IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

L’Esprit fort

Claveret, Jean

Éditeur scientifique : Douguet, Marc

Description

Auteur du paratexteClaveret, Jean

Auteur de la pièceClaveret, Jean

Titre de la pièceL’Esprit fort

Titre du paratexteAvertissement au lecteur

Genre du textePréface

Genre de la pièceComédie

Date1637

LangueFrançais

ÉditionParis : François Targa, 1637, in-8°

Éditeur scientifiqueDouguet, Marc

Nombre de pages5

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k73906p/f8.image.r=claveret.langFR

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Claveret-Espritfort-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Claveret-Espritfort-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Claveret-Espritfort-Preface.odt

Mise à jour2012-12-04

Mots-clés

Mots-clés français

DramaturgieLiaison des scènes ; règles

TempsUnité ; durée de la représentation / de l’histoire

ActionUnité ; épisodes

Relation œuvre / personnageTitre et nom de l’héroïne

DédicataireMétaphore militaire

RéceptionPublic féminin

ExpressionPointes ; style et genre

AutreTitre différent pour la représentation et pour l’édition

Mots-clés italiens

DrammaturgiaLegami tra le scene ; regole

TempoUnità ; durata della representazione / della favola

AzioneUnità ; episodi

Opera e PersonaggioTitolo e nome dell’eroina

Dedicatario e PersonaggioMetafora militare

RicezionePubblico femminile

EspressioneAcutezze ; stile e genere

AltriTitolo differente per la rappresentazione e per l’edizione

Mots-clés espagnols

DramaturgiaEnlace entre las escenas ; reglas

TiempoUnidad ; duración de la representación / de la historia

AcciónUnidad ; episodios

Obra y personajeTítulo y nombre de la protagonista

Dedicatario y personajeMetáfora militar

RecepciónPúblico femenino

ExpresiónAgudezas ; estilo y género

OtrasTítulo diferente para la representación y para la edición

Présentation

Présentation en français

L’Esprit fort, sans doute représenté en 1630, ne fut édité qu’en 1637, et l’avertissement au lecteur, écrit pour cette occasion, se concentre sur les problèmes liés à ce décalage temporel. En effet, il est consacré à défendre préventivement deux aspects du texte : le changement de titre, chose fréquente à l’époque, mais dont les enjeux théoriques sont particulièrement intéressants dans le cas de L’Esprit fort ; et le style de la pièce, qui ne correspondrait plus au « style du temps ». L’argumentation de Claveret est très imagée, et se caractérise, comme la pièce elle-même, par une forme de préciosité qui préfère une collection d’expressions à la fois heureuses, inattendues et profondes à un ensemble cohérent. Incidemment, l’avertissement insiste sur la régularité de la pièce, qui en constitue une des caractéristiques les plus intéressantes et en fait une œuvre d’avant-garde, notamment en ce qui concerne la volonté affichée de lier les scènes. L’histoire du texte coïncide justement avec les grands débats des années 1630 : 1630 est l’année où Chapelain rédige la Lettre sur la règle des vingt-quatre heures, 1637 celle de la querelle du Cid.

Texte

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Avertissement au lecteur

[NP1] Ne t’étonne point, je te prie, que cette même comédie que le Théâtre royal1 t’a fait voir tant de fois sous les noms d’Angélie et de l’Esprit fort2, en ait retenu seulement le dernier en cette impression ; et ne dis point en la lisant que si j’entendais les règles, je l’aurais appelée du nom du héros, ou de l’héroïne de la pièce3. Je te fais voir assez en te prévenant ainsi, que je n’ignore pas absolument cet ordre poétique4, outre qu’ayant pratiqué avec soin toutes les autres règles5, il n’y a point d’apparence6 que celle-ci soit échappée à ma con[NP2]naissance. En effet tu pourras voir qu’il ne faut guère plus de temps pour représenter cet intrique7, qu’il en a fallu pour en faire naître tous les incidents8, et que la liaison des scènes9, jointe à l’unité d’action, que représente le mariage d’Orilame et d’Angélie, est observée dans tous les actes10, car de m’alléguer les mariages de l’aînée et de la cadette, il est assez facile à juger que je ne les ai faits que par occasion11, et que ce sont les épisodes de la pièce12. Il est permis, ce me semble, à un père de nommer son enfant comme il lui plaît, lors principalement que le parrain en est d’accord13, et voulant envoyer mon ouvrage à l’armée, j’ai cru qu’il serait bon de lui donner un nom de guerre, afin qu’il rencontrât chez le cavalier à qui je le dédie une protection plus favorable14. Outre ces considérations, j’avais peur que [NP3] l’ignorance ou la malice des critiques du temps ne prît plaisir de confondre ces noms d’Angélie et de l’Esprit fort, pour n’en faire qu’une même personne ; et je n’ai pas voulu me mettre au hasard d’être cause que l’on fît cet outrage à des charmes que la naissance, l’esprit, et la vertu, rendent si précieux aux belles âmes. Au reste, si, pour blâmer les pointes15 que j’ai laissées dans cet ouvrage, tu me fais la faveur de m’apprendre que le style du temps commence à devenir plus sérieux, apprends aussi toi-même qu’elles étaient en vogue quand il sortit de ma plume, il y a près de sept ans16 ; que l’on s’en sert encore aujourd’hui dans les conversations les plus polies, qui doivent être une même chose avec ce genre d’écrire ; que les naïvetés comiques tirent toutes leurs grâces de ces ornements, et que de semblables roses ne sauraient être [NP4] belles, ni conserver une odeur qui dure, que parmi de si douces épines. Comme la plupart des dames à qui les pierres précieuses manquent, ou qui ne sont pas d’une condition assez relevée pour s’en parer, empruntent l’éclat des faux diamants, afin que leur beauté se produise avec plus de succès dans les assemblées ; ainsi les ouvrages comiques, où la gravité des sentences et la force des raisonnements ne peut entrer, ont recours à ces faux brillants pour s’insinuer dans les esprits avec plus de plaisir17. Joins à cela, s’il te plaît, lecteur, que ces gentillesses ne voient ordinairement le jour qu’en faveur de ce beau sexe, qui ne s’arrête presque jamais qu’à ce qui brille18. Si mon loisir ou ma patience me permettent quelque jour de te donner une tragédie19, je peindrai mon héros avec un coloris plus fort et [NP5] plus durable : mais je serai bien aise, en attendant, d’apprendre par ces petits essais quel est ton goût, s’il est conforme à celui des polis et au mien, pour en user après ainsi que je le jugerai à propos. Adieu.