IdT – Les idées du théâtre


 

Dédicace

Daire, Tragédie de feu Jacques de la Taille, du Pays de Beauce

La Taille, Jean de

Éditeur scientifique : Ternaux, Jean-Claude

Description

Auteur du paratexteLa Taille, Jean de

Auteur de la pièceLa Taille, Jacques de

Titre de la pièceDaire, Tragédie de feu Jacques de la Taille, du Pays de Beauce

Titre du paratexteÀ François d’Angennes chevalier, Seigneur de Monlouët, Jean de La Taille de Bondaroy

Genre du texteDédicace

Genre de la pièceTragédie

Date1573

LangueFrançais

ÉditionParis, Fédéric Morel, 1573, in-8°    

Éditeur scientifiqueTernaux, Jean-Claude

Nombre de pages3

Adresse sourcehttp://www.e-corpus.org/notices/163412/gallery/2241465

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/LaTaille-Daire-Dedicace.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/LaTaille-Daire-Dedicace.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/LaTaille-Daire-Dedicace.odt

Mise à jour2014-09-29

Mots-clés

Mots-clés français

GenreTragédie

SujetMisère des grands

Personnage(s)Grand monarque

FinalitéInstruire les Grands

Expression« Gravité » ; « facilité » ; « promptitude »

ActualitéGuerres civiles

AutreConfrères (Ronsard, Du Bellay et Jodelle)

Mots-clés italiens

GenereTragedia

ArgomentoMiseria dei Grandi

Personaggio(i)Grande monarca

FinalitàIstruire i Grandi

Espressione« Gravità » ; « facilità » ; « rapidità »

AttualitàGuerre civili

AltriColleghi (Ronsard, Du Bellay e Jodelle)

Mots-clés espagnols

GéneroTragedia

TemaMiseria de los grandes

Personaje(s)Gran monarca

FinalidadInstruir a los grandes

Expresión« Gravedad » ; « facilidad » ; « prontitud »

ActualidadGuerras civiles

OtrasCompañeros (Ronsard, Du Bellay y Jodelle)

Présentation

Présentation en français

Adressant à François d’Angennes la pièce de son frère cadet Jacques, décédé onze ans plus tôt, Jean de La Taille s’acquitte d’abord des compliments d’usage envers son dédicataire, dont il demande le patronage. Il fait ensuite l’éloge du défunt, qu’il compare à Ronsard pour sa « gravité » (allusion au genus gravis, ici de la tragédie), à Du Bellay pour sa « facilité » et au fondateur de la tragédie française, Jodelle, pour sa « promptitude », c’est-à-dire sa rapidité de composition (la représentation de la Cléopâtre captive de Jodelle, en 1553, marquant les débuts de la tragédie française à l’antique). L’intérêt de cette épître réside dans la brève analyse de la pièce à laquelle procède Jean de La Taille. On y trouve l’illustration du genre tragique qu’il définissait, l’année précédente, dans De l’Art de la tragédie, comme traitant des « piteuses ruines des grands Seigneurs ». Daire, de fait, montre un « grand monarque trahi et bouleversé du haut en bas de son empire, avec la perte de sa vie et des siens ». On reconnaît le renversement de fortune dont parle Aristote dans la Poétique. Le malheur du héros permet au spectateur de supporter le sien, ce qui confère à la tragédie sa vertu exemplaire. Comme dans De l’Art de la tragédie encore, Jean de La Taille évoque les guerres de religion qui déchirent le royaume. Dans son traité, il préconisait de « [s’]en déporter, » préférant « décrire le malheur d’autrui que le nôtre ». S’il les qualifie à nouveau de « folles guerres », il demande cette fois à son dédicataire de « supporter plus patiemment » les malheurs de son temps, en assimilant, par une métaphore filée, les guerres de religion qui déchirent la nation depuis une dizaine d’années à de « piteuses et sanglantes tragédies » dont la France serait la scène (l’échafaud).

Texte

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À François d’Angennes, chevalier de Monlouët1, Jean de La Taille de Bondaroy

{2r°} Ayant ouï le récit de vos vertus et su l’alliance que vous faites en vous des Armes et des Muses, et le bon vouloir qu’il vous plaît me porter (sans m’avoir jamais vu), persuadé, possible2, que j’aime ce que vous aimez et qu’en moi j’ai allié ces mêmes choses, ayant fait preuve des unes3, et profession des autres, j’ai pensé que je ne pourrais choisir un meilleur curateur à ce pauvre orphelin (dont le père fut né gentilhomme) qu’à un si savant et courtois chevalier que vous, encore que ne soyez {2v°} prince, duc, ni comte, aimant mieux l’adresser à un qui n’étant né prince mérite de l’être, qu’à tel qui l’étant ne mérite de l’être. C’est, Monsieur, la tragédie présente, que feu mon frère4 fit en l’âge de dix-neuf ans, et qui5 le vingtième de ses ans mourut à Paris de peste, avec un autre mien frère et un cousin germain, presque tous trois en un jour6. Et si le souverain moteur de l’univers lui eût prêté autant de vie et d’heur7 que de savoir, il eût bientôt en la carrière des Muses jeté la poussière et le soleil en la vue (ainsi que vous-même pourrez juger par ses vers) de nos poètes français, voire des plus excellents, et non seulement de ceux qui si dépiteusement8 déchirent et tirent au poil notre pauvre poésie et n’y entendent rien, m’assurant, Monsieur, si vous l’eussiez connu autant par hantise9, comme vous pourrez faire par le peu de ses écrits abortifs10, que vous eussiez jugé qu’il avait déjà en soi la gravité de Ronsard, la facilité de Du Bellay et la promptitude de Jodelle11. Il vous plaira donc en l’honneur de Noblesse être le protecteur de ce Daire où je m’assure que, {3r°} voyant un si grand monarque trahi et bouleversé12 du haut en bas de son empire, avec la perte de sa vie et des siens, vous en pourrez au moins recueillir ce fruit d’apprendre à supporter plus patiemment, par le malheur d’un plus grand, toutes nos adversités, ensemble13 toutes les piteuses14 et sanglantes tragédies qu’on a depuis dix ou douze ans jouées sur l’échafaud15 de France, et durant le commun malheur de nos folles guerres civiles où les uns et les autres avons porté les armes malheureuses, teintes en notre propre sang16.

Adieu, Monsieur, lequel je supplie vous donner plus d’heur17, que n’eut celui dont est faite cette tragédie que je vous envoie de Bondaroy18 pour vos étrennes, ce premier jour de l’an 1573. Attendant que je mette en lumière et vous fasse voir ma Géomance et mes autres poèmes19.