IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Les Précieuses ridicules. Comédie. Représentée au Petit Bourbon

Molière

Éditeur scientifique : Forestier, Georges, et Fournial, Céline

Description

Auteur du paratexteMolière

Auteur de la pièceMolière

Titre de la pièceLes Précieuses ridicules. Comédie. Représentée au Petit Bourbon

Titre du paratextePréface

Genre du textePréface

Genre de la pièceComédie

Date1660

LangueFrançais

ÉditionParis : G. de Luyne, 1660, in-12

Éditeur scientifiqueForestier, Georges, et Fournial, Céline

Nombre de pages5

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70151k

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Moliere-Precieuses-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Moliere-Precieuses-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Moliere-Precieuses-Preface.odt

Mise à jour2013-12-16

Mots-clés

Mots-clés français

GenreComédie

SujetMœurs ridicules ; mauvaises imitations

Personnage(s)Caricatures ; ridicules ; les précieuses ; le Docteur ; le Capitan ; Trivelin

ReprésentationJeu des comédiens ; ornements propres à la représentation

RéceptionSuccès ; histoire éditoriale ; représentation / texte imprimé

MetadiscoursÉpître dédicatoire adressée aux grands ; préface théorique ; poèmes liminaires

Relations professionnellesTentative de Ribou de publier une édition subreptice ; relations de Luyne / Molière ; publication contrainte ; impression du texte à la hâte

Mots-clés italiens

GenereCommedia

ArgomentoCostumi ridicoli ; cattive imitazioni ridicules

Personaggio(i)Caricature ; ridicoli ; le preziose ; il Dottore ; il Capitano ; Trivellino

RappresentazioneGioco dei comici ; ornamenti propri della rappresentazione

RicezioneSuccesso ; storia editoriale ; rappresentazione / testo stampato

MetadiscorsoEpistola dedicatoria indirizzata ai Grandi ; prefazione teorica ; poemi liminari

Rapporti professionaliRibou tenta di pubblicare nascostamente una edizione ; relazioni de Luyne / Molière ; pubblicazione costretta ; stampa frettolosa del testo

Mots-clés espagnols

GéneroComedia

TemaCostumbres ridículas ; malas imitaciones

Personaje(s)Caricaturas ; ridículos ; las preciosas ; el Doctor ; el Capitán ; Trivelin

RepresentaciónActuación de los actores ; adornos propios de la repesentación

RecepciónÉxito ; historia editoral : representación / texto impreso

MetadiscursoEpístola dedicatoria dirigida a los Grandes ; prefacio teórico ; poemas liminares

Relaciones profesionalesRibou intenta publicar una edición pirata ; relaciones entre Luyne y Molière ; publicación forzosa ; impresión del texto con prisas

Présentation

Présentation en français

En février 1660, Molière est publié pour la première fois ; ses Précieuses ridicules, pourtant encore à l’affiche, paraissent chez trois libraires parisiens de la galerie du Palais. Jamais une comédie en un acte et en prose n’avait été éditée, mais jamais une comédie de ce type n’avait eu un tel succès. Dans une préface ironique et désinvolte, Molière cherche à se distinguer des auteurs de profession et revient sur les circonstances de la publication de sa pièce. Sans fausse modestie, il s’indigne du procédé d’un libraire peu scrupuleux, Jean Ribou, qui l’oblige à publier sa pièce malgré lui, tout autant qu’il s’amuse de son accession inattendue à la dignité d’auteur. Alors qu’il aurait pu profiter du succès de L’Étourdi et du Dépit amoureux, deux grandes comédies en cinq actes et en vers, Molière n’avait encore publié aucune pièce et, de fait, il n’avait probablement pas envie d’entrer dans la carrière d’auteur avec une pochade. Après avoir rappelé le succès de sa pièce auprès du public parisien, il explique que Les Précieuses ridicules sont avant tout un spectacle dont la version imprimée ne peut restituer les agréments. Conformément aux valeurs galantes de son public mondain, le dramaturge raille les pratiques pédantes des auteurs et feint de regretter que l’impression hâtive de sa pièce l’ait empêché de se plier à leurs usages. La préface s’achève par une déclaration ambiguë : Molière affirme d’abord qu’il s’inscrit dans la tradition comique de la satire des mœurs ridicules avant de se placer dans la lignée de la comédie italienne, dont l’esthétique comique offre une représentation caricaturale et bouffonne des différents types sociaux.

