IdT – Les idées du théâtre


 

Dédicace

Polyeucte martyr

Corneille, Pierre

Éditeur scientifique : Teulade, Anne

Description

Auteur du paratexteCorneille, Pierre

Auteur de la pièceCorneille, Pierre

Titre de la piècePolyeucte martyr

Titre du paratexteÀ la reine régente

Genre du texteDédicace

Genre de la pièceTragédie

Date1643

LangueFrançais

ÉditionParis : Antoine de Sommaville et Augustin Courbé, 1643, in-4°

Éditeur scientifiqueTeulade, Anne

Nombre de pages6

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k701418

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Corneille-Polyeucte-Dedicace.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Corneille-Polyeucte-Dedicace.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Corneille-Polyeucte-Dedicace.odt

Mise à jour2013-03-25

Mots-clés

Mots-clés français

SujetDigne ; moral

DédicataireRessemblance ; respect ; hommage

FinalitéPiété ; plaisir

ActualitéDébut de la Régence ; mort de Louis XIII ; bataille de Rocroi et prise de Thionville

Mots-clés italiens

ArgomentoDegno ; morale

Dedicatario e PersonaggioSomiglianza ; rispetto ; omaggio

FinalitàPietà ; diletto

AttualitàInizio della Reggenza ; morte di Luigi XIII° ; battaglia di Rocroi e presa di Thionville

Mots-clés espagnols

TemaDigno ; moral

Dedicatario y personajeSemejanza ; respeto ; homenaje

FinalidadPiedad ; placer

ActualidadPrincipio de la regencia ; muerte de Luis XIII ; batalla de Rocroi y toma de Thionville

Présentation

Présentation en français

L’épître à Anne d’Autriche placée en tête de l’édition originale de Polyeucte fait l’éloge de ses vertus chrétiennes et place les victoires contre les Espagnols, qui ont marqué la première année de la Régence, sous le signe de la Providence. Le sujet religieux de la pièce est donc utilisé pour promouvoir les qualités chrétiennes de la régente et évoquer la situation de la France lors de l’année 1643, frappée par la mort de Louis XIII et la continuation de la Guerre contre les Espagnols.

Texte

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À la Reine Régente1

MADAME,

[NP1] Quelque connaissance que j’aie de ma faiblesse, et quelque profond respect qu’imprime Votre Majesté dans les âmes de ceux qui l’approchent, j’avoue que je me jette à ses pieds sans timidité et sans défiance, et que je me tiens assuré2 [NP2] de lui plaire, parce que je suis assuré de lui parler de ce qu’elle aime le mieux3. Ce n’est qu’une pièce de théâtre que je lui présente, mais qui l’entretiendra de Dieu. La dignité de la matière est si haute que l’impuissance de l’artisan ne la peut ravaler, et votre âme royale se plaît trop à cette sorte d’entretien4 pour s’offenser des défauts d’un ouvrage où elle rencontrera les délices de son cœur. C’est par là, Madame, que j’espère obtenir de Votre Majesté le pardon du long temps que j’ai attendu à lui rendre cette sorte d’hommage. Toutes les fois que j’ai mis sur notre scène les vertus morales ou politiques5, j’en ai toujours cru les tableaux trop peu dignes de paraître devant elle, quand j’ai considéré qu’avec quelque soin que je les pusse choisir dans [NP3] l’Histoire, et quelques ornements dont l’artifice les pût enrichir, elle en voyait de plus grands exemples dans elle-même. Pour rendre les choses proportionnées, il fallait aller à la plus haute espèce, et n’entreprendre pas de rien offrir de cette nature à une Reine Très Chrétienne, et qui l’est beaucoup plus encore par ses actions que par son titre, à moins que de lui offrir un portrait des vertus chrétiennes, dont l’amour et la gloire de Dieu formassent les plus beaux traits, et qui rendît les plaisirs qu’elle y pourra prendre aussi propres à exercer sa piété qu’à délasser son esprit6. C’est à cette extraordinaire et admirable piété, Madame, que la France est redevable des bénédictions qu’elle voit tomber sur les premières armes de son Roi, les heureux succès qu’elles ont [NP4] obtenus en sont les rétributions éclatantes, et des coups du Ciel qui répand abondamment sur tout le royaume les récompenses et les grâces que Votre Majesté a méritées7. Notre perte semblait infaillible après celle de notre grand monarque. Toute l’Europe avait déjà pitié de nous et s’imaginait que nous nous allions précipiter dans un extrême désordre, parce qu’elle nous voyait dans une extrême désolation8. Cependant la prudence et les soins de V[otre] M[ajesté], les bons conseils qu’elle a pris, les grands courages qu’elle a choisis pour les exécuter, ont agi si puissamment dans tous les besoins de l’État, que cette première année de sa Régence a non seulement égalé les plus glorieuses de l’autre règne, mais a même effacé, par la prise de Thionville9, le [NP5] souvenir du malheur qui, devant ses murs, avait interrompu une si longue suite de victoires10. Permettez que je me laisse emporter au ravissement que me donne cette pensée, et que je m’écrie dans ce transport11 :

Que vos soins, grande Reine, enfantent de miracles !
Bruxelles12 et Madrid en sont tout interdits,
Et si notre Apollon me les avait prédits,
4    J’aurais moi-même osé douter de ses oracles.
Sous vos commandements on force tous obstacles,
On porte l’épouvante aux cœurs les plus hardis,
Et par des coups d’essai vos États agrandis
8    Des drapeaux ennemis font d’illustres spectacles.
La Victoire elle-même accourant à mon Roi,
Et mettant à ses pieds Thionville et Rocroi13,
11    Fait retentir ces vers sur les bords de la Seine.
France, attends tout d’un règne ouvert en triomphant,
Puisque tu vois déjà les ordres de ta Reine
14    Faire un foudre14 en tes mains des armes d’un enfant.

Il ne faut point douter que des commencements si merveilleux ne soient [NP6] soutenus par des progrès encore plus étonnants. Dieu ne laisse point ses ouvrages imparfaits, il les achèvera, Madame, et rendra non seulement la Régence de V[otre] M[ajesté] mais encore toute sa vie un enchaînement continuel de prospérités. Ce sont les vœux de toute la France, et ce sont ceux que fait avec plus de zèle15,

Madame,

De votre Majesté,

Le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet,

Corneille.