Préface
La Veuve
Corneille, Pierre
Éditeur scientifique : Douguet, Marc
Description
Auteur du paratexteCorneille, Pierre
Auteur de la pièceCorneille, Pierre
Titre de la pièceLa Veuve
Titre du paratexteExamen
Genre du textePréface
Genre de la pièceComédie
Date1663
LangueFrançais
ÉditionParis : Guillaume de Luyne, 1663, in-folio
Éditeur scientifiqueDouguet, Marc
Nombre de pages2
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71442p/f37
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Corneille-Veuve-Examen.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Corneille-Veuve-Examen.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Corneille-Veuve-Examen.odt
Mise à jour2014-04-08
Mots-clés
Mots-clés français
TempsCinq jours ; incohérences
ActionCinquième acte inutile
ExpressionAbsence de pointes ; aparté
Mots-clés italiens
TempoCinque giorni ; incoerenze
AzioneQuinto atto inutile
EspressioneAssenza di acutezze ; a parte
Mots-clés espagnols
TiempoCinco días ; incoherencias
AcciónQuinto acto inútil
ExpresiónAusencia de agudezas ; aparte
Présentation
Présentation en français
Texte
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Examen
{XXXIII http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71442p/f37} Cette comédie n’est pas plus régulière que Mélite en ce qui regarde l’unité de lieu, et a le même défaut au cinquième acte, qui se passe en compliments pour venir à la conclusion d’un amour épisodique, avec cette différence toutefois que le mariage de Célidan avec Doris a plus de justesse dans celle-ci que celui d’Éraste avec Cloris dans l’autre1. Elle a quelque chose de mieux ordonné pour le temps en général, qui n’est pas si vague que dans Mélite, et a ses intervalles mieux proportionnés par cinq jours consécutifs2. C’était un tempérament3 que je croyais lors fort raisonnable entre la rigueur des vingt et quatre heures et cette étendue libertine4 qui n’avait aucunes bornes5. Mais elle a ce même défaut dans le particulier de la durée de chaque acte, que souvent celle de l’action y excède de beaucoup celle de la représentation. Dans le commencement du premier, Philiste quitte Alcidon pour aller faire des visites avec Clarice, et paraît en la dernière scène avec elle au sortir de ces visites, qui doivent avoir consumé toute l’après-dinée6, ou du moins la meilleure partie. La même chose se trouve au cinquième. Alcidon y fait partie7 avec Célidan d’aller voir Clarice sur le soir dans son château, où il la croit encore prisonnière, et se résout de faire part de sa joie à la Nourrice, qu’il n’oserait voir de jour, de peur de faire soupçonner l’intelligence secrète et criminelle qu’ils ont ensemble ; et environ cent vers après, il vient chercher cette confidente chez Clarice, dont il ignore le retour. Il ne pouvait être qu’environ midi quand il en a formé le dessein, puisque Célidan venait de ramener Clarice (ce que vraisemblablement il a fait le plus tôt qu’il a pu, ayant un intérêt d’amour qui le pressait8 de lui rendre ce service en faveur de son amant), et quand il vient pour exécuter cette résolution, la nuit doit avoir déjà assez d’obscurité pour cacher cette visite qu’il lui va rendre. L’excuse qu’on pourrait y donner, aussi bien qu’à ce que j’ai remarqué de Tircis dans Mélite, c’est qu’il n’y a point de liaisons de scènes, et par conséquent point de continuité d’action9. Ainsi l’on10 pourrait dire que ces scènes détachées qui sont placées l’une après l’autre ne s’entre-suivent pas immédiatement, et qu’il se consume un temps notable entre la fin de l’une et le commencement de l’autre, ce qui n’arrive point quand elles sont liées ensemble, cette liaison étant cause que l’une commence nécessairement au même instant que l’autre finit11.
Cette comédie peut faire reconnaître12 l’aversion naturelle que j’ai toujours eue pour les a parte13. Elle m’en donnait de belles occasions, m’étant proposé d’y peindre un amour réciproque qui parût dans les {XXXIV http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71442p/f38} entretiens de deux personnes qui ne parlent point d’amour ensemble, et de mettre des compliments d’amour suivis entre deux gens qui n’en ont point du tout l’un pour l’autre, et qui sont toutefois obligés par des considérations particulières de s’en rendre des témoignages mutuels. C’était un beau jeu pour ces discours à part si fréquents chez les Anciens et chez les Modernes de toutes les langues14 ; cependant j’ai si bien fait par le moyen des confidences qui ont précédé ces scènes artificieuses et des réflexions qui les ont suivies que, sans emprunter ce secours, l’amour a paru entre ceux qui n’en parlent point, et le mépris a été visible entre ceux qui se font des protestations d’amour15. La sixième scène du quatrième acte semble commencer par ces a parte, et n’en a toutefois aucun. Célidan et la Nourrice y parlent véritablement chacun à part, mais en sorte que chacun des deux veut bien que l’autre entende ce qu’il dit. La Nourrice cherche à donner à Célidan des marques d’une douleur très vive qu’elle n’a point, et en affecte d’autant plus les dehors pour l’éblouir ; et Célidan de son côté veut qu’elle ait lieu de croire qu’il la cherche pour la tirer du péril où il feint qu’elle est, et qu’ainsi il la rencontre fort à propos16. Le reste de cette scène est fort adroit par la manière dont il dupe cette vieille, et lui arrache l’aveu d’une fourbe17 où on le voulait prendre lui-même pour dupe. Il l’enferme de peur qu’elle ne fasse encore quelque pièce18 qui trouble son dessein, et quelques-uns ont trouvé à dire qu’on ne parle point d’elle au cinquième. Mais ces sortes de personnages, qui n’agissent que pour l’intérêt des autres, ne sont pas assez d’importance pour faire naître une curiosité légitime de savoir leurs sentiments sur l’événement19 de la comédie, où ils n’ont plus que faire quand on n’y a plus affaire d’eux ; et d’ailleurs Clarice y a trop de satisfaction de se voir hors du pouvoir de ses ravisseurs et rendue à son amant pour penser en sa présence à cette nourrice, et prendre garde si elle est en sa maison, ou si elle n’y est pas.
Le style n’est pas plus élevé ici que dans Mélite, mais il est plus net et plus dégagé des pointes dont l’autre est semée, qui ne sont, à en bien parler, que de fausses lumières, dont le brillant marque bien quelque vivacité d’esprit, mais sans aucune solidité de raisonnement20. L’intrique21 y est aussi beaucoup plus raisonnable que dans l’autre, et Alcidon a lieu d’espérer un bien plus heureux succès de sa fourbe qu’Éraste de la sienne22.