IdT – Les idées du théâtre


 

Prologue

Les Trahisons d’Arbiran

Le Métel d’Ouville, Antoine

Éditeur scientifique : Teulade, Anne

Description

Auteur du paratexteLe Métel d’Ouville, Antoine

Auteur de la pièceLe Métel d’Ouville, Antoine

Titre de la pièceLes Trahisons d’Arbiran

Titre du paratextePrologue

Genre du textePrologue

Genre de la pièceTragi-comédie

Date1638

LangueFrançais

ÉditionParis, Augustin Courbé, 1638, in-4°

Éditeur scientifiqueTeulade, Anne

Nombre de pages4

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6272681r

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Ouville-Arbiran-Prologue.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Ouville-Arbiran-Prologue.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Ouville-Arbiran-Prologue.odt

Mise à jour2015-04-17

Mots-clés

Mots-clés français

GenreTragi-comédie

DramaturgieNon-respect des règles ; récit / représentation

LieuAbsence d’unité

TempsDe l’action ; absence d’unité

ActionReprésentée ; absence d’unité

Personnage(s)Féminin ; bienséance ; ethos

FinalitéMorale ; plaisir

ExpressionVers

Mots-clés italiens

GenereTragi-commedia

DrammaturgiaNon rispetto delle regole ; racconto / rappresentazione

LuogoAssenza di unità

TempoDell’azione ; assenza di unità

AzioneReappresentata ; assenza di unità

Personaggio(i)Femminile ; decoro ; ethos

FinalitàMorale ; diletto

EspressioneVerso

Mots-clés espagnols

GéneroTragicomedia

DramaturgiaNo respeto de las reglas ; relato / representación

LugarAusencia de unidad

TiempoDe la acción ; ausencia de unidad

AcciónRepresentada ; ausencia de unidad

Personaje(s)Femenino ; decoro ; ethos

FinalidadMoral ; placer

ExpresiónVerso

Présentation

Présentation en français

Le prologue des Trahisons d’Arbiran adopte une forme tout à fait originale, entre argument, prologue antique incarné sur scène et discours préfaciel à visée théorique. Il est difficile de savoir s’il était destiné à la mise en scène ou seulement présent dans le texte imprimé, au profit du lecteur. Son emplacement, avant le poème liminaire de Rotrou et la liste des personnages, invite à le considérer comme un élément introductif du livre imprimé, mais les marques d’oralité, les déictiques et la mention finale de l’arrivée des personnages permettent de penser que ce prologue était mis en scène. La représentation renverrait à la pratique antique du prologue, énoncé par un acteur seul en scène et adressé directement au spectateur. Cet effet de théâtralisation du texte prologal est original dans la mesure où il régit un texte qui n’est pas constitué du seul argument de l’histoire. À la différence des prologues de pièces antiques, celui-ci livre en effet des propos sur la composition, le respect des règles et la réception du texte, comme dans les préfaces françaises contemporaines où se joue une part importante de la réflexion et des polémiques sur le théâtre.

Sans jamais mentionner la tragi-comédie, le prologue de d’Ouville témoigne d’une conscience aiguë des enjeux théoriques attachés à ce genre, et s’inscrit pleinement dans le sillage de ses prédécesseurs et des débats contemporains. D’Ouville remobilise les arguments des défendeurs de l’irrégularité, sans proposer, d’ailleurs, d’innovation théorique remarquable. Sa pièce est pourtant relativement originale, comme il le souligne lui-même. Cette singularité est sans doute liée à l’inspiration espagnole, que d’Ouville est l’un des premiers, avec Rotrou, à utiliser pour son théâtre. Toutefois, les sources espagnoles de la pièce, Les embustes de Celauro (Les Fourbes Mensonges de Celauro) et La inocente Laura (L’Innocente Laura) de Lope de Vega, sont soigneusement tues – comme souvent dans les pièces de l’époque inspirées par la comedia, si l’on excepte celles de Corneille. Relativement prolixe, ce prologue passe sous silence un hypotexte pourtant bien réel, si bien que la pièce a longtemps été considérée comme une pure invention du dramaturge.

