IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Mithridate

Racine, Jean

Éditeur scientifique : Forestier, Georges et Fournial, Céline

Description

Auteur du paratexteRacine, Jean

Auteur de la pièceRacine, Jean

Titre de la pièceMithridate

Titre du paratextePréface

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragédie

Date1676

LangueFrançais

ÉditionParis, Jean Ribou, 1676, in-12

Éditeur scientifiqueForestier, Georges et Fournial, Céline

Nombre de pages5

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k990581p

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/RacineMithridatePreface1676.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/RacineMithridatePreface1676.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/RacineMithridatePreface1676.odt

Mise à jour2016-03-24

Mots-clés

Mots-clés français

GenreTragédie

SourcesFlorus ; Dion Cassius ; Appien d’Alexandrie ; Plutarque

SujetCélèbre ; historique ; fidélité à l’Histoire / modifications

ActionUnité ; scène 1 de l’acte III nécessaire et liée à l’action ; critique des scènes ornementales

Personnage(s)Mithridate ; Monime ; Xipharès ; Pharnace

RéceptionSuccès de la grande tirade de Mithridate ; succès du personnage de Monime

FinalitéMorale ; plaisir ; surprise ; satire ; etc.

Mots-clés italiens

GenereTragedia

FontiFlorus ; Plutarco ; Dione Cassio ; Appiano di Alessandria

ArgomentoFamoso ; storico ; fedeltà alla Storia / alterazione

AzioneUnità ; scena prima dell’atto III necessaria e legata all’azione ; critica delle scene ornamentali

Personaggio(i)Mitridate, Monima ; Xiphare ; Farnace

RicezioneSuccesso della lunga battuta di Mitridate ; Successo del personaggio di Monima

FinalitàMorale ; diletto ; meraviglia ; satira ; ecc.

Mots-clés espagnols

GéneroTragedia

FuentesFloro ; Plutarco ; Dion Casio ; Apiano de Alejandría

TemaFamoso ; histórico ; fidélidad a la Historia / modificaciones

AcciónUnidad ; escena 1 del acto III necesaria y vinculada a la acción ; crítica de las escenas ornementales

Personaje(s)Mitrídates ; Mónimo ; Jifares ; Farnaces

RecepciónÉxito de la gran tirada de Mitrídates ; éxito del personaje de Mónimo

FinalidadMoral ; placer ; sorpresa ; sátira ; etc.

Présentation

Présentation en français

Lorsqu’il publie ses Œuvres en 1676, Racine donne une version augmentée de la première préface de Mithridate1 afin de répondre à ses traditionnels ennemis. Au premier rang de ceux-ci figure Donneau de Visé qui, sous couvert d’éloges, accuse Racine d’avoir négligé toute vérité historique et transformé le barbare Mithridate en un roi modèle2, renouvelant ainsi les critiques portées contre Bajazet. Racine réaffirme sa fidélité à l’histoire jusque dans le caractère de Mithridate dont l’ambivalence est directement tirée des sources historiques. Il en vient ensuite à Monime : un long extrait de Plutarque met en lumière les potentialités pathétiques du personnage et justifie ainsi son choix de l’intégrer à l’action dramatique en dépit de la chronologie historique. Le dramaturge achève sa préface en rappelant les grandes lignes de la vie de Xipharès et de Pharnace. Les longues citations, la variété des sources ainsi que certaines des données historiques, convoquées dans le texte liminaire mais absentes de l’action dramatique, indiquent que Racine cherche avant tout à opposer à ses censeurs une solide documentation historique.

Texte

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Préface

{153}Il n’y a guère de nom plus connu que celui de Mithridate. Sa vie et sa mort font une partie considérable de l’Histoire romaine. Et sans conter les victoires qu’il a remportées, on peut dire que ses seules défaites ont fait presque toute la gloire de trois des plus grands capitaines de la République, c’est à savoir de Scylla, de Lucullus et de Pompée. Ainsi, je ne pense pas qu’il soit besoin de citer ici mes auteurs car excepté quelque événement que j’ai un peu rapproché par le droit que donne la poésie, tout le monde reconnaîtra aisément que j’ai suivi l’Histoire avec beaucoup de fidélité. En effet il n’y a guère d’actions éclatantes dans la vie de Mithridate qui n’aient trouvé place dans ma tragédie. J’y ai inséré tout ce qui pouvait mettre en jour les mœurs et les sentiments de ce prince, je veux dire sa haine violente contre les Romains, son grand courage, sa finesse, sa dissimulation et enfin cette jalousie qui lui était si naturelle {154}et qui a tant de fois coûté la vie à ses maîtresses3. La seule chose qui pourrait n’être pas aussi connue que le reste, c’est le dessein que je lui fais prendre de passer dans l’Italie. Comme ce dessein m’a fourni une des scènes qui ont le plus réussi dans ma tragédie, je crois que le plaisir du lecteur pourra redoubler, quand il verra que presque tous les historiens ont dit ce que je fais dire ici à Mithridate.

