Préface
Clitandre, ou L’Innocence délivrée
Corneille, Pierre
Éditeur scientifique : Vuillermoz, Marc
Description
Auteur du paratexteCorneille, Pierre
Auteur de la pièceCorneille, Pierre
Titre de la pièceClitandre, ou L’Innocence délivrée
Titre du paratextePréface
Genre du textePréface
Genre de la pièceTragi-comédie
Date1632
LangueFrançais
ÉditionParis, François Targa, 1632, in 8°.
Éditeur scientifiqueVuillermoz, Marc
Nombre de pages6
Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k703901.r=clitandre.langFR
Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Corneille-Clitandre.xml
Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Corneille-Clitandre.html
Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Corneille-Clitandre.odt
Mise à jour2015-05-30
Mots-clés
Mots-clés français
DramaturgieMontrer / raconter ; effets scéniques ; règles
LieuGénéral et particulier
TempsRespect de l’unité
ActionTouffue ; réduire / déduire
RéceptionReprésentation / lecture ; blâme de la pièce précédente
ExpressionStyle élevé
Relations professionnellesRivalité avec autres dramaturges
AutreAnciens : respect / affranchissement ; Anciens et modernes
Mots-clés italiens
DrammaturgiaMostrare / raccontare ; effetti scenici ; regole
LuogoGenerale e particolare
TempoRispetto dell’unità
AzioneImbrogliata ; ridurre / dedurre
RicezioneRappresentazione / lettura ; condanna della pièce precedente
EspressioneStile elevato
Rapporti professionaliRivalità con drammaturghi moderni
AltriAntichi : rispetto / affrancamento ; Antichi e Moderni
Mots-clés espagnols
DramaturgiaEnseňar / contar ; efectos escénicos, reglas
LugarGeneral y particular
TiempoRespeto de la unidad
AcciónCompleja ; reducir / deducir
RecepciónRepresentación / lectura ; vituperio de la obra precedente
ExpresiónEstilo elevado
Relaciones profesionalesRivalidades con dramatugos modernos
OtrasAntiguos : respeto / ruptura ; Antiguos y Modernos
Présentation
Présentation en français
Texte
Afficher les occurrences dans les notes
PRÉFACE
[NP1] Pour peu de souvenir qu’on ait de Mélite1, il sera fort aisé de juger, après la lecture de ce Poème, que peut-être jamais deux Pièces ne partirent d’une même main plus différentes et d’invention et de style. Il ne faut pas moins d’adresse à réduire un grand sujet qu’à en déduire2 un petit, et si je m’étais aussi dignement acquitté de celui-ci, qu’heureusement de l’autre, j’estimerais avoir en quelque façon approché de ce que demande Horace au Poète qu’il instruit, quand il veut qu’il possède tellement ses sujets, qu’il en demeure toujours le maître, et les asservisse à soi-même, sans se laisser emporter par eux3. Ceux qui ont blâmé l’autre de peu [NP2] d’effets4 auront ici de quoi se satisfaire, si toutefois ils ont l’esprit assez tendu pour me suivre au Théâtre, et si la quantité d’intriques et de rencontres5 n’accable et ne confond leur mémoire. Que si cela leur arrive, je les supplie de prendre ma justification chez le Libraire, et de reconnaître par la lecture que ce n’est pas ma faute. Il faut néanmoins que j’avoue que ceux qui n’ayant vu représenter Clitandre qu’une fois ne le comprendront pas nettement, seront fort excusables, vu que les narrations qui doivent donner le jour au reste6 y sont si courtes, que le moindre défaut ou d’attention du spectateur, ou de mémoire de l’acteur, laisse une obscurité perpétuelle en la suite, et ôte presque l’entière intelligence de ces grands mouvements dont les pensées ne s’égarent point du fait7, et ne sont que des raisonnements continus sur ce qui s’est passé. Que si j’ai