IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Les Noces de Vaugirard, ou les Naïvetés champêtres. Pastorale dédiée à ceux qui veulent rire

L. C. D. (Discret)        .

Éditeur scientifique : Fenin, Coralie

Description

Auteur du paratexteL. C. D. (Discret)        .

Auteur de la pièceL. C. D. (Discret)

Titre de la pièceLes Noces de Vaugirard, ou les Naïvetés champêtres. Pastorale dédiée à ceux qui veulent rire

Titre du paratexteÉpître servant d’avertissement à ceux qui veulent rire

Genre du textePréface

Genre de la piècePastorale

Date1638

LangueFrançais

ÉditionParis, Jean Guignard, 1638, in-4°. (Numérisation en cours)

Éditeur scientifiqueFenin, Coralie

Nombre de pages8

Adresse source

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Discret-NocesVaugirard-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Discret-NocesVaugirard-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Discret-NocesVaugirard-Preface.odt

Mise à jour2015-05-06

Mots-clés

Mots-clés français

ExpressionLangage rural perçu par un dramaturge parisien

MetadiscoursLieux communs du discours préfaciel ; fonction de protection de la dédicace ; humilité et honnêteté / hypocrisie des préfaces dramatiques en général

Mots-clés italiens

EspressioneLingua rurale concepita da un drammaturgo parigino

MetadiscorsoLuoghi communi della prefazione ; funzione di protezione della dedica ; umilità e onestà / ipocrisia delle prefazioni drammatiche in genere

Mots-clés espagnols

ExpresiónLenguaje rural percibido por un dramaturgo parisino

MetadiscursoTópicos del discurso prologal ; función de protección de la dedicatoria ; humildad y honestidad / hipocresía de los prólogos dramáticos en general

Présentation

Présentation en français

Les Noces de Vaugirard mettent en scène, entre familiarité et badineries, les mœurs des classes populaires qui peuplent la bourgade de Vaugirard quand l’élite sociale se bouscule aux portes d’Auteuil et de Passy, hauts lieux de villégiature mondaine. Le ridicule dont on affuble alors le village de Vaugirard est un poncif qui traverse le XVIIe siècle1. « Le singe et le dauphin » de la Fontaine en porte témoignage. Dans cette préface, Discret évoque humblement son absence de rayonnement sur la scène dramatique, qu’il ne saurait justifier par un défaut d’expérience, un manque de temps ou encore une impression inopinée. Les stratégies auctoriales de ses contemporains s’en trouvent ainsi moquées, l’épître dédicatoire des Noces, détournée. Construite sur le refus parodique de la pratique auctoriale sérieuse, cette épître, ou pour mieux dire, cette « anti-épître dédicatoire »2, possède une structure que l’auteur avait déjà exploitée dans la préface d’Alizon, en 16373. C’est aussi tout une tradition littéraire de la subversion des lieux communs du discours préfaciel, inaugurée par Sorel et perpétuée par Scarron4, que reprend Discret. Méta-textuelle, la préface dévoile le fonctionnement de la quête identitaire du théâtre telle qu’elle se met en place dans la première moitié du XVIIe siècle.

Texte

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Épître servant d’avertissement à ceux qui veulent rire

