IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Panthée. Tragédie

Durval, Jean-Gilbert

Éditeur scientifique : Blondet, Sandrine

Description

Auteur du paratexteDurval, Jean-Gilbert

Auteur de la pièceDurval, Jean-Gilbert

Titre de la piècePanthée. Tragédie

Titre du paratextePréface (précédée d’un Sommaire du sujet)

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragédie

Date1639

LangueFrançais

ÉditionParis, Cardin Besogne, 1639, in-4°

Éditeur scientifiqueBlondet, Sandrine

Nombre de pages3

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1085579/f1

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Durval-Panthee-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Durval-Panthee-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Durval-Panthee-Preface.odt

Mise à jour2015-02-03

Mots-clés

Mots-clés français

SourcesCyropédie de Xénophon ; historiens de l’Antiquité

DramaturgieAccidents et circonstances inventées, fictions de l’art ; irrégularité ; contre la règle des vingt-quatre heures

TempsPlus de vingt-quatre heures

Personnage(s)Princesse d’Arménie ; son mari Tygrane ; Panthée

FinalitéCréation à la cour ; représentation (et pas seulement lecture)

MetadiscoursIrrégularité aisément justifiable

Relations professionnellesAllusions implicites à d’autres Panthée (Hardy, Tristan)

AutreÉloge de l’art dramatique ; amertume face aux Réguliers

Mots-clés italiens

FontiCiropedia di Xenofonte ; storici dell’antichità

DrammaturgiaAccidenti e circonstanze inventate, finzioni dell’ arte ; irrégularità ; contro la regola delle ventiquattr’ore

TempoPiù di ventiquattro ore

Personaggio(i)Principessa d’Armenia ; suo marito Tigrane ; Pantea

FinalitàCreazione alla corte ; rappresentazione (non solo lettura)

MetadiscorsoIrregolarità facilmente giustificabile

AttualitàAllusioni implicite ad altre Pantee (Hardy, Tristan)

AltriElogio dell’arte drammatica ; amarezza di fronte ai Regolari

Mots-clés espagnols

FuentesCyropedia de Xenofonte ; historiadores de la Antigüedad

DramaturgiaAccidentes y circunstancias inventadas ; ficciones del arte ; irregularida ; rechazo de la regla de las vinticuatro horas

TiempoMás de veinticuatro horas

Personaje(s)Princesa de Armenia ; su marido Tigran ; Panteia

FinalidadEstreno en la Corte ; representación (y no sólo lectura)

MetadiscursoIrregularidad facilmente justificable

Relaciones profesionalesAlusiones implícitas a otras Panteia (Hardy, Tristan)

OtrasElogio del arte dramática ; amargura hacia los Réguliers

Présentation

Présentation en français

La préface qui ouvre l’édition de la Panthée de Jean-Gilbert Durval (1639) s’en prend avec virulence à « la secte » des réguliers, coupables d’avoir « usurpé la possession » de « l’arbre des Muses ». Assumant le choix de l’irrégularité, Durval préfère « faire place » à ses adversaires et met ainsi un terme à sa carrière dramatique, non sans synthétiser les griefs qu’il nourrit à l’encontre de l’esthétique régulière contemporaine, dans un dizain ironique adressé au lecteur.

Simultanément, la préface est l’occasion pour le dramaturge de revenir sur ses propres conceptions dramatiques – notamment la finalité qu’il prête à toute production théâtrale – et secondairement sur les circonstances de composition de Panthée. En premier lieu, l’évocation de l’héroïne permet l’éloge de l’art dramatique, « un des plus nobles talents des lettres humaines ». Évoquant ensuite la pièce homonyme de Hardy et celle, contemporaine, de Tristan, Durval en vient à soumettre toute œuvre théâtrale au dessein d’être représentée sur une scène avant que d’être publiée. Il rappelle ensuite les circonstances de composition de sa pièce. Au passage, ce rappel chronologique de sa production vient confirmer les protestations de primauté sur la Panthée rivale de Tristan que formule la dédicace de la pièce1, en situant la création de la sienne plusieurs années auparavant, en plein cœur des débats opposant les tenants de la régularité et leurs adversaires. Entre les lignes se lirait donc le souvenir amer d’un échec orchestré par les réguliers, ce qui expliquerait que Durval prenne ici fermement position sur ces questions alors que l’affaire semble close depuis déjà plusieurs mois.

La préface est précédée d’un bref « Sommaire du sujet », où Durval fait état de ses sources, la Cyropédie de Xénophon. Le discours dévie très rapidement vers la justification du personnage épisodique de la pièce, la princesse d’Arménie, héroïne secondaire d’une intrigue parallèle, et très artificiellement reliée à celle de Panthée et d’Abradate2. Bien que les questions dramaturgiques de régularité n’aient pas droit de cité ici, ce bref avertissement vient donc parachever la profession de foi irrégulière de son auteur.