Texte

Afficher les occurrences dans les notes

Prologue

[NP1] Arbiran prince de Melphes1, un des plus grands seigneurs du royaume de Naples, pour les méchancetés qu’il a commises, qui ne sont que trop connues du roi, est banni de sa cour et relégué à Salerne2, ville distante de Naples de dix lieues, chez Rodolphe prince du lieu, avec défense de revenir à Naples, que3 par ordre exprès de sa Majesté. Le roi écrit au prince de Salerne, le priant de recevoir Arbiran chez lui : Rodolphe lui fait tout le bon traitement qu’il pouvait souhaiter. Cependant4 Arbiran devient passionnément amoureux de Léonide princesse de Salerne, femme de Rodolphe son hôte, de laquelle il est rebuté. Voilà ce qui s’est passé par ci-devant5 ; ce qui arrivera par après6, vous le verrez maintenant. Les intrigues sont en quantité et assez bien démêlées7 ; mais ce qu’il y a de remarquable en cette pièce, c’est qu’elle est d’une invention8 toute nouvelle : car il n’y a ni mort, ni mariage, ni recouvrement9 d’enfants ou de parents perdus, qui sont les sujets de toutes les pièces que l’on a traitées jus[NP2]ques à aujourd’hui10. Toutes les femmes sont mariées, et toutes sont chastes, et vertueuses, et toutes11 les intrigues ne sont que par les trahisons de cet Arbiran, qui machine des méchancetés inouïes pour arriver à la possession de ses amours. Mais je suis venu ici pour vous faire le prologue, et je vous ai déjà dit une partie de l’argument12, et ai oublié les choses qu’on m’avait chargé de vous dire : qui est13 que vous vous souveniez que cette scène ici est la ville de Salerne, qui se changera pourtant tantôt14 en celle de Naples. Et quoique l’auteur sache fort bien toutes les règles du poème dramatique, il ne s’est point voulu assujettir à la rigoureuse loi de l’Antiquité, qui était de restreindre le sujet d’une pièce dans l’espace15 de vingt-quatre heures16, parce qu’il est presque impossible17 que quantité d’incidents, comme sont ceux que vous allez voir représenter en cette pièce, se soient faits en si peu de temps, que18 si l’on veut faire passer plusieurs intrigues en ce peu d’espace, il faut nécessairement faire de grandes narrations qui bien souvent sont importunes19, quoiqu’elles soient bien déduites20. Ici vous n’en trouverez aucune, tout le sujet de la pièce paraît21 sur la scène. Vous n’y remarquerez point de vers fort relevés, le sujet ne le permettant pas, qui est trop long pour avoir été réduit en cinq actes ; c’est tout ce que l’auteur a pu faire de raconter22 le sujet, et de bien démêler les intrigues sur la fin. Mais quoique les vers ne soient [NP3] pas bien forts, vous les trouverez assez bien raisonnés, et le sujet fort divertissant23. L’auteur ne s’est non plus soucié d’observer l’unité de lieu, ce qu’il trouve pourtant fort à propos de faire, quand le sujet s’y rencontre24, mais il n’approuve pas de se gêner beaucoup pour cela, principalement quand la distance n’est pas de considération25, car il ne trouverait pas bon de faire une scène en France, et une autre en Italie. Ici la scène est au commencement à Salerne, et sur la fin à Naples, ville du même royaume, où l’on peut aller en trois heures. Il en fait26 une autre entre les deux, de sorte qu’elles ne sont distantes au plus que de cinq petites lieues l’une de l’autre27. Il avoue pourtant qu’il vaudrait beaucoup mieux que tout se passât en un lieu, mais il ne l’a pu faire sans la28 rendre trop embrouillée, et retrancher les plus beaux incidents. On a trouvé quelque chose à redire dans l’invention ; c’est que faisant29 les femmes chastes, et vertueuses, Léonide entreprend la ruine de son mari par de fausses accusations. Mais avant que de30 la condamner, je supplie les honnêtes femmes de ne donner point leur jugement là-dessus qu’elles31 n’aient auparavant éprouvé le ressentiment d’une extrême jalousie et les effets qu’elle est capable de produire, vu principalement que c’est pour sauver sa vie que son mari lui veut ôter (au moins à ce qu’elle croit) pour mettre sa rivale en sa place. Je m’assure32 que celles qui sont susceptibles33 d’une seule de ces passions m’avoueront qu’el[NP4]le en a fait encore trop peu. Si quelques-unes (dont le nombre assurément sera fort petit), dupées par une certaine bonté (qui tiendra plutôt de la sottise que d’autre chose), la blâment, elle sera excusée par une infinité d’autres qui ne vaudront pas moins34. Chacun en fasse tel jugement qu’il lui plaira ; si l’on n’y trouve que cela à redire, l’auteur doit être extrêmement satisfait, et ne perdra point pour cela le courage35 d’achever une autre pièce sur laquelle36 il travaille, qui sans doute sera beaucoup moins mauvaise que celle-ci. Mais je vois Arbiran et Léonide qui sortent, donnez-nous, s’il vous plaît, un agréable silence, et vous entendrez quelque chose qui, comme je crois, ne vous déplaira point.