IdT – Les idées du théâtre


 

Préface en prose

Scipion l’Africain, tragédie

Pradon, Nicolas

Éditeur scientifique : Rescia, Laura

Description

Auteur du paratextePradon, Nicolas

Auteur de la piècePradon, Nicolas

Titre de la pièceScipion l’Africain, tragédie

Titre du paratextePréface

Genre du textePréface en prose

Genre de la pièceTragédie

Date1697

LangueFrançais

ÉditionParis, Thomas Guillain, 1697, in-12°

Éditeur scientifiqueRescia, Laura

Nombre de pages4

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5626255h.r

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Pradon-Scipion-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Pradon-Scipion-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Pradon-Scipion-Preface.odt

Mise à jour2015-03-09

Mots-clés

Mots-clés français

SujetAltération de l’Histoire ; vrai / vraisemblable

Personnage(s)Caractère amoureux ; conflit vertu / passion

RéceptionSuccès

AutreAristote ; Corneille ; Plutarque

Mots-clés italiens

ArgomentoAlterazione della Storia ; vero / verosimile

Personaggio(i)Carattere amoroso ; conflitto virtù / passione

RicezioneSuccesso

AltriAristotele ; Corneille ; Plutarco

Mots-clés espagnols

TemaAlteración de la Historia ; verdadero / verosímil

Personaje(s)Carácter enamorado ; conflicto virtud / pasión

RecepciónÉxito

OtrasAristóteles ; Corneille ; Plutarco

Présentation

Présentation en français

Dernière pièce de Pradon, la tragédie Scipion l’Africain fut représentée en février 1697, sans laisser de traces de sa réception dans les répertoires théâtraux dont nous disposons. Elle ne fut jamais reprise au siècle suivant. Pourtant, dans sa Préface, le dramaturge vante son succès auprès du public, et répond aux critiques qui lui furent adressées, en premier lieu celle d’avoir transformé son héros en amoureux, ce qu’il justifie en faisant appel au principe aristotélicien de la vraisemblance. De plus, il déclare explicitement sa dette envers Corneille et au principe du conflit intérieur entre vertu et passion, sans lequel l’action principale de sa pièce n’aurait pas eu assez de relief. En réalité, le caractère amoureux de son héros est repris de la tragi-comédie de Jean Desmarets de Saint-Sorlin Scipion (1639), où cette transformation était déjà évidente et exploitée au service de la galanterie du personnage. Pradon affirme ensuite avoir trouvé « dans l’Histoire » une apparente invraisemblance, à savoir le fait qu’Hannibal, rappelé à Carthage par le Sénat pour défendre sa patrie, se soit décidé à demander la paix alors qu’il avait à sa disposition une puissante armée. Pradon doit son cadre historique à la Vie de Scipion de Donato Acciajuoli, écrite en 1470, traduite en français et assimilée aux Vies parallèles de Plutarque, traduites par Jacques Amyot au siècle suivant ; il s’inspire donc d’une source historique qu’il croit ancienne et véritable.

Texte

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Préface

[NP1] Si le succès d’un ouvrage doit le défendre contre la critique, et si la première et la plus infaillible règle du théâtre est celle de plaire, j’ose dire que, Scipion l’Africain ayant eu ce bonheur, je pourrais me dispenser de répondre aux critiques qu’on en a faites1. Cependant, sans me prévaloir des applaudissements que le public lui a donnés2, je vais tâcher en peu de mots d’en justifier la conduite. On me reproche d’avoir fait Scipion amoureux3 ; mais je soutiens que, le mettant sur la scène, j’ai dû lui donner ce caractère, qui relève son [NP2] action principale, qui est de vaincre sa passion, et de rendre sa maîtresse à son rival4. Aristote nous apprend qu’on peut ajouter quelque chose de vraisemblable au vrai5 ; et il est vraisemblable que Scipion à l’âge de vingt-quatre ans, ayant pris la plus belle personne de l’univers, ait été sensible à sa beauté, et qu’il ait rendu quelques combats, avant que de la rendre à Luceius, Prince des Celtibériens, à qui elle était promise6. D’ailleurs, si Scipion avait remis sa captive sans la voir, son action n’aurait pas été si belle que de la rendre après l’avoir vue, et après en avoir été vivement touché ; car, comme dit le grand Corneille,

Ce n’est qu’en ces assauts qu’éclate la vertu,
Et l’on doute d’un cœur qui n’a point combattu.7

[NP3] Il me semble même que Scipion aurait bien douté de sa vertu, et du pouvoir qu’il avait sur lui, de n’oser voir une très belle personne, de peur d’en être tenté. Comme l’Histoire ne nomme point cette belle captive, je la fais nièce d’Hannibal8, pour donner un plus grand contraste à l’amour de Scipion, qu’il combat et dont enfin il triomphe, et je puis dire que cette action a plu trop généralement dans le cinquième acte pour me repentir de l’avoir faite. Il [y] a des gens qui s’étonnent qu’Hannibal vienne demander la paix avec une assez grosse armée ; mais il n’est pas permis d’ignorer un [f]ait historique aussi connu que celui-[l]à. Il est constant qu’Hannibal fut rappelé par le Sénat de Carthage pour [NP4] défendre sa patrie9, qu’il quitta l’Italie, qu’il revint en Afrique, et qu’il y trouva les affaires en un si mauvais état, qu’il n’eut point d’autre parti à prendre pour sauver Carthage que celui de demander la paix10. Mais il la demande d’une manière assez noble, et cette scène a toujours paru très belle, et très bien conduite. Je ne doute point qu’il n’y ait bien des choses qui auraient pu être mieux dans cette pièce, mais je ne suis pas infaillible, et je ne donne point ceci pour un ouvrage achevé. Il suffit qu’il ait réussi pour en devoir être content, et pour m’encourager à travailler à l’avenir avec encore plus de soin et plus d’exactitude.