IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Les Copieux de La Flèche ou les Barons fléchois

Chérier ou Le Noble

Éditeur scientifique : Piot, Coline

Description

Auteur du paratexteChérier ou Le Noble

Auteur de la pièceChérier ou Le Noble

Titre de la pièceLes Copieux de La Flèche ou les Barons fléchois

Titre du paratexteAvertissement

Genre du textePréface

Genre de la pièceComédie

Date1667

LangueFrançais

ÉditionParis, C. Blajeart, 1667, in-12°,

Éditeur scientifiquePiot, Coline

Nombre de pages5

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8568724/f7

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Cherier-Baronsflechois-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Cherier-Baronsflechois-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Cherier-Baronsflechois-Preface.odt

Mise à jour2014-11-22

Mots-clés

Mots-clés français

GenreFarce ; divertissement comique

SourcesLettre d’un critique « Sur le sujet du petit poète Oronte »

DramaturgieNon respect de la règle des cinq actes

Personnage(s)Nobles de province ; sélection d’un nombre restreint de personnages

ComédiensTroupes parisiennes

ScenographieRisque d’un trop grand nombre de personnages

FinalitéDivertir

Relations professionnellesSatire des critiques (le poète Foussard)

AutreMétaphore filée du festin

Mots-clés italiens

GenereFarsa ; divertimento comico

FontiLettera di un critico « Sull’argomento del piccolo poeta Oronte »

DrammaturgiaNon rispetto della regola dei cinque atti

Personaggio(i)Nobili di provincia ; selezione di un numero ristretto di personaggi

AttoriCompagnie parigine

ScenografiaRischio di un numero troppo elevato di personaggi

FinalitàDivertire

Rapporti professionaliSatira dei critici (il poeta Foussard)

AltriMetafora filata del festino

Mots-clés espagnols

GéneroFarsa ; entretenimiento cómico

FuentesCarta de un crítico « Sobre el tema del pequeño poeta Oronte »

DramaturgiaNo respeto de la regla de los cinco actos

Personaje(s)Nobles de provincia ; selección de un número reducido de personajes

Actor(es)Compañías parisinas

EscenografiaRiesgo de un número excesivo de personajes

FinalidadDivertir

Relaciones profesionalesSátira de los críticos (el poeta Foussard)

OtrasMetáfora hilada del festín

Présentation

Présentation en français

Si l’on s’en tient strictement aux motifs exploités, cet avertissement peut passer pour une préface parfaitement topique : après s’être positionné par rapport à la littérature contemporaine en se plaçant dans la lignée de Raymond Poisson, auteur de petites comédies, Chérier1 annonce un roman et une pièce en cours d’écriture, et justifie ses sources en rappelant qu’une lettre qui circule dans les milieux parisiens sert de matière à la deuxième scène de sa comédie. Plusieurs éléments rendent pourtant la lecture et la compréhension de cette préface difficiles. Le ton employé est déroutant car l’auteur s’exprime volontiers sur un ton badin, voire grossier, tant ses expressions peuvent sembler familières, à l’image des personnages qu’il propose dans sa pièce. Mais on perçoit également un ton polémique et le dramaturge semble être sur la défensive lorsqu’il évoque l’attaque d’un certain Foussard, poète caricaturé dans sa comédie sous les traits d’Aminte, et menacé d’être la cible d’une prochaine comédie s’il ose critiquer la pièce. Le « mot d’avis » malveillant deviendrait alors la matière satirique d’une pièce à venir, et le critique en serait le contributeur involontaire, selon un processus déjà exploité pour l’écriture des Barons fléchois. L’intrication du plan de la fiction et du plan de la réalité est si soignée qu’on peine à déterminer si l’on est déjà dans la fable théâtrale. Il semble qu’en réalité le but de cet avertissement est moins de dire véritablement quelque chose sur la pièce que de faire entrer progressivement le lecteur dans l’univers des barons de province où règnent à la fois l’esprit de la bonne chaire et la filouterie malveillante. La préface devient alors une forme de sas pré-fictionnel par lequel doit passer le lecteur désireux d’entrer dans l’univers haut en couleurs qui lui est dépeint dans cette comédie.

