Préface
Andromaque
Racine, Jean
Éditeur scientifique : Forestier, Georges et Garnier, Sylvain
Description
Auteur du paratexteRacine, Jean
Auteur de la pièceRacine, Jean
Titre de la pièceAndromaque
Titre du paratexteVirgile au troisième Livre de L’Énéide
Genre du textePréface
Genre de la pièceTragédie
Date1668
LangueFrançais
ÉditionParis : Théodore Girard, 1668, in-12°
Éditeur scientifiqueForestier, Georges et Garnier, Sylvain
Nombre de pages4
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70167z/f9
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Racine-Andromaque-Preface1668.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Racine-Andromaque-Preface1668.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Racine-Andromaque-Preface1668.odt
Mise à jour2014-01-22
Mots-clés
Mots-clés français
SourcesVirgile ; Euripide
DramaturgieCaractères ; règles du théâtre
Personnage(s)Héros imparfaits / héros parfaits ; personnages tragiques ; bonté médiocre ; ressemblance ; bienséance
AutreAristote ; Horace ; Sénèque
Mots-clés italiens
FontiVirgilio ; Euripide
DrammaturgiaCaratteri ; regole del teatro
Personaggio(i)Eroi imperfetti / eroi perfetti ; personaggi tragici ; bontà mediocre ; somiglianza ; decoro
AltriAristotele ; Orazio ; Seneca
Mots-clés espagnols
FuentesVirgilio ; Eurípides
DramaturgiaCarácteres ; reglas del teatro
Personaje(s)Héroes imperfectos / héroes perfectos ; personajes trágicos ; bondad mediana ; semejanza ; decoro
OtrasAristóteles ; Horacio ; Séneca
Présentation
Présentation en français
De cette façon, le dramaturge ouvre son avant-propos par une longue citation de l’Énéide avant de démontrer que tout le sujet de sa pièce est contenu dans ces vers, la seule autre source qu’il concède étant l’Andromaque d’Euripide qu’il a suivie pour le caractère d’Hermione. Il se vante ensuite d’avoir parfaitement respecté les mœurs originales de tous ses personnages, à l’exception de Pyrrhus qu’il reconnaît avoir légèrement adouci afin de respecter les bienséances. Cette concession lui permet d’ironiser contre ses adversaires qui ont malgré tout jugé ce caractère trop violent, et il se moque ainsi de la conception galante et héroïque du personnage tragique qui ne recherche que la perfection romanesque. Enfin, Racine justifie son emploi de héros imparfaits par les règles poétiques issues des anciens, à savoir le principe horacien de la ressemblance du personnage avec son modèle, et le principe aristotélicien de la vertu médiocre constitutive du héros tragique.
Texte
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Virgile au troisième livre de L’Énéide
C’est Énée qui parle1.
Voilà en peu de vers tout le sujet de cette tragédie. Voilà le lieu de la scène3, l’action qui s’y passe, les quatre principaux acteurs4, et même leurs caractères5, excepté celui d’Hermione dont la jalousie et les emportements sont assez marqués dans l’Andromaque d’Euripide6.
Mais véritablement mes personnages sont si fameux dans l’Antiquité, que, pour peu qu’on la connaisse7, on verra fort bien que je les ai rendus tels que les anciens poètes nous les ont donnés8. Aussi n’ai-je pas pensé qu’il me fût permis de rien changer à leurs mœurs9. Toute la liberté que j’ai prise, ç’a été d’adoucir un peu la férocité de Pyrrhus, que Sénèque, dans sa Troade, et Virgile, dans le second10 de l’Énéide, ont poussée beaucoup plus loin que je n’ai cru le devoir faire11.
Encore s’est-il trouvé des gens qui se sont plaints qu’il s’emportât contre Andromaque, et qu’il voulût épouser une captive à quelque prix que ce fût12. J’avoue qu’il n’est pas assez résigné à la volonté de sa maîtresse, et que Céladon13 a mieux connu que lui le parfait amour. Mais que faire ? Pyrrhus n’avait pas lu nos romans14. Il était violent de son natu[NP3]rel. Et tous les héros ne sont pas faits pour être des Céladons.
Quoi qu’il en soit, le public m’a été trop favorable pour m’embarrasser du chagrin particulier de deux ou trois personnes, qui voudraient qu’on réformât tous les héros de l’Antiquité pour en faire des héros parfaits15. Je trouve leur intention fort bonne, de vouloir qu’on ne mette sur la scène que des hommes impeccables. Mais je les prie de se souvenir que ce n’est point à moi de changer les règles du théâtre16. Horace nous recommande de dépeindre Achille farouche, inexorable, violent, tel qu’il était, et tel qu’on dépeint son fils17. Et Aristote, bien éloigné de nous demander des héros parfaits, veut au contraire que les personnages tragiques, c’est-à-dire ceux dont le malheur fait la catastrophe18 de la tragédie, ne soient ni tout à fait bons, ni tout à fait méchants. Il ne veut pas qu’ils soient extrêmement bons, parce que la punition d’un homme de bien exciterait plutôt l’indignation que la pitié du spectateur ; ni qu’ils soient méchants avec excès, parce qu’on n’a point pitié d’un scélérat. Il faut donc qu’ils aient une bonté médiocre, c’est-à-dire une vertu capable de faiblesse, et qu’ils tombent dans le malheur par quelque faute qui les fasse plaindre sans les faire détester19.