Texte

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Préface

[NP1] C’est une chose étrange1 qu’on imprime les gens malgré eux. Je ne vois rien de si injuste, et je pardonnerais toute autre violence, plutôt que celle-là.

Ce n’est pas que je veuille faire ici l’auteur modeste, et mépriser par honneur2 ma comédie. J’offenserais mal à propos tout Paris, si je l’accusais d’avoir pu applaudir à une sottise3. Comme le public est le juge absolu de ces sortes d’ouvrages4, il y aurait de l’impertinence5 à moi de le démentir, et quand j’aurais eu la plus mauvaise opinion du monde de mes Précieuses ridicules avant leur représentation, je dois croire maintenant qu’elles valent quelque chose, [NP2] puisque tant de gens ensemble en ont dit du bien : mais comme une grande partie des grâces qu’on y a trouvées dépendent de l’action6 et du ton de voix, il m’importait qu’on ne les dépouillât pas de ces ornements, et je trouvais que le succès qu’elles avaient eu, dans la représentation, était assez beau pour en demeurer là. J’avais résolu, dis-je, de ne les faire voir qu’à la chandelle, pour ne point donner lieu à quelqu’un de dire le proverbe7 ; et je ne voulais pas qu’elles sautassent du Théâtre de Bourbon8 dans la galerie du Palais9. Cependant je n’ai pu l’éviter, et je suis tombé dans la disgrâce de voir une copie dérobée de ma pièce entre les mains des libraires, accompagnée d’un privilège obtenu par surprise10. J’ai eu beau crier, ô temps ! ô mœurs !11 on m’a fait voir une nécessité pour moi [NP3] d’être imprimé ou d’avoir un procès, et le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser aller à la destinée et consentir à une chose qu’on ne laisserait12 pas de faire sans moi13.

Mon Dieu, l’étrange embarras14 qu’un livre à mettre au jour ! Et qu’un auteur est neuf, la première fois qu’on l’imprime ! Encore si l’on m’avait donné du temps, j’aurais pu mieux songer à moi, et j’aurais pris toutes les précautions que Messieurs les auteurs, à présent mes confrères, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre quelque grand seigneur, que j’aurais été prendre malgré lui pour protecteur de mon ouvrage, et dont j’aurais tenté la libéralité par une épître dédicatoire bien fleurie, j’aurais tâché de faire une belle et docte préface, et je ne man[NP4]que point de livres qui m’auraient fourni tout ce qu’on peut dire de savant sur la tragédie et la comédie : l’étymologie de toutes deux, leur origine, leur définition, et le reste. J’aurais parlé aussi à mes amis qui, pour la recommandation de ma pièce, ne m’auraient pas refusé ou des vers français, ou des vers latins. J’en ai même qui m’auraient loué en grec, et l’on n’ignore pas qu’une louange en grec est d’une merveilleuse efficace à la tête d’un livre15. Mais on me met au jour, sans me donner le loisir de me reconnaître16 ; et je ne puis même obtenir la liberté de dire deux mots, pour justifier mes intentions, sur le sujet de cette comédie. J’aurais voulu faire voir qu’elle se tient partout dans les bornes de la satire honnête17 et permise ; que les plus excellentes choses sont sujettes à être copiées par de mauvais singes, qui méritent [NP5] d’être bernés, que ces vicieuses imitations de ce qu’il y a de plus parfait ont été de tout temps la matière de la comédie18, et que par la même raison, les véritables savants et les vrais braves ne se sont point encore avisés de s’offenser du Docteur de la comédie, et du Capitan, non plus que les juges, les princes et les rois de voir Trivelin, ou quelque autre sur le théâtre, faire ridiculement le juge, le prince ou le roi19, aussi les véritables précieuses auraient tort de se piquer lorsqu’on joue les ridicules, qui les imitent mal. Mais enfin, comme j’ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et Monsieur de Luyne veut m’aller relier de ce pas20 : à la bonne heure, puisque Dieu l’a voulu.