Texte

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Sommaire du sujet

[NP1] Le sujet de ce poème tragique se pouvant extraire du V., VI. et VII. Livre des Conquêtes de Cyrus le Grand, écrites par Xénophon, et n’ayant omis à traiter en cette pièce aucun véritable effet de l’histoire de Panthée, je n’ai qu’un mot à dire du personnage que je fais jouer à la princesse d’Arménie, dont le nom et le déguisement est d’autant plus vraisemblable que son aventure feinte est conforme au sens de l’auteur, qui rend sa vertu recommandable de ce que, par un courage viril, elle suivit aux guerres d’Assyrie Tygrane son mari. Les autres accidents et circonstances de mon invention3 pourront être observées4 pour des fictions de l’art, qui n’altèrent aucunement la matière, et rehaussent l’ouvrage.

Préface

[NP1] Cette reine infortunée, dont les vertus héroïques furent autrefois dignes de la plume des plus célèbres historiens de l’Antiquité, semble mériter encore aujourd’hui d’exercer un des plus nobles talents des lettres humaines5, que depuis dix ans on fait valoir au théâtre français sur une infinité de beaux arguments. Celui-ci6 ayant déjà [NP2] passé par les mains d’un ancien maître7, sera possible renouvelé plus que d’une fois en un même temps8, et je ne doute point que toute la cour n’ait la première vue9 des pièces qui en seront faites. Mais comme on y rend plus de justice à nos œuvres poétiques10, j’oserais dire que l’honneur qu’elles reçoivent d’y être approuvées est le plus légitime et le mieux acquis. J’avoue que d’écrire des poèmes de ce genre seulement pour être lus, c’est leur ôter la moitié du jour qui leur donne la vie. Il n’en faut point faire, ou il les faut conduire à leur perfection autrement ; comme c’est être extrêmement vain d’avoir la passion d’être proclamé dans l’Hôtel de Bourgogne, et celle d’être étalé au Palais en lettre italique11, ne désirer point du tout l’applaudissement du théâtre ni la lumière du monde, c’est par une modestie affectée se rendre ridicule et impertinent. En cet endroit, s’il m’était permis de me justifier de cet excès de vice et de vertu, je ne serais point honteux de confesser que j’ai été deux ou trois fois tenté de l’un et de l’autre, et sensiblement touché de tous les deux, et que même quand je me suis retiré de la scène, je n’ai pu m’abstenir de faire deux ou trois pièces à son usage, dont voici la dernière12. C’est tout ce que j’aurai planté de cette nature sur notre Parnasse où, n’enviant aucun de ceux qui vont devant moi, je ne veux pas faire ombre à ceux qui me suivent ; et je souffrirai des uns et des autres, s’ils ne se contentent d’ébrancher la touffe de lauriers que j’ai cultivée, qu’ils l’arrachent par la racine du parterre des Muses comme un arbre inutile. Aussi bien, depuis que les Réguliers en ont sous prétexte de réforme usurpé la possession pour y fonder leur secte, je ne puis, sans [NP3] passer pour scandaleux, m’affranchir de la sévérité de leur statut qui leur fait dépenser en une journée de vingt-quatre heures toute leur provision sans avoir souci du lendemain. À cette règle n’ayant pas trouvé bon d’ajuster mes œuvres, ni principalement celle-ci – non qu’il ne m’eût été facile de l’observer, mais parce que je ne l’ai pas jugée nécessaire –, il m’est plus séant de faire place aux maîtres qui l’enseignent que de les choquer. À la vérité, s’ils n’étaient en jouissance de plus de trois ans, et que je fusse recevable à plaider au petitoire13, il me serait aisé de mettre ici tout le plaidoyer de la partie adverse, et d’appuyer de raisons l’opinion contraire que je soutiens ; mais encore faudrait-il être réglés de juges14, et ceux d’à-présent, pour illustres qu’ils soient, étant civilement récusables pour avoir déjà prématurément donné leur avis en cette matière, il semble que pour vider cette cause solennellement, il n’est point de siège compétent que celui de la postérité, à laquelle je fais volontiers les soumissions en tel cas requises et nécessaires.

Adieu Lecteur, et pour comprendre
La règle des pièces du temps,
Ne te lasse point de l’apprendre
Pour le moins encore cent ans.
5    L’effet de cette loi nouvelle
Est de comprimer la cervelle,
De rétrécir l’entendement,
D’affaiblir l’imaginative15 ;
Par ce moyen, juge comment
10    L’âme se rend plus attentive ?