IdT – Les idées du théâtre


 

Dédicace

La Place Royale ou l’amoureux extravagant

Corneille, Pierre

Éditeur scientifique : Douguet, Marc

Description

Auteur du paratexteCorneille, Pierre

Auteur de la pièceCorneille, Pierre

Titre de la pièceLa Place Royale ou l’amoureux extravagant

Titre du paratexteA Monsieur***

Genre du texteDédicace

Genre de la pièceComédie

Date1637

LangueFrançais

ÉditionParis : Augustin Courbé , in-4°

Éditeur scientifiqueDouguet, Marc

Nombre de pages4

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72375m/f3.image

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/CorneillePlaceRoyaleDedicace.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/CorneillePlaceRoyaleDedicace.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/CorneillePlaceRoyaleDedicace.odt

Mise à jour2016-03-31

Mots-clés

Mots-clés français

Personnage(s)Héros de la pièce ; défense du personnage auprès du public féminin.

AutreConsidérations sur l’amour

Mots-clés italiens

Personaggio(i)Eroe ; difesa del personaggio presso il pubblico feminile

AltriConsiderazioni sull’amore

Mots-clés espagnols

Personaje(s)Héroe de la obra ; defensa del personaje para el público femenino

OtrasConsideraciones sobre el amor

Présentation

Présentation en français

Cette dédicace est présente dans l’édition originale de la pièce et dans toutes les rééditions antérieures à celle de 1660, à partir de laquelle elle disparaît. Le dédicataire est anonyme, et étant donné la tonalité ironique qui caractérise ce texte, il est fort peu probable qu’il s’agisse d’une personne réelle. La pratique de dédicaces fictives est bien attestées dans les premières pièces de Corneille (par exemple La Suivante, Médée, L’Illusion comique, Le Menteur et La Suite du Menteur), qui se sert de ce type de paratexte comme d’une tribune pour exposer ses conceptions dramatiques. Ici, la finalité du texte est essentiellement ludique : à l’image d’Alidor, le texte est en effet traversé de contradictions et cultive le goût du paradoxe.

Tout en protestant, dans un premier temps, que le dédicataire n’est pas le modèle d’Alidor, Corneille insinue délibérément le contraire. Tout en semblant, dans un second temps, reprendre à son propre nom le refus de l’asservissement amoureux qui caractérise Alidor, il conclut son propos en insistant sur la nécessité de distinguer le dramaturge de ses personnages, et en rappelant que le premier n’est pas responsable de l’immoralité des seconds.

Ces contradictions ne peuvent être résolues que si l’on postule une distance ironique entre Corneille et les propos énoncés dans ce texte : le locuteur qui s’y exprime est en réalité une figure aussi fictive que le dédicataire à qui il s’adresse. Cette dédicace offre ainsi au lecteur un supplément de spectacle qui l’introduit dans l’univers vertigineux de la pièce et lui donne un aperçu de la rhétorique « extravagante » qui s’y déploie.

Texte

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À MONSIEUR ***

Monsieur,

{NP1} J’observe religieusement la loi que vous m’avez prescrite, et vous rends mes devoirs avec le même secret que je traiterais un amour, si j’étais homme à bonne fortune1. Il me suffit que vous sachiez que je m’acquitte, sans le faire connaître à tout le monde, et sans que par cette publication je vous mette en mauvaise odeur2 auprès d’un sexe, dont vous conservez les {NP2} bonnes grâces avec tant de soin. Le héros de cette pièce ne traite pas bien les dames, et tâche d’établir des maximes qui leur sont trop désavantageuses, pour nommer son protecteur ; elles s’imagineraient que vous ne pourriez l’approuver sans avoir grande part à ses sentiments, et que toute sa morale serait plutôt un portrait de votre conduite qu’un effort de mon imagination3 ; et véritablement, Monsieur, cette possession de vous-même, que vous conservez si parfaite parmi tant d’intrigues où vous semblez embarrassé, en approche beaucoup4. C’est de vous que j’ai appris que l’amour d’un honnête homme doit être toujours volontaire, qu’on ne doit jamais aimer en un point qu’on ne puisse n’aimer pas5 ; que si on en vient jusque-là, c’est une tyrannie dont il faut secouer le joug, et qu’enfin la personne aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix, et de son mérite, que quand elle vient {NP3} d’une inclination aveugle, et forcée par quelque ascendant de naissance à qui nous ne pouvons résister. Nous ne sommes point redevables à celui de qui nous recevons un bienfait par contrainte, et on ne nous donne point ce qu’on ne saurait nous refuser6. Mais je vais trop avant pour une épître ; il semblerait que j’entreprendrais la justification de mon Alidor, et ce n’est pas mon dessein de mériter par cette défense la haine de la plus belle moitié du monde7, et qui domine si puissamment sur les volontés de l’autre8. Un poète n’est jamais garant des fantaisies qu’il donne à ses acteurs9, et si les dames trouvent ici quelques discours qui les blessent, je les supplie de se souvenir que j’appelle extravagant10 celui dont ils partent11, et que par d’autres poèmes j’ai assez relevé leur gloire12, et soutenu leur pouvoir pour effacer les mauvaises idées que celui-ci leur pourra faire concevoir de mon esprit. Trouvez bon que j’achève par là, et {NP4} que je n’ajoute à cette prière que je leur fais que la protestation d’être éternellement,

Monsieur,

Votre très humble, et très obéissant13 serviteur,

CORNEILLE.