Florus, Plutarque et Dion Cassius nomment les pays par où il devait passer. Appien d’Alexandrie entre plus dans le détail. Et après avoir marqué les facilités et les secours que Mithridate espérait trouver dans sa marche, il ajoute que ce projet fut le prétexte dont Pharnace se servit pour faire révolter toute l’armée, et que les soldats, effrayés de l’entreprise de son père, la regardèrent comme le désespoir d’un prince qui ne cherchait qu’à périr avec éclat.

Ainsi, elle fut en partie cause de sa mort, qui est l’action de ma tragédie. J’ai encore lié ce dessein de plus près à mon sujet. Je m’en suis servi pour faire connaître à Mithridate les secrets sentiments de ses deux fils. On ne peut prendre trop de précaution pour ne rien mettre sur le théâtre qui ne soit très nécessaire. Et les plus belles scènes sont en danger d’ennuyer du moment qu’on les peut {155} séparer de l’action et qu’elles l’interrompent au lieu de la conduire vers sa fin.

Voici la réflexion que fait Dion Cassius sur ce dessein de Mithridate : « Cet homme était véritablement né pour entreprendre de grandes choses. Comme il avait souvent éprouvé la bonne et la mauvaise fortune, il ne croyait rien au-dessus de ses espérances et de son audace et mesurait ses desseins bien plus à la grandeur de son courage qu’au mauvais état de ses affaires. Bien résolu, si son entreprise ne réussissait point, de faire une fin digne d’un grand roi et de s’ensevelir lui-même sous les ruines de son empire, plutôt que de vivre dans l’obscurité et dans la bassesse. »4

J’ai choisi Monime entre les femmes que Mithridate a aimées. Il paraît que c’est celle de toutes qui a été la plus vertueuse et qu’il a aimée le plus tendrement. Plutarque semble avoir pris plaisir à décrire le malheur et les sentiments de cette princesse. C’est lui qui m’a donné l’idée de Monime et c’est en partie5 sur la peinture qu’il en a faite que j’ai fondé un caractère que je puis dire qui n’a point déplu. Le lecteur trouvera bon que je rapporte ses paroles telles qu’Amyot les a traduites car elles ont une grâce dans le vieux style de ce traducteur que je ne crois point pouvoir égaler dans notre langage moderne.

{156}Cette-ci était fort renommée entre les Grecs, pource que quelques sollicitations que lui sût faire le roi en étant amoureux, jamais ne voulut entendre à toutes ses poursuites jusqu’à ce qu’il y eût accord de mariage passé entre eux, et qu’il lui eût envoyé le diadème ou bandeau royal et appelée reine. La pauvre dame depuis que ce roi l’eut épousée avait vécu en grande déplaisance ne faisant continuellement autre chose que de pleurer la malheureuse beauté de son corps, laquelle au lieu d’un mari lui avait donné un maître, et au lieu de compagnie conjugale et que doit avoir une dame d’honneur, lui avait baillé une garde et garnison d’hommes barbares qui la tenaient comme prisonnière loin du doux pays de la Grèce, en lieu où elle n’avait qu’un songe et une ombre de biens, et au contraire avait réellement perdu les véritables, dont elle jouissait au pays de sa naissance. Et quand l’eunuque fut arrivé devers elle et lui eut fait commandement de par le roi qu’elle eût à mourir, adonc elle s’arracha d’alentour de la tête son bandeau royal et se le nouant à l’entour du col s’en pendit. Mais le bandeau ne fut pas assez fort et se rompit incontinent. Et lors elle se prit à dire : « O maudit et malheureux tissu, ne me serviras-tu point au moins à ce triste service ? » En disant ces paroles elle le jeta contre terre cra{157}chant dessus et tendit la gorge à l’eunuque6.

Xipharès était fils de Mithridate et d’une de ses femmes qui se nommait Stratonice. Elle livra aux Romains une place de grande importance, où étaient les trésors de Mithridate, pour mettre son fils Xipharès dans les bonnes grâces de Pompée. Il y a des historiens qui prétendent que Mithridate fit mourir ce jeune prince pour se venger de la perfidie de sa mère7.

Je ne dis rien de Pharnace car qui ne sait pas que ce fut lui qui souleva contre Mithridate ce qui lui restait de troupes et qui força ce prince à se vouloir empoisonner et à se passer son épée au travers du corps pour ne pas tomber entre les mains de ses ennemis ? C’est ce même Pharnace qui fut vaincu depuis par Jules César8 et qui fut tué ensuite dans une autre bataille.