Préface
Sganarelle, ou le Cocu imaginaire
Donneau de Visé
Éditeur scientifique : Forestier, Georges et Fournial, Céline
Description
Auteur du paratexteDonneau de Visé
Auteur de la pièceMolière
Titre de la pièceSganarelle, ou le Cocu imaginaire
Titre du paratexteÀ un ami
Genre du textePréface
Genre de la pièceComédie
Date1660
LangueFrançais
ÉditionParis, Guillaume de Luyne, 1662, in-12°.
Éditeur scientifiqueForestier, Georges et Fournial, Céline
Nombre de pages6
Adresse source
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Moliere-Sganarelle-Preface2.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Moliere-Sganarelle-Preface2.html
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Mise à jour2014-01-29
Mots-clés
Mots-clés français
SujetGalant et spirituel
Personnage(s)Sganarelle ; sentiments naturels
ReprésentationAgréments propres à la représentation
RéceptionSuccès ; représentation / lecture
Relations professionnellesMolière / Donneau de Visé
AutreÉloge de Molière et du Cocu imaginaire ; comparaison avec Les Précieuses ridicules et Le Dépit amoureux ; esthétique galante
Mots-clés italiens
ArgomentoGalante e spiritoso
Personaggio(i)Sganarello ; sentimenti naturali
RappresentazioneAggradimenti propri della rappresentazione
RicezioneSuccesso ; rappresentazione / lettura
Rapporti professionaliMolière / Donneau de Visé
AltriLode di Molière e del Cornuto immaginario ; paragone con Le preziose ridicole e Il dispetto amoroso ; estetica galante
Mots-clés espagnols
TemaGalante y agudo
Personaje(s)Sganarelle ; sentimientos naturales
RepresentaciónEncantos propios de la representación
RecepciónÉxito ; representación / lectura
Relaciones profesionalesMolière / Donneau de Visé
OtrasElogio de Molière y del Cornudo imaginario ; comparación con Las preciosas ridículas y El despecho amoroso ; estética galante
Présentation
Présentation en français
Texte
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À un ami2
Monsieur,
{NP1} Vous ne vous êtes pas trompé dans votre pensée, lorsque vous avez dit (avant que l’on le jouât) que si Le Cocu imaginaire était traité par un habile homme, ce devait être une parfaitement belle pièce. C’est pourquoi je crois qu’il ne me sera pas difficile de vous faire tomber d’accord de la beauté de cette comédie, même avant que de l’avoir vue, quand je vous aurai dit qu’elle part de la plume de l’ingénieux auteur des Précieuses ridicules. Jugez après cela si ce ne doit pas être un ouvrage tout à fait galant3 et tout à fait spirituel, puisque ce sont deux choses que son auteur possède avantageusement. Elles y brillent aussi {NP2} avec tant d’éclat que cette pièce surpasse de beaucoup toutes celles qu’il a faites4, quoique le sujet de ces [sic] Précieuses ridicules soit tout à fait spirituel et celui de son Dépit amoureux tout à fait galant. Mais vous en allez vous-même être juge dès que vous l’aurez lue, et je suis assuré que vous y trouverez quantité de vers qui ne se peuvent payer5, que plus vous relirez plus vous connaîtrez avoir été profondément pensés. En effet le sens en est si mystérieux qu’ils ne peuvent partir que d’un homme consommé dans6 les compagnies, et j’ose même avancer que Sganarelle n’a aucun mouvement jaloux, ni ne pousse aucuns7 sentiments, que l’auteur n’ait peut-être ouïs lui-même de quantité de gens au plus fort de leur jalousie, tant ils sont exprimés naturellement ; si bien que l’on peut dire que quand il veut mettre quelque chose au jour, il le lit premièrement dans le monde (s’il est permis de parler ainsi), ce qui ne se peut {NP3} faire sans avoir un discernement aussi bon que lui, et aussi propre à choisir ce qui plaît. On ne doit donc pas s’étonner après cela si ses pièces ont une si extraordinaire réussite, puisque l’on n’y voit rien de forcé, que tout y est naturel8, que tout y tombe sous le sens, et qu’enfin les plus spirituels confessent que les passions produiraient en eux les mêmes effets qu’[elles] produisent en ceux qu’il introduit sur la scène.
Je n’aurais jamais fait9, si je prétendais vous dire tout ce qui rend recommandable l’auteur des Précieuses ridicules et du Cocu imaginaire. C’est ce qui fait que je ne vous en entretiendrai pas davantage, pour vous dire que quelques beautés que cette pièce vous fasse voir sur le papier, elle n’a pas encore tous les agréments que le théâtre donne d’ordinaire à ces sortes d’ouvrages. Je tâcherai toutefois de vous en faire voir quelque chose aux endroits où il sera nécessaire pour l’intelligence10 des {NP4} vers et du sujet11, quoiqu’il soit assez difficile de bien exprimer sur le papier ce que les poètes appellent jeux de théâtre, qui sont de certains endroits où il faut que le corps et le visage jouent beaucoup12, et qui dépendent plus du comédien que du poète, consistant presque toujours dans l’action13. C’est pourquoi je vous conseille de venir à Paris pour voir représenter Le Cocu imaginaire par son auteur, et vous verrez qu’il y fait des choses qui ne vous donneront pas moins d’admiration, que vous en aura donné la lecture de cette pièce ; mais je ne m’aperçois pas que je vous viens de promettre de ne vous plus entretenir de l’esprit de cet auteur, puisque vous en découvrirez plus dans les vers que vous allez lire que dans tous les discours que je vous en pourrais faire. Je sais bien que je vous ennuie et je m’imagine vous voir passer les yeux avec chagrin par-dessus cette longue épître ; mais prenez-vous-en à l’auteur... {NP5} Foin, je voudrais bien éviter ce mot d’auteur, car je crois qu’il se rencontre presque dans chaque ligne, et j’ai déjà été tenté plus de six fois de mettre Monsieur de Molier en sa place. Prenez-vous-en donc à Monsieur de Molier puisque le voilà. Non, laissez-le là toutefois, et ne vous en prenez qu’à son esprit qui m’a fait faire une lettre plus longue que je n’aurais voulu, sans toutefois avoir parlé d’autres personnes que de lui, et sans avoir dit le quart de ce que j’avais à dire à son avantage. Mais je finis, de peur que cette épître n’attire quelque maudisson14 sur elle, et je gage que dans l’impatience où vous êtes, vous serez bien aise d’en voir la fin et le commencement de cette pièce.
[…]15
{p. 59} Sans mentir, Monsieur, vous me devez être bien obligé de tant de belles choses que je vous envoie, et tous les melons de votre jardin ne sont pas suffisants pour me payer de la peine d’avoir retenu pour l’amour de vous toute cette pièce par cœur ; mais j’oubliais de vous dire une chose à l’avantage de son auteur, qui est que comme je n’ai eu cette pièce que je vous envoie que par effort de mémoire16, il peut s’y être coulé quantité de mots les uns pour les autres, bien qu’ils signifient la même chose ; et comme ceux de l’auteur peuvent être plus significatifs, je vous prie de m’imputer toutes les fautes de cette nature que vous y trouverez ; et je vous conjure avec tous les curieux de France de venir voir représenter cette pièce comme un des plus beaux ouvrages, et un des mieux joués qui ait jamais paru sur la scène.