Préface
Les Véritables précieuses
Somaize, Antoine Baudeau de
Éditeur scientifique : Piot, Coline
Description
Auteur du paratexteSomaize, Antoine Baudeau de
Auteur de la pièceSomaize, Antoine Baudeau de
Titre de la pièceLes Véritables précieuses
Titre du paratextePréface
Genre du textePréface
Genre de la pièceComédie
Date1660
Languefrançais
ÉditionParis : J. Ribou, 1660, in-12°
Éditeur scientifiquePiot, Coline
Nombre de pages4
Adresse sourceA numériser
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Mise à jour2017-03-30
Mots-clés
Mots-clés français
Personnage(s)Incohérence des personnages
Relations professionnellesMolière
ActualitéPublication des Précieuses ridicules ; plagiat
AutreSatire
Mots-clés italiens
Mots-clés espagnols
Présentation
Présentation en français
Il est rare qu’une préface analyse de façon aussi étroite une autre préface : la proximité entre le texte de Molière et la réponse que lui oppose Somaize est telle qu’il fallait que le lecteur eût le paratexte des Précieuses ridicules bien en tête pour comprendre celui des Véritables précieuses. L’auteur s’inscrit en effet dans un réseau intertextuel très serré d’un point de vue chronologique1 et thématique : profitant du succès prodigieux de Molière, il cherche à se faire remarquer sur la scène littéraire en jouant la polémique, ce qui explique le ton extrêmement acide de la préface. Le fait de s’intéresser autant au paratexte d’un auteur est toutefois étonnant : les contemporains ont sans doute été frappés par le ton résolument novateur, désinvolte et ironique, employé par Molière.
La seconde partie de la préface s’attache au contenu de la pièce de Molière et plus particulièrement à la question de la satire. Entretenant une ambiguïté travaillée entre « vraie » et « fausse » précieuse , Somaize fait valoir que sa pièce, à la différence de celle de Molière, n’a pas satirisé les « personnes illustres » : les « fausses » précieuses seraient les ridicules qui singent maladroitement l’élégance des mondaines2. Surtout, en réduisant la « préciosité » aux seuls faits de langue, il prépare le lecteur à recevoir le Grand dictionnaire des Précieuses qu’il est en train de rédiger. Comme souvent chez cet auteur, la préface est un moyen de faire la réclame de ses œuvres passées ou en cours de rédaction par un système adroit de renvois implicites ou explicites à ses propres productions. Enfin, un dernier paragraphe justifie tant bien que mal les incohérences des personnages des Véritables précieuses ; peut-être meilleur polémiste que dramaturge, Somaize est en tout cas un habile promoteur de ses ouvrages et semble phagocyter progressivement le motif vendeur de la « préciosité ».
Texte
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Préface
Depuis que la modestie et l’insolence sont deux contraires3, on ne les a jamais vues mieux unies qu’a fait dans la préface l’auteur prétendu4 des Précieuses ridicules : car si nous examinons ses paroles, il semble qu’il soit assez modeste pour craindre de faire mettre son nom sous la presse5, cependant il cache sous cette fausse vertu tout ce que l’insolence a de plus effronté, et met sur le théâtre une [VIII] satire, qui, quoique sous des images grotesques, ne laisse pas de blesser tous ceux qu’il a voulu accuser ; il fait plus de critique6, il s’érige en juge, et condamne à la berne les singes, sans savoir qu’il prononce un arrêt contre lui en le prononçant contre eux, puisqu’il est certain qu’il est singe en tout ce qu’il fait7, et que non seulement il a copié les Précieuses de Monsieur l’abbé de Pure, jouées par les Italiens8 ; mais encore qu’il a imité par une singerie dont il est seul capable le Médecin volant, [IX] et plusieurs autres pièces des mêmes italiens qu’il n’imite pas seulement en ce qu’ils ont joué sur leur théâtre; mais encore en leurs postures, contrefaisant sans cesse sur le sien et Trivelin et Scaramouche9 ; mais qu’attendre d’un homme qui tire toute sa gloire des mémoires de Guillot-Gorju10, qu’il a achetés de sa veuve, et dont il s’adopte tous les ouvrages ?
Mais c’est assez parler des Précieuses ridicules, il est temps de dire un mot des vraies, et tout ce que j’en dirai, c’est seulement [X] que je leur ai donné ce nom, parce qu’elles parlent véritablement le langage qu’on attribue aux précieuses11, et que je n’ai pas prétendu par ce titre parler de ces personnes illustres qui sont trop au-dessus de la satire pour faire soupçonner que l’on ait dessein de les y insérer : j’ai encore eu d’autres raisons de les nommer ainsi, qui n’étant connues de personne ne sauraient être condamnées. Que si l’on m’accuse de condamner la satire et pourtant d’en composer, je ne m’en défendrai [XI] pas ici, puisqu’elle est toujours permise contre ceux qui font profession de l’exposer en public.
Il ne peut plus rester qu’un scrupule dans l’esprit du lecteur : savoir, pourquoi je fais que mes acteurs parlent tantôt en insensés, tantôt en gens tout à fait raisonnables ; mais qui examinera bien les personnages qu’ils représentent, discernera aisément que ce qu’ils disent de juste, c’est seulement par ouï-dire, et qu’en ce qu’ils disent d’eux-mêmes ils ne démentent point leurs caractères.