Dédicace
Sémiramis. Tragédie représentée par la Troupe Royale
Gilbert, Gabriel
Éditeur scientifique : Blondet, Sandrine
Description
Auteur du paratexteGilbert, Gabriel
Auteur de la pièceGilbert, Gabriel
Titre de la pièceSémiramis. Tragédie représentée par la Troupe Royale
Titre du paratexteÀ Madame la duchesse de Rohan
Genre du texteDédicace
Genre de la pièceTragédie
Date1647
LangueFrançais
ÉditionParis, Augustin Courbé, 1647, in-4°
Éditeur scientifiqueBlondet, Sandrine
Nombre de pages6
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71583j
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Gilbert-Semiramis-Dedicace.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Gilbert-Semiramis-Dedicace.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Gilbert-Semiramis-Dedicace.odt
Mise à jour2013-06-05
Mots-clés
Mots-clés français
SourcesHistoriens [antiques : Diodore de Sicile et Justin]
Personnage(s)Sémiramis
DédicataireComparaison de la duchesse et de Sémiramis ; supériorité de la dédicataire sur l’héroïne, et sur toutes les dames illustres du passé
RéceptionSuccès à la cour
AutreSully ; duc de Rohan
Mots-clés italiens
FontiStorici [antichi : Diodoro di Sicilia e Giustino]
Personaggio(i)Semiramide
Dedicatario e PersonaggioParagone tra la duchessa e Semiramide ; superiorità della dedicataria sull’eroina, e sopra tutte le altre donne illustri del passato
RicezioneSuccesso in corte
AltriSully ; duca di Rohan
Mots-clés espagnols
FuentesHistoriadores [antiguos : Diodoro Sículo y Justino]
Personaje(s)Semíramis
Dedicatario y personajeComparación entre la duquesa y Semíramis ; superioridad de la dedicataria sobre la heroína, y sobre todas las damas ilustres del pasado
RecepciónÉxito en la corte
OtrasSully ; duque de Rohan
Présentation
Présentation en français
Ces précisions historiques constituent peut-être une trace de la rivalité qui oppose ici Gilbert à Desfontaines et sa Véritable Sémiramis (Paris, Lamy, 1647), et un vestige de la leçon que Gilbert avait pu tirer de son précédent duel dramatique, qui l’avait opposé à Corneille sur le sujet de Rodogune. À l’instar de ce dernier, Gilbert refuse à son rival toute allusion, et se contente de faire valoir ses sources historiques – moyen implicite de condamner l’entreprise dramatique de Desfontaines qui, restituant tout le règne de Sémiramis sur scène, condense quarante-deux années en une seule journée1.
Texte
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À Madame la duchesse de Rohan2
Madame,
[NP1] Si l’ouvrage que je prends la liberté de vous dédier [a] un heureux succès à la cour, c’est à vous à qui j’en suis redevable3. On savait que j’avais [NP2] l’honneur d’être à votre service ; et on a cru favorablement pour moi qu’une personne qui avait l’avantage de vous entendre dire tous les jours d’excellentes choses n’en pouvait dire de mauvaises. Mais si cette seule pensée m’a causé tant de bonheur, j’espère, Madame, que j’en aurai encore un plus grand, quand on saura que cette pièce est honorée de votre estime, et quand on la verra paraître sous votre protection. Votre approbation particulière me fera obtenir celle du public ; et je ne dois pas craindre de rencontrer des censeurs équitables, ni que la raison me soit contraire, puisque vous vous êtes déclarée pour moi. C’est avec beaucoup de justice que l’on a cette déférence pour un jugement si net et si solide que le vôtre. Vous ne vous êtes pas contentée que le Ciel vous ait fait naître avec un esprit admirable, vous l’avez cultivé avec soin, et avez voulu joindre les connaissances acquises aux lumières naturelles. Vous vous êtes perfectionnée dans le pays des beaux-arts et de la politesse ; et vous avez connu par la lecture et par les voyages l’ancienne et la nouvelle Italie. Il n’y a point de royaume dans le monde dont vous n’ayez connaissance. Toutes les cours étrangères n’ont rien de remar[NP3]quable que vous ne sachiez aussi bien que ce qui se passe à la cour de France. Et vous n’avez vu dans les histoires toutes les dames illustres des autres siècles4 que pour les surpasser, et pour en faire voir une en nos jours plus merveilleuse et plus accomplie. Il n’y a personne, Madame, qui ait une science si parfaite que vous des affaires du grand monde, qui ait tant de charmes dans la conversation, ni qui sache si