renfermé cette pièce dans la règle d’un jour, ce n’est pas [NP3] que je me repente de n’y avoir point mis Mélite, ou que je me sois résolu à m’y attacher dorénavant. Aujourd’hui quelques-uns adorent cette règle, beaucoup la méprisent8, pour moi, j’ai voulu seulement montrer que si je m’en éloigne ce n’est pas faute de la connaître. Il est vrai qu’on pourra m’imputer que m’étant proposé de suivre la règle des Anciens, j’ai renversé leur ordre, vu qu’au lieu des messagers qu’ils introduisent à chaque bout de champ pour raconter les choses merveilleuses qui arrivent à leurs personnages, j’ai mis les accidents9 mêmes sur la Scène. Cette nouveauté pourra plaire à quelques-uns : et quiconque voudra bien peser l’avantage que l’action a sur ces longs et ennuyeux récits ne trouvera pas étrange que j’aie mieux aimé divertir les yeux, qu’importuner les oreilles10, et que me tenant dans la contrainte de cette méthode j’en aie pris la beauté sans tomber dans les incommodités [NP4] que les Grecs et les Latins qui l’ont suivie n’ont su d’ordinaire, ou du moins n’ont osé éviter. Je me donne ici quelque sorte de liberté de choquer les Anciens, d’autant qu’ils ne sont plus en état de me répondre, et que je ne veux engager personne en la recherche de mes défauts. Puisque les Sciences et les Arts ne sont jamais en leur période11, il m’est permis de croire qu’ils n’ont pas tout su, et que de leurs instructions on peut tirer des lumières qu’ils n’ont pas eues. Je leur porte du respect comme à des gens qui nous ont frayé le chemin, et qui après avoir défriché un pays fort rude nous ont laissé à le cultiver12. J’honore les modernes sans les envier, et n’attribuerai jamais au hasard ce qu’ils auront fait par science, ou par des règles particulières qu’ils se seront eux-mêmes prescrites. Outre que c’est ce qui ne me tombera jamais en la pensée, qu’une pièce de si longue haleine, où il faut coucher l’esprit13 à tant de [NP5] reprises, et s’imprimer tant de contraires mouvements, se puisse faire par aventure. Il n’en va pas de la Comédie comme d’un songe qui saisit notre imagination tumultuairement et sans notre aveu, ou comme d’un Sonnet ou d’une Ode, qu’une chaleur extraordinaire peut pousser par boutade, et sans lever la plume. Aussi l’Antiquité nous parle bien de l’écume d’un cheval, qu’une éponge jetée par dépit sur un tableau exprima parfaitement après que l’industrie du Peintre n’en avait su venir à bout14 ; mais il ne se lit point que jamais un tableau tout entier ait été produit de cette sorte. Au reste je laisse le lieu de ma Scène au choix du Lecteur, bien qu’il ne me coûtât ici qu’à nommer. Si mon sujet est véritable, j’ai raison de le taire : si c’est une fiction, quelle apparence pour suivre je ne sais quelle Chorographie15 de donner un soufflet à l’Histoire, d’attribuer à un pays des Princes imaginaires, et d’en [NP6] rapporter des aventures qui ne se lisent point dans les Chroniques de leur Royaume ? Ma Scène est donc en un château d’un Roi proche d’une forêt, je n’en détermine, ni la province, ni le Royaume ; où vous l’aurez une fois placée, elle s’y tiendra16. Que si l’on remarque des concurrences dans mes vers, qu’on ne les prenne pas pour des larcins17. Je n’y en ai point laissé que j’aie connues, et j’ai toujours cru que pour belle que fût une pensée, tomber en soupçon de la tenir d’un autre, c’est l’acheter plus qu’elle ne vaut, de sorte qu’en l’état que je donne cette pièce au public je pense n’avoir rien de commun avec la plupart des Écrivains Modernes, qu’un peu de vanité que je témoigne ici.