IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Le Thyeste

Monléon

Éditeur scientifique : Mercier, Lynda

Description

Auteur du paratexteMonléon

Auteur de la pièceMonléon

Titre de la pièceLe Thyeste

Titre du paratexteAu Lecteur

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragédie

Date1638

LangueFrançais

ÉditionParis, Pierre Guillemot, 1638, in-4°.

Éditeur scientifiqueMercier, Lynda

Nombre de pages2

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71384b/f2

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Monleon-Thyeste-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Monleon-Thyeste-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Monleon-Thyeste-Preface.odt

Mise à jour2015-05-24

Mots-clés

Mots-clés français

GenreTragédie

SourcesSénèque

SujetHorreur ; peu de matière ; habillage à la française ; disposition moderne

DramaturgieRespect des règles

AutreAnciens (respect / affranchissement)

Mots-clés italiens

GenereTragedia

FontiSeneca

ArgomentoOrrore ; poca materia ; adattata al gusto francese ; disposizione moderna

DrammaturgiaRispetto delle regole

AltriAntichi (rispetto / trasgressione)

Mots-clés espagnols

GéneroTragedia

FuentesSéneca

TemaHorror ; poca materia ; tragedia a la francesa ; disposición moderna

DramaturgiaRespeto de las reglas

OtrasAntiguos (respeto / ruptura)

Présentation

Présentation en français

Monléon avait fait le choix, pour son unique tragédie, d’un sujet réputé inadaptable, celui de Thyeste et Atrée. Dans le paratexte de l’ouvrage, il se positionne cependant en tant que dramaturge moderne. En effet, après avoir cité sa source sénéquienne qu’il qualifie de « trop nue » pour le public de son temps, il affirme la nécessité de la modifier de deux manières. D’une part, pour pallier la disparition des chœurs, il développe les « matériaux » présents dans l’œuvre latine ; d’autre part, il l’« habill[e] à la française » afin de rendre supportable le sujet. En outre, il revendique la paternité de la disposition de sa tragédie et les ajouts à la trame antique, et ce dans le but de plaire à son public. Enfin, il soutient qu’il a respecté les règles, nécessaires selon lui à la réussite d’un poème tragique, et qui se mettent progressivement en place dans les années 1630.

Texte

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Au Lecteur

[NP1] Si je t’avais donné cette tragédie de la façon que Carcinome, ou Sénèque1 l’ont traitée, peut-être, lecteur, y aurais-tu trouvé plus d’agréments, et peut-être aussi l’aurais-tu estimée trop nue pour le théâtre d’aujourd’hui2. Les Grecs et les Latins ont fait à la grecque, et à la romaine, ce que je fais à la française, et comme les esprits de ce temps embrassent davantage3, il a fallu aussi de quoi davantage les contenter : j’ai tâché à le faire, non pas sans beaucoup de peine et de sueur, par l’entreprise d’un ouvrage où plusieurs se sont lassés4; et le peu de matière, et l’horreur du sujet ayant arrêté leur plume, m’ont fait prendre la mienne à dessein de rendre supportable aux yeux, et aux cœurs des moins cruels de la Nature, ce que la Nature même abhorre, et ce qu’on n’aurait jamais pu croire s’il n’était arrivé dans la race de Tantale.

On m’a voulu persuader que cet effort avait favorablement réussi5 : mais quand je considère mes forces, et le grand personnage6 qu’il m’a fallu soutenir, soit dans la disposition de l’histoire, dans les pensées, ou dans les raisonnements, une frayeur me saisit ; je rends les armes premier que de7 combattre ; et si l’on tient pour fabuleux ce qu’Homère assure de ces dieux qui combattaient pour [NP2] les hommes8, je n’ai pas de quoi soutenir leur opinion, et ma vanité ne m’aveugle pas jusques au point de les croire.

Quoi qu’il en soit, lecteur, et quelque jugement que tu en fasses, apprends que la disposition du sujet est absolument mienne, et que j’ai élevé sur le fondement de l’histoire et de l’Antiquité un ouvrage à la moderne. Les enrichissements que j’ai rencontrés parmi leurs matériaux en font l’embellissement9 ; et bien que je me sois rendu plus prodigue qu’eux à m’étendre, pour contenter les esprits de ce siècle, je n’ai pas toutefois voulu sortir de leurs étroites règles qui me semblent si judicieuses10, et si parfaites ; que sans elles, (quoiqu’au jugement de plusieurs, il s’en rencontre tous les jours) j’ai de la peine à croire qu’aucun poème puisse être agréable11. Regarde donc si j’aurai péché contre mon dessein ; montre-moi charitablement mes défauts, alors tu reconnaîtras par mes actions, de grâce, et de combien je te serai obligé, et combien me sera douce cette correction. Je laisse dans leurs faiblesses, et leurs bigearreries12 ceux qui s’estiment parfaits, leurs cerveaux ont besoin d’hellébore13, et tels esprits sont plus dignes de blâme que de louange : quand on présume moins de soi, on mérite davantage, et par la seule humilité nous nous élevons au trône de la gloire.

Parle donc hardiment, je suis exempt de cette erreur, et de ce crime, et pour t’en assurer, je sais que je suis homme.