distinctement toutes les lois de la bienséance. Votre génie est adroit et judicieux, et possède toute la délicatesse de votre sexe et toute la force du nôtre. Si l’on ne donnait des louanges qu’à votre esprit, Madame, l’on vous ferait quelque sorte d’injure, puisque l’on oublierait vos principales perfections : vous n’êtes pas seulement la plus spirituelle princesse du monde, mais la plus civile et la plus généreuse. Toutes ces rares qualités vous ont rendue la digne fille et la digne femme des deux plus fameux héros de cet empire, du plus sage politique, et du plus grand capitaine5. Si l’un savait gagner les bonnes grâces des rois, l’autre en faisait ses admirateurs. Et ces deux grands personnages, qui possédaient en un souverain degré la prudence et la valeur, en traitant l’alliance l’un [NP4] avec l’autre, ont voulu allier les vertus civiles avec les militaires. Mais ils avaient besoin d’une personne accomplie, comme vous êtes, pour être le lien d’une si noble union, et qui eût, comme vous avez, la générosité et la douceur pour accorder ensemble et la guerre et la paix. Ce vaillant prince, à qui un père prudent avait attaché votre destinée, trouva en vous, Madame, une compagne magnanime, qui ne prit pas moins de part à ses peines et à ses ennuis qu’à sa réputation et à sa gloire. Votre grand cœur a toujours secondé les nobles mouvements du sien ; et vous avez courageusement méprisé les craintes et les dangers, qui eussent été redoutables à toutes les personnes de votre sexe, toutes les fois que vos soins et votre adresse ont pu lui faire éviter quelque mal, ou lui procurer quelque bien. Ces sentiments qui ne se rencontrent jamais que dans les âmes héroïques, et dont la vôtre a toujours été remplie, ont obligé Sémiramis à vous rendre hommage, et à vous faire voir un crayon de votre vie6 dans ses éclatantes actions. Les hommes, qui écrivent d’ordinaire les histoires à leur avantage, n’ont pu s’empêcher d’avouer qu’aucun prince n’a égalé cette auguste reine, ni en prudence, ni en va{N5 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71583j/f6}leur7. Elle n’a pas suivi les héros, elle les a devancés, et par le temps, et par ses exploits : elle a montré aux conquérants, qui ne sont tous venus qu’après elle, comme il fallait s’immortaliser. Par sa beauté et par son courage, elle conquit tous les empires. Ce serait une trop faible louange de la louer de ce qu’elle bâtit les murs de Babylone, quoiqu’ils aient passé pour une des sept merveilles du monde : il faut plutôt dire qu’elle-même a été une des plus grandes merveilles que l’on ait jamais vues sur la terre. Enfin rien n’aurait manqué à sa félicité, non plus qu’à sa gloire, si la mort du vertueux Ménon, son époux, et sa fécondité malheureuse8 n’eussent causé ses disgrâces. Mais la fortune, qui est jalouse et superbe, et qui ne peut souffrir que les personnes extraordinaires soient heureuses ici-bas, a voulu s’opposer à son bonheur, et vaincre celle qui avait toujours été invincible : elle lui fit des ennemis de ceux qui lui étaient le plus obligés ; elle les choisit de son sang même, et lui donna le déplaisir de voir ses plus signalés bienfaits payés d’une extrême ingratitude. Ce sont les tristes accidents qui suivirent le veuvage de cette héroïne, selon les historiens qui nous ont fait le portrait de sa vie9. Il est aisé de voir, Ma[NP6]dame, qu’il vous ressemble en beaucoup de choses ; et l’on serait en peine de savoir s’il aurait plutôt été fait pour elle que pour vous, si vous eussiez été tou[te]s deux d’un même siècle, et si elle vous eût aussi bien ressemblé par la douceur et par la bonté, que vous lui ressemblez par ses vertus et par ses infortunes. Comme vous avez ses bonnes qualités, Madame, sans avoir ses mauvaises10, vous devez espérer que la suite de vos jours sera plus heureuse que ne fut celle des siens, et que la justice du Ciel ne vous abandonnera pas aux outrages de la fortune. La Providence a déjà fait des miracles pour vous, en conservant ce que vous avez de plus cher au monde. Elle ne laissera pas son ouvrage imparfait ; elle fera fleurir désormais avec vos espérances celui dans lequel vous les renfermez. Ce sont vos uniques souhaits, et les vœux les plus ardents,
Madame,
De votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur.
G. Gilbert.