IdT – Les idées du théâtre


 

Préface

Argélie, reine de Thessalie

Abeille, Gaspard

Éditeur scientifique : Barbafieri, Carine

Description

Auteur du paratexteAbeille, Gaspard

Auteur de la pièceAbeille, Gaspard

Titre de la pièceArgélie, reine de Thessalie

Titre du paratextePréface

Genre du textePréface

Genre de la pièceTragédie

Date1674

LangueFrançais

ÉditionParis, Claude Barbin, 1674, in-16°

Éditeur scientifiqueBarbafieri, Carine

Nombre de pages7

Adresse sourcehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5812122r

Fichier TEIhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/tei/Abeille-Argelie-Preface.xml

Fichier HTMLhttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Abeille-Argelie-Preface.html

Fichier ODThttp://www.idt.paris-sorbonne.fr/odt/Abeille-Argelie-Preface.odt

Mise à jour2015-03-05

Mots-clés

Mots-clés français

SourcesSuidas

SujetHistorique / inventé

Personnage(s)Égalité de mœurs ; vertu / indécence de l’héroïne

RéceptionSuccès

AutreRéflexion sur l’onomastique et sur le titre des pièces de théâtre

Mots-clés italiens

FontiSuidas

ArgomentoStorico / inventato

Personaggio(i)Uguaglianza di costumi ; virtù / indecenza dell’eroina

RicezioneSuccesso

AltriRiflessione sull’onomastica e sul titolo delle opere teatrali

Mots-clés espagnols

FuentesSuidas

TemaHistórico / inventado

Personaje(s)Igualdad de costumbres ; virtud / indecencia de la heroína

RecepciónÉxito

OtrasReflexión sobre la onomástica y sobre el título de las obras de teatro

Présentation

Présentation en français

La préface d’Argélie, reine de Thessalie porte principalement sur le personnage éponyme et sur sa construction. Elle livre d’abord une réflexion sur le nom de ce personnage : le texte précise d’une part qu’il a été adapté à la langue française pour lui faire perdre sa « rudesse », et revendique d’autre part la possibilité de choisir pour titre de la pièce le nom d’un personnage qui n’en est pas le héros. Le dramaturge défend ensuite le caractère de son héroïne et sa « vertu », en soutenant que « l’honneur », la « prudence » et la « décence » règlent ses comportements de bout en bout de la pièce : la convenance et l’égalité des mœurs sont ainsi respectées.

Texte

Afficher les occurrences dans les notes

Préface

[NP1] Le sujet de cette tragédie est assez inconnu. Je l’ai pris dans Suidas, et Suidas, quelque rang qu’il tienne parmi les savants, n’est guère plus connu dans le monde que le sujet qu’il m’a fourni1. Je n’y ai pris que le nom d’Argélie, celui de son royaume, et l’auteur de sa mort, qui fut un prince d’Argos qu’elle avait fait mettre en prison ; encore ai-je [NP2] retranché une lettre du nom de cette reine2 afin qu’il fût moins rude3 à prononcer. Voilà tout ce qu’il y a d’historique dans la fable4.

Il n’est pas nécessaire de répondre aux scrupules de tous ceux que le succès de cette tragédie a mis en mauvaise humeur. Quelques-uns de ces scrupules sont si mal fondés, qu’ils ne méritent pas qu’on s’applique à les détruire. Je connais des gens qui se vantent d’avoir lu quatre fois la Poétique d’Aristote et qui soutiennent que, dans les principes de ce philosophe, Argélie donnant le nom à la pièce, doit attirer sur elle toute la pitié des [NP3] spectateurs. On peut connaître par là s’il est vrai qu’ils aient jamais lu Aristote5.

Pour ceux qui ont cru que le troisième acte était inutile, et que la stérilité de mon sujet m’avait fait différer jusqu’au cinquième la déclaration d’amour qu’Ismène devait faire dès le troisième à Phœnix, lorsqu’elle lui veut faire quitter la cour, je les prie de me dire quel jugement ils feraient de la vertu d’Ismène, si une heure après le choix d’un époux elle parlait d’amour à son rival. Cette indécence ne se trouve pas au cinquième acte. Ismène semble devoir alors cet aveu à l’amour d’un prince déses[NP4]péré, qui vient mourir à ses pieds pour son époux et pour elle. Elle croit toucher elle-même au dernier moment de sa vie, et dès qu’elle a avoué son amour, elle presse qu’on lui abrège ce dernier moment, pour venger son époux du tort qu’un aveu de cette nature vient de lui faire.

Mais je n’ai pas eu, dit-on, les mêmes égards partout pour la vertu d’Ismène. Je lui fais sacrifier Timagène à la sûreté de Phœnix. Elle devait obliger ces deux princes à la fuite, et se tirer ainsi de la fâcheuse nécessité de les perdre tous deux, ou de trahir l’un pour l’autre6. C’est le moyen dont elle a dû7 se servir, je l’avoue. [NP5] Et ne s’en sert-elle pas ? Ne leur envoie-t-elle pas par Dione un ordre pressant de fuir ? Et n’auraient-ils pas reçu cet ordre, s’ils n’eussent été dès lors au pouvoir de la reine ?

Il est inutile de m’objecter que je devais ménager les choses de telle manière que cet ordre leur fût porté lorsqu’ils étaient encore en état d’y obéir, et que c’était la première chose qu’Ismène devait tenter pour tirer ses amants d’affaire. Son premier devoir, selon toutes les maximes de l’honneur et de la prudence, a été de consentir à son mariage avec un des rois étrangers, avant que de condamner ses [NP6] amants à un exil qui ruinait leur fortune. Elle a dû croire raisonnablement que ce consentement suffirait pour apaiser tout le courroux de sa sœur. L’obstination de la reine rend ce premier moyen sans effet. Ismène essaie l’autre. Elle s’y prend trop tard ; mais elle n’a pas dû8 s’y prendre plus tôt. C’est là la source de son embarras, et de toutes les passions qui animent le reste de la pièce.

Quoi qu’il en soit, quand je vois des personnes d’un discernement juste, et d’un mérite extraordinaire, s’intéresser dans les événements de cette tragédie, s’y récrier9 de bonne foi, et se [NP7] faire un plaisir des larmes qu’elles répandent, je ne me puis repentir de l’avoir faite ; et j’avoue que j’aurai bien de la peine à m’empêcher d’en faire d’autres10.