Messieurs,

{NP1} Je ne suis point de ces savants personnages dont les siècles ont si curieusement conservé les précieuses reliques pour nous donner lumière des sciences qui les ont fait estimer vrais orateurs, et parfaitement bons poètes : mon savoir est {NP2} aussi peu connu que ma personne, mais mon humeur indifférente ne se soucie de l’approbation5 des doctes, ni du mépris des ignorants : mes écrits en petit nombre et en peu de volumes6 n’ont d’autorité que les divers sentiments de ceux qui prennent la peine de les lire. Vous ne verrez point d’apologiste qui me dise confidemment à l’oreille que j’ai parfaitement bien réussi, que j’ai grandement obligé le public lui donnant des œuvres si pleines de moralités et de subtiles pointes, que j’attribue des richesses aux rimes capables de me faire passer pour divin, que j’attraperai la gloire où tous les autres veulent atteindre, et où pas un ne saurait parvenir, et qu’enfin il serait aussi difficile de trouver mon se{NP3}cond, comme de rencontrer deux rois de France en l’Europe. Tous ces discours de vanité et de flatterie n’auraient autre remerciement de moi que celui que l’on peut faire à des gens que l’on reconnaît se moquer honnêtement d’un ami : je leur donnerais l’épithète d’esprits faibles plutôt que celle d’esprits forts7, comme n’ayant pas assez8 de force pour me persuader une méconnaissance de moi-même : les défauts de mes ouvrages ne trouveront ni de louanges ni d’excuses dans les plumes d’autrui. Vous n’y trouverez point dans l’Avertissement au Lecteur ce que les auteurs du temps ont coutume d’y mettre9 : qu’ils savent faire une pièce en quinze jours10, qu’ils n’avaient que quinze ans lorsqu’ils l’ont faite11, {NP4} que leurs amis les ont forcés à la faire mettre sous la presse, et sous l’assurance qu’on leur a donnée qu’elle serait bien reçue12 ; que c’est un premier essai, et qu’on doit espérer que quelque jour ils feront mieux13. Les autres diront que leur absence a causé le désordre et les fautes qui se rencontrent dans leurs livres14, qu’ils ont été imprimés à leur insu sur des copies mal polies qui leur avaient été dérobées, ou qu’ils avaient données à l’un de leurs amis, mais qu’à la seconde édition ils seront vêtus des robes de la merveille et qu’on ne les reconnaîtra plus15. Toutes ces raisons si anciennes, et tant de fois répétées pour faire trouver bonne une mauvaise chose, ne peuvent être appelées autrement que les honnêtes {NP5} excuses de l’ignorance, le manteau de l’incapacité, la couverture de l’imperfection, le voile des petites imaginations, la stérilité des bonnes paroles, le bandeau des rimeurs, et la folie des poètes ; et pour moi, afin qu’ils sachent mon sentiment, je conseillerais volontiers à ces esprits de donner plus de temps à la composition de leurs ouvrages, et de ne les entreprendre si jeunes, vu que leurs pointes qui, pour proprement parler, ne sont que des métaphores hyperboliques, forment des épines si piquantes que leur honneur s’y écorche le plus souvent : il n’y a pas un pied de vers qui n’en prête deux aux lecteurs pour marcher sur la tête de leur vanité, ni pas un vers qui n’en fournisse quatre pour ronger ce qu’il y a de mal digéré dans {NP6} leur travail ; de sorte que comme la chauve-souris à cause de sa difformité n’ose paraître devant le jour, ces ouvrages devraient demeurer enfermés, ou n’être mis en lumière que par le feu ; car pour moi je ne saurais flatter, je dis librement mes pensées ; on ne saurait donner trop de soin à un ouvrage qui paraît en public. Voici, Messieurs, une pastorale que j’ai faite, où j’ai fait parler les personnages selon que la naïveté16 des champs les a représentés à mon imagination17 : j’ai beaucoup de fois repassé par dessus, j’y ai corrigé quantité de choses, j’ai fait mon possible pour la polir, et empêcher qu’il n’y eût point de fautes remarquables, et si18 je puis vous assurer qu’elle n’est pas trop bien, que les oreilles dé{NP7}licates n’y trouveront point leur satisfaction, que les chercheurs de pointes en trouveront plus chez les vitriers que dans mon livre19, et que les belles pensées et les bons mots y sont clairsemés20. Et néanmoins, pour m’instruire sur les divers jugements sans chercher la protection des grands, ainsi que beaucoup font, et qui s’imaginent que le nom de ceux à qui leurs livres sont dédiés excusent leurs fautes et défendent leurs œuvres de la médisance21, je vous fais présent, Messieurs, de cette pastorale. Recevez-la telle qu’elle est, achetez-la, ne l’achetez pas, lisez-la, ne la lisez pas, riez-en, n’en riez pas : il y a longtemps que je fais profession de ne me soucier des louanges du monde, et que j’ai perdu la {NP8} volonté de paraître habile homme, puisque j’ai reconnu avoir été né22 pour ne l’être pas. Tout le contentement que j’espère, donnant cette pastorale au public, est de vous faire voir par le compliment ordinaire que je suis véritablement,

Messieurs,

votre très humble, et obéissant serviteur

L. C. D.