IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Thésée

La Fosse, Antoine de

Éditeur scientifique : Barbafieri, Carine

Description

Auteur du paratexteLa Fosse, Antoine de

Auteur de la pièceLa Fosse, Antoine de

Titre de la pièceThésée

Titre du paratextePréface

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragédie

Date1700

LangueFrançais

ÉditionParis : Pierre Ribou, 1700, in-12°. (Numérisation en cours)

Éditeur scientifiqueBarbafieri, Carine

Nombre de pages3

Adresse source

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/LaFosse-Thesee-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/LaFosse-Thesee-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/LaFosse-Thesee-Preface.odt

Mise à jour2014-01-16

Mots-clés

Mots-clés français

GenreTragédie à fin heureuse / tragédie à dénouement funeste

SourcesPlutarque

SujetHistorique ; Histoire / Invention

ActionDénouement (heureux / funeste)

Personnage(s)Adoucissement du caractère

FinalitéPathétique ; larmes de joie

Relations professionnellesDacier

AutreAristote ; comparaison avec Corneille (Le Cid) et Racine (Iphigénie)

Mots-clés italiens

GenereTragedia di lieto fine / tragedia di fine funesto

FontiPlutarco

ArgomentoStorico ; Storia / invenzione

AzioneConclusione ( lieta / funesta)

Personaggio(i)Addolcimento del carattere

FinalitàPatetico ; lagrime di gioia

Rapporti professionaliDacier

AltriAristotele ; paragone con Corneille (Il Cid ) e Racine (Ifigenia)

Mots-clés espagnols

GéneroTragedia con final feliz / tragedia con desenlace funesto

FuentesPlutarco

TemaHistórico ; Historia / invención

AcciónDesenlace (feliz / funesto)

Personaje(s)Carácter suavizado

FinalidadPatética ; lágrimas de alegría

Relaciones profesionalesDacier

OtrasAristóteles ; comparación con Corneille (El Cid) y Racine (Ifigenia)

Présentation

Présentation en français

La Fosse, dans la préface de sa troisième tragédie, célèbre la tragédie à fin heureuse comme étant aussi pitoyable que celle à dénouement funeste. Le type de tragédies où l’on connaît, où l’on entreprend de tuer mais où l’on ne tue pas, qui déplaisait à Aristote comme peu tragique mais avait la préférence de Corneille1, provoque, au dénouement, des larmes de joie qui, selon la Fosse, valent les larmes de tristesse. Le dramaturge justifie ensuite « l’adoucissement » du caractère de Médée par trois raisons : la nécessité où elle se trouve, à Athènes, de se montrer conciliante envers le peuple qui l’a accueillie ; l’usage de la ruse qui lui suffit pour perdre Thésée ; l’Histoire qui ne rapporte pas que Médée ait fait usage de ses filtres lorsqu’elle était auprès d’Égée. Médée ne saurait donc être peinte en cruelle magicienne à Athènes, mais plutôt en femme usant de « sang-froid » et de « prudence », sans rien de féroce.

Les questions de la production de la pitié (La Fosse dialogue avec Dacier) et de l’adoucissement du caractère de l’héroïne (adoucissement qui, de façon originale, n’est pas présenté comme une nécessaire adaptation aux mœurs du XVIIe siècle) constituent ainsi les deux enjeux théoriques de cette préface.

Texte

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Préface                 

{NP1} Après avoir mis au théâtre deux tragédies dont la catastrophe est funeste2, j’ai voulu en faire une qui eût une fin heureuse, quoique Aristote donne la préférence à celles de la première espèce3. Elles sont, dit-il, plus propres à la tragédie et plus touchantes, et il remarque que les poètes qui ont choisi les dénouements heureux l’ont fait par complaisance pour leurs spectateurs, qui n’avaient pas assez de fermeté pour prendre plaisir à une catastrophe funeste4. M. D., dans les savants commentaires qu’il nous a donnés sur la poétique de ce philosophe, appuie cette opinion de ses raisonnements5 et dit, dans la préface de l’Electre qu’il a traduite, que les pièces qui finissent heureusement n’excitent ni la crainte ni la compassion6.

Avec tous les égards que je dois aux sentiments d’un aussi grand homme qu’Aristote et d’un commentateur aussi éclairé que M. D., j’oserai dire ici qu’il n’est nullement nécessaire qu’une pièce ait un dénouement funeste pour être pathétique7 ; que c’est assez que dans le cours de l’intrigue, la crainte et la pitié y soient excitées par les {NP2} périls où se trouvent les premiers personnages, et que les larmes que nous arrache le plaisir de les en voir sortir heureusement valent bien les larmes de tristesse que nous verserions à les voir succomber. J’en prends à témoin les représentations du Cid et d’Iphigénie8. Quelles pièces dont le dénouement soit funeste ont plus touché, plus fait verser de larmes que celles-là ? Il est vrai qu’on nous impute à faiblesse le plaisir que nous y avons pris ; mais j’avoue que la raison m’en est tout à fait incompréhensible, et il me semble qu’il n’y a pas plus de grandeur d’âme à pleurer de douleur qu’à pleurer de joie.

Je ne dis point ceci pour établir une préférence d’une espèce de tragédies à l’autre. Au contraire je veux montrer qu’il n’y en a point à faire, que le choix en est indifférent, et qu’ayant cette fois traité un sujet dont le dénouement est heureux, je n’ai pas cru avoir choisi le moindre.

Tant de personnes considérables m’ont objecté que j’avais altéré le caractère de Médée en l’adoucissant, contre ce précepte d’Horace Sit Medea ferox invictaque9, que je me crois obligé de me justifier. J’avoue que la colère de cette princesse n’agit pas ici comme à Corinthe10, qu’elle ne soulève pas les Enfers et ne met pas tout en feu comme dans l’opéra qui porte le nom de Thésée11 ; mais j’ai considéré qu’elle se devait conduire autrement dans Athènes12, où sa fortune l’obligeait à ménager la bienveillance d’un peuple {NP3} chez qui elle avait trouvé un asile et sur lequel elle devait régner, et d’autant plus qu’elle ne croyait alors avoir besoin que d’artifice pour perdre son ennemi13. Médée, toute furieuse qu’elle était dans ses vengeances, les conduisait pourtant avec tout l’artifice et tout le sang-froid imaginable. Pour s’en convaincre, il ne faut que lire comme elle vengea les Argonautes de la perfidie de Pelias à Jolchos14, et comme elle ménagea la punition de sa rivale et de son mari à Corinthe15. Sa prudence, aussi bien que la grandeur de son courage, l’avait mise, malgré ses cruautés, en une telle estime qu’on dit qu’après sa mort, Hercule l’épousa dans les Champs Élysées. Enfin pourquoi veut-on que je lui fasse faire plus que l’Histoire n’en dit dans l’endroit de sa vie où je la représente16 ?