IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Tamerlan, ou La Mort de Bajazet, tragédie

Pradon, Nicolas

Éditeur scientifique : Rescia, Laura

Description

Auteur du paratextePradon, Nicolas

Auteur de la piècePradon, Nicolas

Titre de la pièceTamerlan, ou La Mort de Bajazet, tragédie

Titre du paratexteAu lecteur

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragédie

Date1676

LangueFrançais

ÉditionJean Ribou, 1676, in-12°. (Numérisation en cours)

Éditeur scientifiqueRescia, Laura

Nombre de pages

Adresse source

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Pradon-Tamerlan-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Pradon-Tamerlan-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Pradon-Tamerlan-Preface.odt

Mise à jour2012-12-04

Mots-clés

Mots-clés français

SourcesHistoriques ; imitation / plagiat ; Anciens / Modernes

SujetHistorique

Personnage(s)Modernisation des caractères

RéceptionSuccès auprès de la Cour ; critique injuste

Mots-clés italiens

FontiStoriche ; imitazione / plagio ; Antichi / Moderni

ArgomentoStorico

Personaggio(i)Modernizzazione dei caratteri

RicezioneSuccesso presso la Corte ; critica ingiusta

Mots-clés espagnols

FuentesHistóricas ; imitación / plagio ; Antiguos / Modernos

TemaHistórico

Personaje(s)Modernización de los caracteres

RecepciónÉxito en la Corte ; crítica injusta

Présentation

Présentation en français

Pradon consacre une portion importante du texte à répondre aux critiques qui lui ont été adressées, malgré le prétendu succès de sa deuxième tragédie. Les problèmes liés au plagiat sont évoqués, ainsi que le critère du respect de l’histoire, que Pradon affirme avoir observée, évoquant ses sources, pour avouer ensuite avoir fait de Tamerlan un parfait « honnête homme », admettant donc sa propension à la modernisation des caractères.

Texte

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AU LECTEUR

Je ne ferai point ici l’apologie de cette pièce : il suffit pour lui servir de sauvegarde contre la critique la plus envenimée, qu’elle ait eu l’honneur de plaire au plus grand Roi du monde, et à la plus galante et la plus spirituelle cour de l’Europe1. Après cela, je dois être plus que content, et me mettre fort peu en peine, lorsqu’elle a été universellement approuvée de tous les honnêtes gens, de la malice et du chagrin de quelques particuliers : ceux-ci ont fait tout leur possible, ou par eux, ou par leurs organes, pour la décrier et pour la perdre. À la vérité, je ne croyais pas être encore digne d’un si grand déchaînement, mais l’envie m’a trop fait d’honneur, et m’a traité en plus grand auteur que je ne suis. Si Thisbé n’avait pas été si loin2, peut-être qu’on eût laissé un libre cours à Tamerlan, et qu’on ne l’eût pas étouffé (comme on a fait) dans le plus fort de son succès. C’est le jugement que tous les gens désintéressés, et qui n’agissent point par les ressorts de la cabale3, ont fait de cette injustice, qui m’a été plus glorieuse dans le monde qu’un plus ample succès. Cependant, je ne doute pas qu’il n’y ait plusieurs fautes dans cet ouvrage : je ne prétends pas être infaillible ; et si nos maîtres du théâtre, qui y règnent avec tant d’empire et de justice, sont exposés eux-mêmes à des critiques qui leur ont donné tant d’émotion4, pourquoi un jeune auteur qui commence, et qui n’est encore qu’à sa seconde pièce, en serait-il plus exempt qu’eux ? Il serait seulement à souhaiter que ces messieurs tinssent le même langage qu’ils font tenir à leurs héros, qu’en faisant admirer leurs ouvrages, ils fissent admirer en même temps leur procédé, et que les sentiments de leur cœur fussent aussi généreux et aussi grands que ceux de leur esprit. Ils ne s’abaisseraient point à crier quand on leur imite une syllabe sur des choses qui ne sont point de beauté, qui n’ont aucun brillant particulier, et dont tout le monde aurait été contraint de se servir nécessairement, dans des incidents tirés des entrailles d’un sujet, comme des vingt-quatre lettres de l’alphabet, qui doivent être communes à tous ceux qui se mêlent d’écrire. D’ailleurs s’ils faisaient réflexion sur plusieurs de leurs pièces, ils verraient qu’ils sont eux-mêmes encore moins scrupuleux sur des imitations plus fortes, et on pourrait leur faire connaître qu’ils se souviennent aussi bien des modernes que des anciens, et qu’ils possèdent avec autant d’avantage les beautés de Tristan, de Mairet et de Rotrou que celles d’Homère, de Sophocle et d’Euripide5.

Au reste, je n’entrerai point dans le détail de cet ouvrage, je l’expose au public afin qu’il en juge lui-même, sans tâcher de le prévenir inutilement. J’ai fait un honnête homme de Tamerlan6, contre l’opinion de certaines gens, qui voulaient qu’il fût tout à fait brutal, et qu’il fît mourir jusques aux gardes. J’ai tâché d’apporter un tempérament à sa férocité naturelle, et d’y mêler un caractère de grandeur et de générosité, qui est fondé dans l’histoire, puisqu’il refusa l’empire des Grecs, et qu’il a été un des plus grands hommes du monde. Cela peut se voir dans Calchondile7, et surtout dans une traduction d’un auteur arabe, où la vie de Tamerlan et ses grandes actions sont écrites tout au long. J’ai intitulé la pièce Tamerlan ou La Mort de Bajazet puisque c’est la mort de Bajazet qui en fait la catastrophe. Je ne dirai rien de son caractère, l’histoire nous marque assez que ce prince fut intrépide, et méprisa Tamerlan et la vie, jusqu’au dernier soupir8. Voilà tout ce que j’avais à dire sur cette tragédie, peut-être vivra-t-elle autant sur le papier que certains ouvrages qui ne tirent leur succès que de la déclamation, dont les auteurs sont les maîtres, et qui ne réussit que pour eux. Je souhaite que si celui-ci m’a attiré leurs mauvaises intentions, je me rende encore plus digne à l’avenir de leur chagrin.

Le lecteur me fera assez de justice, pour ne me pas imputer quelques fautes qui se sont coulées dans l’impression, et que j’ai marquées à la fin de la pièce.