Préface
Les Plaideurs
Racine, Jean
Éditeur scientifique : Forestier, Georges et Fournial, Céline
Description
Auteur du paratexteRacine, Jean
Auteur de la pièceRacine, Jean
Titre de la pièceLes Plaideurs
Titre du paratexteAu lecteur
Genre du textePréface
Genre de la pièceComédie
Date1669
LangueFrançais
ÉditionParis : Claude Barbin, 1669, in-12
Éditeur scientifiqueForestier, Georges et Fournial, Céline
Nombre de pages4
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k701689
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Racine-Plaideurs-Preface.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Racine-Plaideurs-Preface.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Racine-Plaideurs-Preface.odt
Mise à jour2014-08-30
Mots-clés
Mots-clés français
GenreComédie
SourcesLes Guêpes d’Aristophane
Personnage(s)Le juge extravagant ; caractères outrés
ComédiensComédiens italiens ; Scaramouche
ReprésentationParis / Versailles
RéceptionSuccès ; doctes / mondains / roi
FinalitéDivertir ; faire rire
ExpressionBons mots ; grâce ; sel attique
AutreMénandre et Térence / Aristophane et Plaute
Mots-clés italiens
GenereCommedia
FontiLe Vespe d’Aristofane
Personaggio(i)Il giudice stravagante ; caratteri esagerati
AttoriComici italiani ; Scaramuccia
RappresentazioneParigi / Versailles
RicezioneSuccesso ; dotti / mondani / re
FinalitàDivertire ; far ridere
EspressioneMotti ; grazia ; sale attico
AltriMenandro e Terenzio / Aristofane e Plauto
Mots-clés espagnols
GéneroComedia
FuentesLas avispas de Aristófanes
Personaje(s)El juez extravagante ; caracteres exagerados
Actor(es)Actores italianos
RepresentaciónParís / Versalles
RecepciónÉxito ; doctos / mundanos / rey
FinalidadDivertir ; hacer reir
ExpresiónChistes ; gracia ; sal ática
OtrasMenandro y Terencio / Aristófanes y Plauto
Présentation
Présentation en français
Texte
Afficher les occurrences dans les notes
Au lecteur
[NP1] Quand je lus Les Guêpes d’Aristophane, je ne songeais guère que j’en dusse faire Les Plaideurs. J’avoue qu’elles me divertirent beaucoup, et que j’y trouvai quantité de plaisanteries qui me tentèrent d’en faire part au public : mais c’était en les mettant dans la bouche des Italiens2, à qui je les avais destinées comme une chose qui leur appartenait de plein droit. Le juge qui saute par les fenêtres, le chien criminel et les larmes de sa famille me semblaient autant d’incidents dignes de la gravité de Scaramouche3. Le départ de cet acteur interrompit mon dessein4 et fit naître l’envie à quelques-uns de mes amis de voir sur notre théâtre5 quelque échantillon d’Aristophane. Je ne me rendis pas à la première proposition qu’ils m’en firent. Je leur dis que, quelque esprit que je trouvasse dans cet auteur, mon [NP2] inclination ne me porterait pas à le prendre pour modèle, si j’avais à faire une comédie, et que la régularité de Ménandre et de Térence me semblait bien plus glorieuse, et même plus agréable à imiter, que la liberté de Plaute et d’Aristophane6. On me répondit que ce n’était pas une comédie qu’on me demandait, et qu’on voulait seulement voir si les bons mots d’Aristophane auraient quelque grâce dans notre langue. Ainsi moitié en m’encourageant, moitié en mettant eux-mêmes la main à l’œuvre7, mes amis me firent commencer une pièce qui ne tarda guère à être achevée.
Cependant la plupart du monde ne se soucie point de l’intention ni de la diligence8 des auteurs. On examina d’abord mon amusement, comme on aurait fait une tragédie9. Ceux mêmes qui s’y étaient le plus divertis eurent peur de n’avoir pas ri dans les règles et trouvèrent mauvais que je n’eusse pas songé plus sérieusement à les faire rire10. Quelques autres s’imaginèrent qu’il était bienséant à eux de s’y ennuyer et que les matières de Palais ne pouvaient pas être un sujet de divertissement pour les gens de Cour. La pièce fut bientôt après jouée à Versailles11. On ne [NP3] fit point de scrupule de s’y réjouir ; et ceux qui avaient cru se déshonorer de rire à Paris furent peut-être obligés de rire à Versailles, pour se faire honneur.
Ils auraient tort à la vérité s’ils me reprochaient d’avoir fatigué leurs oreilles de trop de chicane12, c’est une langue qui m’est plus étrangère qu’à personne ; et je n’en ai employé que quelques mots barbares, que je puis avoir retenus dans le cours d’un procès, que ni moi, ni mes juges, n’ont jamais bien entendu13.
Si j’appréhende quelque chose, c’est que des personnes un peu sérieuses ne traitent de badineries le procès du chien et les extravagances du juge : mais enfin je traduis Aristophane14, et l’on doit se souvenir qu’il avait affaire à des spectateurs assez difficiles. Les Athéniens savaient apparemment ce que c’était que le sel attique15, et ils étaient bien sûrs quand ils avaient ri d’une chose qu’ils n’avaient pas ri d’une sottise.
Pour moi je trouve qu’Aristophane a eu raison de pousser les choses au-delà du vraisemblable. Les juges de l’Aréopage n’auraient pas peut-être trouvé bon qu’il eût marqué au naturel leur avidité de gagner, les [NP4] bons tours de leurs secrétaires et les forfanteries de leurs avocats. Il était à propos d’outrer un peu les personnages pour les empêcher de se reconnaître. Le public ne laissait pas de discerner le vrai au travers du ridicule ; et je m’assure qu’il vaut mieux avoir occupé l’impertinente éloquence de deux orateurs autour d’un chien accusé que si l’on avait mis sur la sellette un véritable criminel et qu’on eût intéressé les spectateurs à la vie d’un homme.
Quoi qu’il en soit, je puis dire que notre siècle n’a pas été de plus mauvaise humeur que le sien, et que si le but de ma comédie était de faire rire, jamais comédie n’a mieux attrapé son but. Ce n’est pas que j’attende un grand honneur d’avoir assez longtemps réjoui le monde. Mais je me sais quelque gré de l’avoir fait sans qu’il m’en ait coûté un seul de ces sales équivoques16, et de ces malhonnêtes plaisanteries, qui coûtent maintenant si peu à la plupart de nos écrivains et qui font retomber le théâtre dans la turpitude d’où quelques auteurs plus modestes17 l’avaient tiré18.