par l’agréable imitation de la nature qu’il propose. Scudéry en veut pour preuve l’approbation du public, et profite d’ailleurs de cet avis liminaire à son futur « lecteur » pour le remercier d’avoir été un bon et fidèle spectateur. Subtile manœuvre de captatio benevolentiae, ce paratexte ne rappelle l’accueil favorable fait à la pièce que pour programmer la bienveillance du lectorat à venir.            

Texte

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Au Lecteur                

[NP1] Quoique les Anciens aient à peine connu le poème tragi-comique1, je pense que nous pouvons assurer, sans perdre le respect que nous leur devons, que s’il n’est le plus parfait, il est du moins le plus agréable. C’est une chose que le sentiment public a déterminée, et que notre plaisir particulier nous a fait connaître à tous par expérience : et certes cette juste médiocrité, où l’on dit que se trouve la perfection de toutes choses2, s’y rencontre admirablement. Ce beau et divertissant poème, sans pencher trop vers la sévérité de la tragédie, ni vers le style railleur de la comédie, prend les beautés les plus délicates de l’une et de l’autre ; on peut dire qu’il est toutes les deux ensemble, et quelque chose de plus. Mais que ceux qui n’approuvent point ce mélange, ne s’imaginent pas que les ouvrages de cette espèce soient des monstres comme les centaures3 : et qu’ils sachent au contraire, que, comme en l’architecture, on mêle les divers ordres ; et que du mélange des cinq il s’en fait un composé, qui n’est pas moins beau que les simples4 ; ici de même de l’assemblage de ces diverses beautés5, il résulte quelque chose d’excellent. Il est bien [NP2] difficile qu’une action toute nue, de l’une ou de l’autre manière6 , sans épisodes et sans incidents imprévus, puisse avoir autant de grâce que celle qui, dans chaque scène, montre quelque chose de nouveau ; qui tient toujours l’esprit suspendu ; et qui, par cent moyens surprenants, arrive insensiblement à sa fin. Pour moi, je mets la même différence entre ces sortes de poèmes qu’entre ces peintres qui ne savent faire qu’une figure à demi-corps, et cet illustre et fameux Poussin qui, pour la peinture, s’est rendu la gloire de son siècle et de sa patrie7 ; et qui, soit pour l’invention, pour l’ordonnance, ou pour le grand nombre de figures, qu’il fait mouvoir ou plutôt vivre dans ses tableaux8, qui sont des chefs-d’œuvre de ce bel art, a eu peu de maîtres aux siècles passés, et a peu d’égaux dans le nôtre. Je ne sais si j’ai raison de me faire une loi de mon expérience, mais je sais bien que, des treize poèmes que j’ai composés pour le théâtre, et qui tous ont été reçus du public plus favorablement que je ne le méritais, les tragi-comédies ont été les plus heureuses9, quoique chacun m’ait voulu faire croire que mon principal talent était dans les choses graves10. L’Andromire qui est ma dernière, et celle que je vous présente, m’a confirmé puissamment en mon opinion : et je serais plutôt ingrat que modeste, si je cachais ma reconnaissance après le succès qu’elle a eu. Aussi suis-je obligé d’avouer que, soit pour la fable ou pour les vers, pour [NP3] l’invention ou pour le style, elle est aussi bien que trois ou quatre autres des miennes, le dernier effort de mon esprit. Telle qu’elle est, Lecteur, je l’expose une seconde fois à votre jugement, sans répugnance et sans orgueil : et si vous n’approuvez au cabinet ce que vous approuvez sur la scène, vous me trouverez aussi prompt à corriger mes fautes, que celles de l’imprimeur. Croyez-le donc, mon cher Lecteur, puisque cette protestation est aussi vraie, qu’il est vrai que je m’appelle De Scudéry.