Texte

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Avertissement

[NP5] Si j’avais eu à représenter sur la scène tous les barons fléchois2, ou ceux qui se piquent de l’être, il est certain que les quatre troupes de comédiens qui sont à Paris3 n’auraient pas été suffisantes, et que ce grand nombre d’intervenants et d’acteurs aurait gâté par sa confusion toute l’intrigue et la beauté du théâtre. Il a donc fallu me restreindre malgré moi, et faire un choix de cinq ou six des principaux et des plus apparents, pour en donner le divertissement au public. Peut-être que quelque bourru critique, ou ridicule censeur, voudra épiloguer4 cette pièce, et dire qu’elle n’est pas selon les règles austères du théâtre, qui veulent que la comédie soit divisée en cinq actes ; mais à telle objection la réponse est facile, puisqu’il est vrai que ce genre [NP6] d’écrire est aujourd’hui le plus usité, et le plus selon la mode ; et d’ailleurs je ne prétends pas que cette pièce passe pour autre que pour une farce, comme celle du Baron de la crasse5, et quantité d’autres qui ne servent au théâtre que de divertissement comique. Mais afin de rendre justice à tous ces barons de baronnie chimérique, et [de] les copier à mon gré, je me suis imposé une loi que j’observerai très religieusement. On sait que ces messieurs font ordinairement grâce à tous ceux qui les régalent, et qu’ils sont fort friands d’un bon repas6 ; aussi, je prétends comme un fidèle ami leur en préparer un qui soit dans l’ordre, et dans lequel on n’aura point de reproche à me faire. Cette petite comédie sera le potage et l’entrée du festin seulement, comme l’on dit, pour leur ouvrir l’appétit, et leur dégraisser les dents. Un roman que je leur médite sera le corps de ce solide repas, dans lequel je ferai voir quel est [NP7] l’esprit de cette petite ville copieuse7, le succès des amours de tous ces barons, la méthode qu’ils y observent, comme aussi leurs portraits en général et d’un chacun en particulier, et généralement toute l’intrigue du pays ; et pour dessert, je leur présenterai une autre comique de plus longue haleine, intitulée Les Barons et l’Anti-Baron8, dont le plus beau des théâtres9 se verra encore honorer pour la seconde fois. Si quelqu’un est assez curieux pour savoir la raison de ceci, il saura que nemo quietum, impune lacessit10, ce qui veut dire en français,

Tel réveille le chien qui dort,
Qui gagnerait plus de se taire ;        
Quand il dort il ne peut mal faire,
Mais éveillé souvent il mord.

On ne doute point que le poète Foussard11 ne sue à grosses gouttes pour donner ici quelque mot d’avis à son ordinaire12 ; c’est aussi où je l’attends, afin de me servir de ses propres armes pour le combattre et pour le vaincre, comme [NP8] je m’en suis déjà servi en une fausse lettre qu’il a écrite à un ami supposé sur le sujet du petit poète Oronte13, laquelle m’est heureusement tombée entre les mains ; et pourvu que la médisance qui lui est naturelle ne soit point de la partie, on lui permet d’user de réplique, car en ce cas il n’a qu’à se préparer à jouer encore un personnage tout neuf dans la comédie qui me reste à faire, où j’estime qu’il n’aura pas mauvaise grâce à représenter un Capitan, après avoir si bien fait le poète en celle-ci. Un plus téméraire oserait peut-être dire que le Ciel a travaillé de concert avec moi, en me suscitant l’occasion de cette lettre qui était absolument nécessaire à mon sujet, et qui m’a été livrée par son plus fidèle ami et son bon confident ; car qui pourrait imaginer qu’un baron fléchois qui ne m’avait jamais vu me soit venu trouver à Paris au retour d’un voyage d’Italie, pour me bailler cette lettre qu’il avait pris la [NP9] peine de porter si loin ? mais tellement usée et déchirée que ce fut à moi une espèce de miracle de l’avoir pu lire. Le respect que j’ai pour ce grand auteur ne me permet pas de rien14 supprimer de ses ouvrages, et j’avais résolu de la mettre au bout de ce livre ; mais ayant appris que depuis peu il en avait fait libéralité à tout le monde, il a si bien su me prévenir en ce dessein qu’il m’en a lui même épargné la peine. Je supplie donc très humblement tous ceux qui ont lu cette lettre de la relire avec attention, d’en considérer le spirituel, s’il y en a, et de la confronter ensuite avec la seconde scène de cette pièce ; ils verront que c’est une version toute pure et conforme à cette belle lettre, tout autant que la rigueur de la poésie se peut accommoder avec la prose.