Préface
La Place Royale ou l’amoureux extravagant
Corneille, Pierre
Éditeur scientifique : Douguet, Marc
Description
Auteur du paratexteCorneille, Pierre
Auteur de la pièceCorneille, Pierre
Titre de la pièceLa Place Royale ou l’amoureux extravagant
Titre du paratexteExamen
Genre du textePréface
Genre de la pièceComédie
Date1663
LangueFrançais
ÉditionParis : Guillaume de Luyne, 1663, in-folio
Éditeur scientifiqueDouguet, Marc
Nombre de pages3
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71442p/f43.image
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/CorneillePlaceRoyaleExamen.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/CorneillePlaceRoyaleExamen.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/CorneillePlaceRoyaleExamen.odt
Mise à jour2016-06-14
Mots-clés
Mots-clés français
DramaturgieÉpilogue ; liaison des scènes
LieuPlace publique vs cabinet ; conformité du lieu et de la nature de l’action ; unité vs duplicité
ActionDuplicité d’action
Personnage(s)Premiers et seconds acteurs ; inégalité de mœurs
FinalitéForce du mauvais exemple dans la comédie
Mots-clés italiens
DrammaturgiaEpilogo ; legami tra le scene
LuogoPiazza pubblica vs gabinetto ; conformità del luogo alla natura dell’azione ; unità vs duplicità
AzioneDoppia
Personaggio(i)Primi e secondi ruoli ; disuguaglianza di costumi
FinalitàForza del cattivo esempio nella commedia
Mots-clés espagnols
DramaturgiaEpílogo ; enlace de las escenas
LugarPlaza pública vs gabinete ; conformidad del lugar con la naturaleza de la acción ; unidad vs duplicidad
AcciónDuplicidad de acción
Personaje(s)Primeros y segundos actores ; diferencias en las costumbres
FinalidadFuerza del mal ejemplo en la comedia
Présentation
Présentation en français
La fin de l’examen est quant à elle consacrée à la question de la bienséance et à celle de l’unité de lieu. Sur ces deux points, Corneille s’écarte sensiblement des principes qu’il expose dans ses autres textes théoriques. D’une part, en effet, il affirme la nécessité de donner une issue malheureuse aux conduites immorales des personnages de comédie, abandonnant ainsi pour un temps la théorie selon laquelle la « naïve peinture des vices et des vertus » suffit à garantir la finalité morale du théâtre. D’autre part, il insiste ici sur les limites de la convention du « carrefour comique », défendant, dans le contexte particulier de La Place Royale, l’adéquation entre les lieux et les actions qui s’y déroulent contre la « fiction de théâtre » dont il se fait ailleurs le théoricien.
Texte
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LA PLACE ROYALE
{XXXIX} Je ne puis dire tant de bien de celle-ci que de la précédente1. Les vers en sont plus forts2, mais il y a manifestement une duplicité d’action. Alidor, dont l’esprit extravagant se trouve incommodé d’un amour qui l’attache trop, veut faire en sorte qu’Angélique sa maîtresse se donne à son ami Cléandre ; et c’est pour cela qu’il lui fait rendre une fausse lettre qui le convainc de légèreté, et qu’il joint à cette supposition des mépris assez piquants pour l’obliger dans sa colère à accepter les affections d’un autre. Ce dessein avorte, et la donne à Doraste contre son intention ; et cela l’oblige à en faire un nouveau pour la porter à un enlève{XL}ment. Ces deux desseins, formés ainsi l’un après l’autre, font deux actions, et donnent deux âmes au poème3, qui d’ailleurs4 finit assez mal par un mariage de deux personnes épisodiques, qui ne tiennent que le second rang dans la pièce. Les premiers acteurs y achèvent bizarrement, et tout ce qui les regarde fait languir le cinquième acte, où ils ne paraissent plus, à le bien prendre, que comme seconds acteurs. L’épilogue5 d’Alidor n’a pas la grâce de celui de La Suivante, qui ayant été très intéressée dans l’action principale, et demeurant enfin sans amant, n’ose expliquer ses sentiments en la présence de sa maîtresse et de son père, qui ont tous deux leur compte, et les laisse rentrer pour pester en liberté contre eux et contre sa mauvaise fortune, dont elle se plaint en elle-même, et fait par là connaître au spectateur l’assiette de son esprit après un effet si contraire à ses souhaits.
Alidor est sans doute trop bon ami pour être si mauvais amant6. Puisque sa passion l’importune tellement qu’il veut bien outrager sa maîtresse pour s’en défaire, il devrait7 se contenter de ce premier effort, qui la fait obtenir à Doraste, sans s’embarrasser de nouveau pour l’intérêt d’un ami, et hasarder en sa considération un repos qui lui est si précieux. Cet amour de son repos n’empêche point qu’au cinquième acte il ne se montre encore passionné pour cette maîtresse, malgré la résolution qu’il avait prise de s’en défaire, et les trahisons qu’il lui a faites ; de sorte qu’il semble ne commencer à l’aimer véritablement que quand il lui a donné sujet de le haïr. Cela fait une inégalité de mœurs qui est vicieuse8.
Le caractère d’Angélique sort de la bienséance en ce qu’elle est trop amoureuse, et se résout trop tôt à se faire enlever par un homme qui lui doit être suspect9. Cet enlèvement lui réussit mal, et il a été bon de lui donner un mauvais succès, bien qu’il ne soit pas besoin que les grands crimes soient punis dans la tragédie, parce que leur peinture imprime assez d’horreur pour en détourner les spectateurs. Il n’en est pas de même des fautes de cette nature, et elles pourraient engager un esprit jeune et amoureux à les imiter, si l’on voyait que ceux qui les commettent vinssent à bout par ce mauvais moyen de ce qu’ils désirent10.
Malgré cet abus introduit par la nécessité et légitimé par l’usage, de faire dire dans la rue à nos amantes de comédie ce que vraisemblablement elles diraient dans leur chambre, je n’ai osé y placer Angélique durant la réflexion douloureuse qu’elle fait sur la promptitude et l’imprudence de ses ressentiments, qui la font consentir à épouser l’objet de sa haine. J’ai mieux aimé rompre la liaison des scènes et l’unité de lieu qui se trouve assez exacte en ce poème11, à cela près, afin de la faire soupirer dans son cabinet avec plus de bienséance pour elle, et plus {XLI}de sûreté pour l’entretien d’Alidor. Phylis, qui le voit sortir de chez elle, en aurait trop vu si elle les avait aperçus tous deux sur le théâtre ; et au lieu du soupçon de quelque intelligence renouée entre eux, qui la porte à l’observer durant le bal, elle aurait eu sujet d’en prendre une entière certitude, et d’y donner un ordre qui eût rompu tout le nouveau dessein d’Alidor et l’intrique12 de la pièce13.
En voilà assez sur celle-ci ; je passe aux deux qui restent dans ce volume14.