IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

La Veuve ou le Traître trahi [1634] ; La Veuve [1644-1682]

Corneille, Pierre

Éditeur scientifique : Douguet, Marc

Description

Auteur du paratexteCorneille, Pierre

Auteur de la pièceCorneille, Pierre

Titre de la pièceLa Veuve ou le Traître trahi [1634] ; La Veuve [1644-1682]

Titre du paratexteAu lecteur

Genre du textePréface

Genre de la pièceComédie

Date1634

LangueFrançais

ÉditionParis : François Targa, 1634, in-8°

Éditeur scientifiqueDouguet, Marc

Nombre de pages4

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k713683/f7

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Corneille-Veuve-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Corneille-Veuve-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Corneille-Veuve-Preface.odt

Mise à jour2013-09-15

Mots-clés

Mots-clés français

LieuUnité ; ville

TempsUnité ; cinq jours

ActionUnité

ExpressionNaïveté ; équivoques

MetadiscoursLongueur

AutreAnciens / Modernes ; annonce de développements théoriques plus ambitieux

Mots-clés italiens

LuogoUnità ; città

TempoUnità ; cinque giorni

AzioneUnità

EspressioneIngenuità ; equivoci

MetadiscorsoLunghezza

AltriAntichi / Moderni ; annuncio di sviluppi teorici più ambiziosi

Mots-clés espagnols

LugarUnidad ; ciudad

TiempoUnidad ; cinco días

AcciónUnidad

ExpresiónEstilo natural ; equívocos

MetadiscursoLargo

OtrasAntiguos / Modernos ; anuncio de reflexiones teóricas más ambiciosas

Présentation

Présentation en français

En 1634, Corneille a déjà fait jouer ses cinq premières comédies et Clitandre. Il possède donc une matière suffisante pour se livrer, dans l’avis au lecteur de La Veuve (sa troisième pièce, représentée certainement durant la saison 1631-1632) à un exercice qu’il affectionne : comparer entre elles ses propres pièces. Corneille commence par développer longuement la question du style, qu’il évoque à de nombreuses reprises dans ses autres textes. Il s’intéresse ensuite à une des spécificités de la pièce : les entretiens en équivoques. Enfin, il examine « l’ordre de la pièce », c’est-à-dire sa conformité aux unités de temps, d’action puis de lieu. Mettant en regard La Veuve avec ses autres pièces, il revendique la liberté de respecter ou non la règle des vingt-quatre heures, proposant également une solution inédite en cinq journées consécutives. Il insiste sur le respect de l’unité d’action et de lieu, tout en s’autorisant à donner à cette dernière les limites d’une ville, comme c’était le cas le plus souvent dans les années 1630. L’avis au lecteur de La Veuve est donc à la fois un manifeste stylistique et une étape dans l’évolution du rapport de Corneille à la régularité. Comme tous les avis au lecteur ou les préfaces, il disparaîtra dans la première édition collective de 1644.

Texte

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Au lecteur

[NP1] Si tu n’es homme à te contenter de la naïveté1 du style et de la subtilité de l’intrique2, je ne t’invite point à la lecture de cette pièce : son ornement n’est pas dans l’éclat des vers. C’est une belle chose que de les faire puissants et majestueux : cette pompe ravit d’ordinaire les esprits, et pour le moins les éblouit ; mais il faut que les sujets en fassent naître les occasions, autrement c’est en faire parade mal à propos, et pour gagner le nom de poète, perdre celui de judicieux. La comédie n’est qu’un portrait de nos actions et de nos discours, et la perfection des portraits consiste en la ressemblance3. [NP2] Sur cette maxime je tâche de ne mettre en la bouche de mes acteurs que ce que diraient vraisemblablement en leur place ceux qu’ils représentent, et de les faire discourir en honnêtes gens, et non pas en auteurs. Ce n’est qu’aux ouvrages où le poète parle qu’il faut parler en poète ; Plaute n’a pas écrit comme Virgile, et ne laisse pas d’avoir bien écrit4. Ici donc tu ne trouveras en beaucoup d’endroits qu’une prose rimée5, peu de scènes toutefois sans quelque raisonnement assez véritable, et partout une conduite assez industrieuse. Tu y reconnaîtras trois sortes d’amours aussi extraordinaires au théâtre qu’ordinaires dans le monde6 : celle de Philiste et Clarice, d’Alcidon et Doris, et celle de la même Doris avec Florange, qui ne paraît point. Le plus beau de leurs entretiens est en équivoques, et en propositions dont ils te laissent les conséquences à tirer7 ; si tu en pénètres bien le sens, l’artifice ne t’en déplaira point. Pour [NP3] l’ordre de la pièce, je ne l’ai mis ni dans la sévérité des règles, ni dans la liberté qui n’est que trop ordinaire sur le théâtre français : l’une est trop rarement capable de beaux effets, et on les trouve à trop bon marché dans l’autre, qui prend quelquefois tout un siècle pour la durée de son action, et toute la terre habitable pour le lieu de sa scène8. Cela sent un peu trop son abandon, messéant à toutes sortes de poèmes, et particulièrement aux dramatiques, qui ont toujours été les plus réglés. J’ai donc cherché quelque milieu pour la règle du temps, et me suis persuadé que la comédie étant disposée en cinq actes, cinq jours consécutifs n’y seraient point mal employés9. Ce n’est pas que je méprise10 l’antiquité, mais comme on épouse malaisément des beautés si vieilles11, j’ai cru lui rendre assez de respect de lui partager mes ouvrages, et, de six pièces de théâtre qui me sont échappées, en ayant [NP4] réduit trois dans la contrainte qu’elle nous a prescrite, je n’ai point fait de conscience d’allonger12 un peu les vingt et quatre heures aux trois autres13. Pour l’unité de lieu et d’action, ce sont deux règles que j’observe inviolablement, mais j’interprète la dernière à ma mode14, et la première, tantôt je la resserre à la seule grandeur du théâtre15, et tantôt je l’étends jusqu’à toute une ville, comme en cette pièce. Je l’ai poussée dans le Clitandre jusques aux lieux où l’on peut aller dans les vingt et quatre heures16, mais bien que j’en pusse trouver de bons garants et de grands exemples dans les vieux et nouveaux siècles, j’estime qu’il n’est que meilleur de se passer de leur imitation en ce point. Quelque jour je m’expliquerai davantage sur ces matières, mais il faut attendre l’occasion d’un plus grand volume : cette préface n’est déjà que trop longue pour une comédie17.